Médecine spatiale : des chercheurs nancéiens pionniers dans l’évaluation du massage cardiaque automatisé en 0 gravité

 
Publié le 3/04/2024 - Mis à jour le 5/04/2024

Dans un domaine où chaque seconde compte et où l'environnement hostile de l'espace présente des défis médicaux uniques, une équipe de chercheurs de Nancy s'est lancée dans une mission innovante : tester la faisabilité du massage cardiaque automatisé en impesanteur pour les spationautes. Du 25 au 29 mars, ces experts se sont rassemblés à l'aéroport de Mérignac (Bordeaux), sous l’égide du CNES (Centre National d'Études Spatiales) et de sa filiale Novespace dédiée au vol parabolique, pour mener des expérimentations inédites.

Les missions spatiales de demain s'annoncent plus ambitieuses que jamais, avec des durées prolongées et des risques accrus pour les spationautes. Cela soulève la nécessité de développer, de codifier et d'optimiser des protocoles médicaux d'urgence adaptés à l'environnement exigeant et isolé des vaisseaux spatiaux car en cas d'urgence cardiaque, les techniques manuelles du massage cardiaque utilisées jusqu’alors dans l’espace paraissent insuffisantes. C'est là que réside le défi : comment fournir un massage cardiaque de qualité dans l'espace ?

Dans cette quête, Nathan Reynette, étudiant en 6e année de médecine à la faculté de Nancy, et le Dr Mickael Lescroart, médecin réanimateur, ont uni leurs forces dès 2021. Rejoins par le Pr Bruno Chenuel du laboratoire UR 3450 DevAH*, expert en physiologie et médecine aéronautique, ils ont entrepris une recherche rigoureuse, contactant même la NASA pour obtenir des informations sur les arrêts cardiaques en milieu spatial. Leur collaboration a abouti à la publication d'un article scientifique proposant des améliorations aux protocoles actuels, notamment l'utilisation de machines de massage cardiaque automatique.

Le projet ayant été accepté pour être testé au CNES lors d'une expérimentation en impesanteur en 2023, l'équipe a alors conceptualisé le protocole expérimental. L'étude a été une évaluation multimodale, forte d'une collaboration pluridisciplinaire. En plus de la mesure de l’efficacité sur le plan médical, comparative entre 3 machines et la méthode manuelle de référence, Baptiste Sandoz, ingénieur en biomécanique à l’ENSAM** à Paris a contribué avec une expertise technique, permettant de mesurer l’impact de l’utilisation des machines sur l’intégrité de la structure d’un vaisseau spatial et sur l’impact d’une compression de qualité sur un simulateur représentant un faux patient. Puis le Pr Stéphane Zuily et toute l’équipe du CUESim*** situé à la faculté de Médecine, Maïeutique et métiers de la santé de Nancy, spécialistes en apprentissage médical par la simulation, ont proposé un regard pédagogique sur le problème en développant et en évaluant un protocole de formation à l’utilisation des machines de massage cardiaque destiné aux spationautes. Enfin, le Pr Bruno Levy, chef du service de réanimation médicale de l’Hôpital Brabois du CHRU de Nancy a apporté son expertise dans le domaine de la médecine intensive et réanimation médicale. Et pour élargir davantage le spectre d'expertise de cette équipe, on retrouve également Luc Sagnières, étudiant en médecine à l'Université de Paris et ancien astrophysicien, ainsi que le Dr. Ron Birnbaum, médecin réanimateur à la clinique Saint Jean de Dieu à Paris, et le Dr. Benjamin Pequignot, médecin réanimateur au CHRU de Nancy.

L'équipe a mené ses expérimentations à bord d'un avion spécialement adapté par la société Novespace, dans le cadre d'une campagne de vol qui s'est déroulée du 25 au 29 mars à bord de l'Airbus A310 parabolique modifié, permettant de simuler l'impesanteur. Durant cette série de vols, diverses évaluations ont été réalisées :

  • Le premier vol (mardi 26 mars) a porté sur l'évaluation de l'efficacité de compression des différentes planches à masser en conditions d'impesanteur, ainsi que leur impact sur l'environnement similaire à celui des parois de l'ISS****.
  • Le deuxième vol (mercredi 27 mars) a été dédié à l'analyse de l'ergonomie des planches, visant à déterminer la facilité et la rapidité de leur mise en place.
  • Enfin, le troisième vol (jeudi 28 mars) a permis d'évaluer l'efficacité du massage cardiaque manuel dans ces conditions particulières.

Les recherches et leurs données dans leur intégralité sont actuellement en phase d'analyse pour déterminer si l'utilisation des planches à massages automatiques représente une amélioration par rapport au massage manuel dans la gestion des urgences, et si les spationautes opteront pour cette nouvelle méthode. Ces recherches pourraient non seulement améliorer les soins de santé en mission spatiale mais aussi ouvrir de nouvelles voies pour la médecine d'urgence sur Terre, démontrant une fois de plus que l'exploration spatiale ne se limite pas aux étoiles, mais peut également éclairer notre compréhension de la médecine et de la vie sur notre propre planète.

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Mais qu’est-ce qu’un vol parabolique ?

Un vol parabolique consiste à recréer l'état d'impesanteur en alternant des phases de montée et de descente espacées par des paliers lors d'un vol en avion. Cette technique permet d'effectuer des expériences scientifiques en micropesanteur sans nécessiter de voyager dans l'espace.
L'Airbus A310 Zéro G (au CNES – Novespace) est spécifiquement équipé pour réaliser ces vols paraboliques, durant lesquels l'avion suit une trajectoire en forme de cloche. Au cours d'un seul vol, l'A310 Zéro G effectue généralement une trentaine de paraboles. Ce type d'aéronef est utilisé par le CNES dans le cadre de son programme de vols paraboliques, incluant également des paraboles simulant la gravité lunaire et martienne, en vue de préparer les futures missions d'exploration de la Lune et de Mars.



* Développement, Adaptation et Handicap. Régulations cardio-respiratoires et de la motricité

** Ecole Nationale Supérieur d’Arts et Métiers

*** Centre Universitaire d’Enseignement par la Simulation

**** Station spatiale internationale (d'après le nom anglais : International Space Station)