Les clés du Lobbying dévoilées aux étudiants du Master VSOC

 
Publié le 10/05/2023 - Mis à jour le 11/05/2023

Le lobbying est le fait d'influencer les décideurs politiques, comme les membres du parlement ou le gouvernement, dans le but de servir un intérêt particulier. Bien que ce terme ait parfois une connotation négative, le lobbying est une activité politique légale et importante dans une démocratie.

D’après Marc Milet, professeur des Universités en science politique et auteur de l’ouvrage Théorie critique du lobbying. L’Union européenne de l’artisanat et des PME et la revendication des petites et moyennes entreprises, le lobbying se définit comme étant “les actions d’influence entreprises par des acteurs privés pour faire pression sur une décision politique. Ces acteurs privés sont généralement désignés dans la littérature scientifique par l’appellation « groupes d'intérêt » ” (Marc Milet, 2018).

Les groupes d'intérêt et les lobbyistes ont pour rôle d'informer et de sensibiliser les politiciens sur des sujets qui touchent le public ou des organisations. Ils présentent des arguments et des données pour défendre leur cause et tenter de convaincre les décideurs. Cela permet d'éclairer les politiciens et de faire contrepoids à d'autres intérêts. Le lobbying est donc essentiel pour assurer une prise de décision équilibrée qui tient compte de toutes les perspectives.

Une discipline pleine d’idées reçues...

Contrairement aux idées reçues, le lobbying n'est pas que l'apanage de grandes entreprises ou de puissants groupes d'intérêts. De nombreuses associations, ONG, syndicats et citoyens exercent aussi une activité de lobbying pour défendre des causes qui leur tiennent à cœur. Le lobbying, lorsqu'il est transparent et équilibré, participe à l'élaboration de lois et de politiques publiques plus justes, éclairées et adaptées aux besoins de la société.

L’affaire de tous

Bien sûr, il est important que le lobbying soit transparent et éthique. Il faut aussi s'assurer que toutes les parties prenantes aient voix au chapitre et que les intérêts particuliers n'éclipsent pas l'intérêt général. Des règles encadrent d'ailleurs le

lobbying pour plus de transparence, comme l'obligation pour les lobbys d'enregistrer leurs activités et les moyens qu'ils y consacrent.

Quand il est pratiqué de façon responsable, le lobbying permet à toute une diversité d'opinions, même minoritaires, d'être entendues et contribue à un débat démocratique sain et bien informé.

 

Entretien avec Guy Keckhut sur le métier de lobbyiste

Quelles sont les qualités essentielles pour devenir un bon lobbyiste ?

Une démarche de lobbying nécessite avant toute chose beaucoup de rigueur et de détermination. Il s’agit toujours d’opérations complexes, qui exigent une connaissance parfaite du sujet et une excellente appréhension de son contexte réglementaire et institutionnel, voire politique. Pour compléter, j’ajouterais que savoir travailler en étroite coordination avec ses partenaires, ses alliés, sera souvent un élément clé de réussite, on ne fait jamais de lobbying tout seul.

Comment établissez-vous des relations avec les décideurs politiques, les fonctionnaires et les parties prenantes clés ?

Vous touchez un élément essentiel du lobbying : pour être efficace, il faut savoir établir les contacts utiles et bien sûr les entretenir avec ce que l’on appelle les décideurs, ceux qui ont capacité à faire « bouger les lignes ».

Même si le lobbying peut se structurer parfois très efficacement autour d’opérations comme des manifestations pour contester et faire pression – nous avons des exemples dans l’actualité –, ces actions ne sont pas pour autant toujours gagnantes. L’enjeu consiste surtout à être en position de défendre ou faire valoir ses intérêts, ses revendications auprès des acteurs ou parties prenantes dépositaires du pouvoir de changer la règle. C’est le cœur du réacteur. Pour établir ces contacts, différents chemins sont possibles : activer ses réseaux, susciter les occasions de rencontres parfois même impromptues (lors de cérémonies officielles par exemple où vous avez la capacité de croiser des personnalités), ou encore saisir de façon officielle une personnalité et/ou une institution pour une rencontre.

Ce qui compte, c’est de bien connaître son environnement. Je dis souvent que pour faire du lobbying, l’une des forces essentielles est de savoir ouvrir des portes, en d’autres termes, savoir utiliser son carnet d’adresses. Constituer son carnet d’adresses est un travail de tous les instants : tous vos contacts professionnels sont précieux, il faut les entretenir, c’est ainsi que l’on construit une relation de confiance.

Pour compléter, permettez-moi juste d’insister sur un point très important : les contacts dont nous parlons ici ne sont pas systématiquement les personnalités au plus haut niveau d’une hiérarchie. Je prends souvent l’exemple du travail de négociation que l’on peut être amené à conduire avec un ministère : il y a bien entendu le dialogue avec le ministre ou son cabinet qui va compter, mais croyez-moi, le résultat final ne se jouera pas seulement à ce niveau-là, tout le travail de négociation sur les points très précis d’un texte réglementaire à faire évoluer, ce sont aussi – et je dirais parfois surtout – des échanges de travail qui se font au niveau de l’administration. J’ai beaucoup plus souvent été en discussion avec un chef de service ou un directeur dans une administration ou un assistant parlementaire qu’avec un ministre ou un député. Il ne faut négliger aucun niveau hiérarchique !

Est-ce que les développements technologiques comme les réseaux sociaux ont affecté votre travail de lobbyiste ?

Il est évident que les médias et réseaux sociaux que vous évoquez contribuent à faire évoluer les pratiques du lobbying, et plus généralement les technologies de l’information.

D’une part, internet est un formidable outil pour capter et croiser de l’information, de façon efficace et rapide, l’information demeure la matière première absolue du lobbying. Il faut évidemment s’informer de façon rigoureuse, avec tous les garde-fous nécessaires pour se prémunir de toute manipulation.

D’autre part, internet et les réseaux sociaux sont bien sûr devenus des instruments importants – pas forcément systématiques, attention – pour diffuser des informations qui pourraient servir à une action de masse destinée à faire pression. Je reste toutefois très prudent sur cet aspect, car vous savez comme moi à quel point ces outils peuvent aussi servir de mauvaises causes. Nous savons que certains combats se jouent à la diffusion parfois massive de fausses informations, colportées sur les réseaux, dans les forums, et il n’est pas toujours simple de faire la part des choses.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui souhaite se lancer dans le lobbying ?

Ne pas craindre la complexité ou faire des heures supplémentaires ! Je plaisante un peu, mais il y a du vrai. De telles démarches sont très longues à mettre en action, elles nécessitent un travail important et permanent de documentation, une multiplicité de prises de contact – pas toujours concluantes –, et souvent dans des rythmes qui peuvent soudain s’accélérer en fonction du contexte institutionnel ou politique... Le tout agrémenté de beaucoup de complexité technique, juridique ou institutionnelle... Alors développer sa curiosité, s’informer beaucoup et de façon sérieuse, et disposer d’une excellente connaissance des institutions, voilà déjà quelques atouts essentiels pour se lancer.

 

Hande Beyribey, Marie Bertrand et Elsa Hiegel, M1 VSOC