La ferme expérimentale de la Bouzule est l’une des deux dernières fermes adossées à une école d’ingénieurs en France. En 2008, l’école Nationale Supérieure d’Agronomie et des Industries Alimentaires (ENSAIA) a choisi de se tourner vers la transition énergétique et écologique. Cette transition s’appuie à la fois sur un allongement des rotations pour les cultures, un moindre usage des pesticides et plus spécifiquement par le développement de la méthanisation.
Ainsi depuis peu la fosse à fumier est presque vide et l’odeur caractéristique du purin est en passe de disparaître. Désormais, fumier et lisier sont recueillis et déposés dans les cuves d’un méthaniseur. Tout en évitant le rejet dans l’atmosphère de 300 tonnes d’équivalent CO2 par an, cette technologie produit de l’énergie et de l’engrais.
Nous cherchons à refermer le cycle de l’azote
Pour Stéphane Pacaud, chargé de mission « énergie et territoires » à l’ENSAIA, tout l’enjeu du projet se résume à rendre à la terre ce qu’on lui a emprunté pour se nourrir. Plutôt que de rejeter un gaz à effet de serre dans l’atmosphère, il s’agit de le convertir en électricité, en chaleur ou de l’utiliser comme biogaz. Quant au résidu solide de la méthanisation, le digestat, il est répandu dans les prairies et les champs : riche en azote minéral, le digestat constitue un engrais naturel plus efficace que le fumier brut. Des recherches sont en cours pour optimiser l’apport de ce digestat sur les cultures pour en maîtriser le cycle du carbone et de l’azote.
L’Allemagne compte 7500 méthaniseurs aujourd’hui, alors qu’on n’en trouve que 100 à 150 en France. Mais la filière s’est développée Outre-Rhin en misant sur la production d’électricité par la méthanisation du maïs produit à cette fin. Il s’agit à présent de mobiliser cette technologie dans une perspective de développement durable : transformer les résidus agricoles de nos exploitations en sources d’engrais et d’énergie pour ces mêmes exploitations.
Les perspectives sont prometteuses. La ferme expérimentale de La Bouzule a un potentiel de production énergétique six fois supérieur à ses besoins. Le moteur alimenté par le méthaniseur peut fournir 300 000 kWh d’électricité par an (un foyer consomme en moyenne 10 000 kWh) et 400 000 kWh thermiques (dont 100 000 kWh sont consommés par la chauffe du digesteur). A termes, une exploitation agricole pourrait approvisionner un territoire en nourriture, mais aussi en énergie.
Elargir les collaborations
Sur place un technicien et un assistant ingénieur utilisent le laboratoire pour tester différents mélanges destinés à la méthanisation. Après avoir approfondi l’exploitation des fumiers et des lisiers, ils explorent la possibilité d’adjoindre du lactoserum issu de l’exploitation fromagère. Autant d’opportunités de valoriser ce qui est encore souvent considéré comme des déchets.
Les ingénieurs agronomes issus de l’ENSAIA sont les premiers ambassadeurs de cette nouvelle culture agricole. Un DU mise en œuvre d’une unité de méthanisation a été mis en place pour former des techniciens. Depuis 2013, l’école a confié une chaire « Energie et Territoire », à Yves Le Roux. Les programmes de recherche impliquent des laboratoires en agronomie (URAFPA), en microciologie (Libio) et en environnement et sols (LAE), « nous souhaitons élargir les collaborations avec d’autres laboratoires au sein de l’Université de Lorraine » renchérit Stéphane Pacaud.