[8 mars] Portrait de Pauline Collon, chercheuse à GeoRessources

 
Publié le 10/03/2020 - Mis à jour le 5/05/2023

À l’occasion du 8 mars, journée internationale pour les droits des femmes, l’Université de Lorraine vous propose de découvrir une sélection de celles qui travaillent au quotidien pour la recherche. Zoom sur Pauline Collon, maîtresse de conférences à l’ENSG*, chercheuse à GeoRessources**.

Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours professionnel ?

Pauline Collon : "Adolescente en banlieue parisienne, j’étais curieuse de tout et plutôt bonne en Sciences. A 16 ans, j’ai obtenu mon bac et, motivée par l’envie de faire des études supérieures et l’attrait pour les sciences naturelles, je me suis inscrite en classes préparatoires BCPST*** . En classe préparatoire, j’ai compris qu’en m’intéressant à l’eau et l’environnement, je pourrais concilier ma fibre écologique et mon besoin de me sentir utile à la société. C’est ainsi que j’ai découvert l’ENSG et les géosciences, qui offrent de très larges débouchés. J’ai été admise au concours en 1997 et j’ai foncé. Finalement, je ne suis pas partie creuser des puits en Afrique comme je me l’étais d’abord imaginé, mais j’ai réalisé un autre rêve, celui de devenir Enseignante-Chercheuse. J’ai toujours eu besoin de comprendre le monde qui m’entoure, de chercher des solutions aux problèmes et de transmettre aux autres mon expérience. Après mon diplôme d’Ingénieure, je me suis lancée dans une thèse appliquée pour comprendre le phénomène de pollution en sulfates des mines de fer de Lorraine. Pendant cette thèse, je me suis perfectionnée en programmation : un vrai « coup de cœur disciplinaire »., En 2007, j’ai été recrutée à l’ENSG pour effectuer ma recherche au sein de l’équipe de Géologie Numérique (RING) du laboratoire GeoRessources. Rejoindre cette équipe, où je suis depuis maintenant douze ans, a nécessité un changement thématique, mais je suis fière d’avoir relevé ce défi qui m’a permis d’exprimer mon goût pour le numérique et de soutenir mon HDR en 2016."
 

Sur quelle thématique travaillez-vous et quelles en sont les applications ?

Pauline Collon : "Mes travaux de recherche consistent à modéliser numériquement, en 3D, le milieu souterrain, notamment les réservoirs géologiques qui sont géométriquement complexes comme les systèmes karstiques, les environnements chenalisés (par ex. anciens systèmes fluviatiles) ou les bassins miniers. En géomodélisation, le principal enjeu est en effet de représenter l’invisible, ce qui ne peut être connu que partiellement par des puits, des acquisitions sismiques : impossible d’excaver toute la Terre pour en connaitre la structure exacte ! Notre « mission » est donc de permettre la reconstruction virtuelle du sous-sol à partir de données éparses et de résolutions variées, tout en permettant une quantification des incertitudes associées. Pour cela nous développons des algorithmes dont le but est de générer un ensemble de modèles possibles qui doivent honorer nos observations et les concepts géologiques propres au milieu considéré. Représenter correctement les  réservoirs souterrains est indispensable pour comprendre la circulation des fluides, de la chaleur, les minéralisations, et pour identifier, quantifier et exploiter eau, gaz, ou hydrocarbures. Mes activités de recherche se situent ainsi à la croisée de plusieurs disciplines : géologie numérique, géomodélisation, hydrogéologie/hydrogéochimie et géostatistique." 
 

Que pensez-vous de la place des femmes dans la recherche de votre champ disciplinaire, et quels conseils donneriez-vous à des jeunes filles qui souhaiteraient s’y engager ?

Pauline Collon : "À Nancy, c’est un peu exceptionnel et très récent, les femmes sont bien représentées dans les différentes directions des composantes de géosciences. Mais ce n’est pas représentatif de la recherche en géosciences que ce soit à l’échelle nationale ou locale : les femmes ne représentent que 35% des maîtres de conférences et environ 14% des professeurs d’universités. Pourquoi ce décalage ? Beaucoup d’explications sont aujourd’hui avancées parmi lesquelles une culture de l’autocensure, et l’existence d’un « plafond de verre » encore démontrée dans le dernier rapport de l’ESRI sur les chiffres-clé de l’égalité hommes-femmes. De même pour les ingénieures du « monde industriel », il reste du chemin à parcourir pour l’égalité des salaires, l’avancement des carrières. C’est pourquoi je participe à un groupe de réflexion sur la place des femmes en géosciences au sein de l’IAMG**** et en tant que référente à l’égalité femmes-hommes à l’ENSG depuis 1 an. En ce qui concerne les motivations à la recherche, elles ne doivent pas être « genrées » : je souhaite encourager autant les hommes que les femmes, et ce n’est pas facile en France quand on voit le projet de loi en cours, qui, en réduisant les perspectives académiques décourage beaucoup de jeunes. Malgré tout, à tous ceux qui se sentent « l’âme d’un chercheur » je dirais « Foncez » ! Ce qui doit motiver à s’investir dans la recherche c’est votre soif de comprendre le monde qui vous entoure, de prendre un problème à bras le corps et de ne rien lâcher tant qu’on n’a pas réussi. Si vous adorez les casse-têtes, alors ne vous posez pas de questions, faites une thèse. Les débouchés se trouvent autant dans le privé que dans l’académique et les compétences acquises ne sont pas uniquement liées à une spécialisation disciplinaire. La thèse permet de développer de nombreuses capacités humaines et intellectuelles qui découlent de la démarche de recherche : la capacité à questionner, à organiser une réflexion, à remettre en cause des idées, à inventer de nouvelles solutions. Et ça, ce sont des compétences que vous pourrez valoriser partout."
 
*ENSG : Ecole Nationale Supérieure de Géologie
** GeoRessources : laboratoire de l'Université de Lorraine et du CNRS  
*** BCPST : Biologie, Chimie, Physique, Sciences de la Terre
**** International Association of Mathematical Geosciences