Crise climatique : le rôle de la gestion de l’information

 
Publié le 16/11/2022 - Mis à jour le 17/11/2022
Fresque du climat réalisé par un groupe d’étudiants lors de l’après-midi  de la journée HUMUS © Zackary LAMBERT

Les réseaux sociaux, véritables creusets d’opinions, permettent à tous de s’exprimer sur l’actualité, une actualité fortement rythmée par la crise que nous traversons : une crise climatique. La qualité des informations est d’autant plus importante aujourd’hui, tant dans les débats que dans la sensibilisation.

S’est tenue le jeudi 20 octobre, sur le campus du Saulcy, la journée HUMUS. L’occasion pour les étudiants du Master Veille Stratégique et Organisation des Connaissances (VSOC) d’assister à une table ronde animée par Julien FALGAS, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, ayant pour but de sensibiliser à la question environnementale, mais aussi de réaliser une fresque du climat. Plus qu’une simple manifestation, c’est également l’occasion pour tous de s’informer de source sûre.

Le veilleur, métier préparé au sein du Master VSOC

La norme XP X50-053 de l’AFNOR (Association Française de Normalisation), définit la veille comme « une activité continue et en partie itérative visant à une surveillance active de l’environnement technologique, commercial, etc., pour en anticiper les évolutions ». Ainsi, à une ère où il faut déconstruire les paradigmes et discours pour faire comprendre l’enjeu de la crise sans faire de populisme, la veille est le parfait outil pour sonder les discours en question. En surveillant les évolutions de mentalité et les discours tenus, le veilleur a la tâche de construire le discours le plus pertinent.

Le veilleur, métier préparé au sein du Master VSOC, peut également, pour des entreprises telles qu’EDF, surveiller les innovations technologiques, permettant d’anticiper les évolutions du secteur, tant technologiques que législatives, allant impacter la production d’électricité. La veille se place donc en élément majeur de la gestion de crise climatique, permettant à la fois de prévenir les évolutions de mentalité, de discours, de législation et les évolutions technologiques. Elle est ainsi un outil d’anticipation, de surveillance, mais aussi de construction et d’aide à la décision.

Le débat environnemental soulève aussi l’importance de la gestion des risques et de la prospective

Le débat environnemental soulève aussi l’importance de la gestion des risques et de la prospective, qui permettent d’établir des scénarios pour anticiper les événements[1] et pouvoir s’y préparer à l’avance. Or, nous savons que les prédictions ont sous-estimé la situation que certains qualifient de cataclysmique. Il est vital de se pencher fortement sur l’avenir, afin de permettre aux générations futures d’évoluer dans une société vivable. Les étudiants formés à la gestion de l’information, dont les Master VSOC font partie, ont un rôle essentiel à jouer, rassemblant les compétences nécessaires pour se préparer aux évènements à venir, auxquels les décideurs, dont les politiques, devront faire appel.

Entretien avec Béatrice FLEURY, Professeur en sciences de l’information et de la communication, directrice de l'école doctorale Humanités Nouvelles–Fernand Braudel

La place des SHS dans la gestion de la crise a été évoquée lors de la table ronde. Pensez-vous que l’information et la communication aient un rôle à jouer, parallèlement aux sciences “dures” ?

Les SHS ont un rôle important à jouer par rapport aux crises environnementales que nous traversons. Parmi d’autres exemples, la psychologie sociale peut aider à comprendre les mécanismes de résistance qui font écran entre la prise de conscience et l’action individuelle et collective pouvant la résoudre ; l’Histoire peut contextualiser et mettre en perspective des choix de société ; la géographie peut conduire des recherches sur différents territoires afin de les préparer aux transformations climatiques à venir... Du fait de leurs domaines d’expertise, les sciences de l’information et de la communication sont quant à elles plus particulièrement à même de réfléchir aux dispositifs pouvant être mobilisés pour convaincre des sujets ou groupes à modifier leurs pratiques et/ou à s’engager. Elles sont susceptibles d’intervenir à plusieurs niveaux, tant pour analyser le fond et la forme des messages incitatifs que pour comprendre les mécanismes d’influence dans lesquels ils prennent sens.

Comment avez-vous choisi les intervenants ?

« Chaque année, les collègues[2] du Centre de recherches sur les médiations (CREM) qui ont créé le groupe Humus, réfléchissent à un thème pouvant faire l’objet d’une manifestation à l’attention des étudiantes et étudiants des formations en information et communication, des doctorantes et doctorants, des enseignant.es-chercheur.es. Cette année, nous avons opté pour l’organisation d’une table ronde au sein de laquelle pouvait s’exprimer une pluralité d’opinions. La composition de cette table ronde a mûri pendant un an, jusqu’à la stabilisation des noms de quatre intervenantes : une doctorante en géographie Nassima Hassani, une auteure et essayiste Corinne Morel-Darleux, une chercheuse en chimie atmosphérique et experte du GIEC Sophie Szopa, une responsable Communication Délégation Régionale EDF Grand Est, Véronique Witzmann et un militant écologiste, Victor Noël. Ces quatre personnes incarnent une diversité de points de vue et de postures (recherche, militantisme, création, monde de l’entreprise…) qui sont en phase avec notre projet et dont le titre « L’environnement à bras-le-corps : connaître, s’engager, agir » est emblématique ».

Quelles étaient vos motivations par rapport à l’organisation de la journée ?

« Nous visions un double objectif : faire savoir et comprendre les causes et effets de la crise climatique et de la perte de la biodiversité et sensibiliser le plus largement aux moyens permettant leur prise en charge. Quand nous avons commencé à organiser des manifestations sur ce sujet, nous souhaitions nous pencher sur une contradiction :  comment se fait-il que des informations sur les problèmes environnementaux sont disponibles et que la prise de conscience tarde à s’étendre ? Nous avons donc choisi de parler et faire parler des spécialistes sur ces questions. Et cette année, outre la table ronde que nous avons organisée, nous avons formé 120 étudiantes et étudiants de licences pro et de masters en information et communication à la fresque du climat avec l’aide de collègues de l’université impliqués dans ces actions : François Hermann (CREM) et Marie Baudier (pôle créativité, UL) ».

Quel est votre avis sur la question environnementale ?

« Il nous faut agir au plus vite et le plus largement possible pour changer notre mode de vie mais aussi le regard que nous portons sur celui-ci. La situation d’urgence nous conduit à diversifier les modes d’action et de sensibilisation. La journée que nous avons organisée correspond à cette idée mais, évidemment, elle n’est qu’un fragment dans un ensemble de dispositions. »

Ces échanges vous ont-ils apporté quelque chose ?

« Une table ronde comme celle qui a été organisée est révélatrice des convergences et divergences que les questions sur l’environnement soulèvent. Mais au-delà de ce qui peut faire débat – entre autres exemples les décisions gouvernementales en matière de choix énergétiques ou le calendrier des mesures adoptées – les convictions des intervenants étaient stimulantes et ont conforté notre souhait de continuer à organiser des rencontres sur des questions environnementales entre experts et étudiants ».

Pourquoi faire la fresque du climat ? Quel est son intérêt selon vous ?

« La fresque du climat permet de sensibiliser en un temps relativement court (3 heures) des groupes de personnes qui ne sont pas spécialistes du sujet. La formation se déroule dans un cadre collaboratif fondé sur le partage entre participants. Certes, cette formation ne délivre pas de connaissances en tant que tel et elle ne peut pas se passer de recherches complémentaires. Elle donne toutefois des repères qu’il nous paraissait intéressant de proposer aux étudiants. D’ailleurs, aucun n’avait suivi la formation auparavant et leur retour par rapport à cette expérience est positif. »

Une journée comme la journée HUMUS n’est pas la solution au problème actuel. C’est un moyen de s’informer, car l'information est l’un des grands enjeux de cette crise climatique. Cependant, la discussion et la fresque du climat - et plus tard la veille - sont un premier pas pour connaître, s'engager, agir.

Zackary Lambert et Florent Thirion, M2 VSOC



[1] BECK, U. (2008). La Société du risque de Ulrich Beck - Editions Flammarion. Flammarion. https://editions.flammarion.com/la-societe-du-risque/9782081218888

[2] Le groupe de travail est composé de Audrey Alvès, Violaine Appel, Julien Falgas, Béatrice Fleury, Susanne Müller, Emmanuelle Simon, Sylvie Thiéblemont-Dollet, Jacques Walter.