[3 questions à] Julia Korbik : Clap de fin résidentiel, biographie et relation franco-allemande

 
Publié le 30/11/2021 - Mis à jour le 24/05/2023

Dans le cadre de la programmation de Récit'Chazelles (résidence d’auteur·e·s et laboratoire hors les murs), l’auteure berlinoise Julia Korbik a lancé la résidence "Histoires de femmes libres dans l'espace public, regards européens". Suite à cette résidence enrichissante, 3 questions lui ont été posées afin d'avoir son retour sur cette collaboration. Retour de l'auteure sur ses 2 mois en Moselle.

Après deux biographies consacrées à des écrivaines (Simone de Beauvoir, Françoise Sagan), votre projet de création durant cette résidence porte sur le parcours d'Unica Zürn. Voyez-vous pour autant une continuité, un fil rouge et en quoi ce séjour de 2 mois en Moselle aura été profitable à votre travail littéraire ?

La continuité, le fil rouge, pour moi, ce sont les femmes et la question de la liberté féminine : Comment être libre en tant que femme ? Comment mener une vie authentique ? Je m’intéresse aux conditions de vie des femmes – historiques ou contemporaines – et à leurs possibilités de mener une vie libre ou pas. Unica Zürn, comme Beauvoir et Sagan, était une créatrice, poétesse et artiste – et une femme qui, bien qu’elle fût allemande et berlinoise, avait un lien avec la France, puisqu’elle s’installait à Paris en 1953. J’ai su que mon prochain livre porterait sur une femme allemande, mais avec Unica Zürn, il y a quand même ce lien avec la France qui m’intéresse et me passionne toujours.

Mon séjour en Moselle m’a donné le temps et l’espace pour penser, lire, et écrire. Il m’a permis d’approfondir mes recherches concernant mon projet d’écriture et de préparer un concept que j’aimerai présenter à ma maison d’édition allemande. Il m’a aussi permis de parler de ce projet devant des audiences différentes – ce qui m’a rassuré sur sa conception, cette idée d’écrire une biographie fragmentée sur Unica.

Vous parliez, pendant la clôture de la résidence, de la barrière de la langue, ainsi que de la nécessité d'avoir "une chambre à soi". Pourriez-vous nous en dire plus sur le rôle que joue votre table de travail, a fortiori dans un pays étranger ?

Je n’ai pas besoin de beaucoup pour travailler, mais j’ai besoin d’une table où je peux mettre mon ordinateur. Dans un pays étranger, cette table est encore plus importante, puisqu’elle symbolise vraiment cette idée d’une « chambre à soi » (Virginia Woolf) dans laquelle je suis chez moi. J’adore la France et la langue française, mais travailler dans une autre langue, pratiquer chaque jour cette langue, parfois cela peut être fatigant. Ma table, ma chambre à moi, m’a permis de respirer, de me replier sur moi-même. Au début de mon séjour, j’avais vraiment besoin de ma table, puisque tout était nouveau, tout était un défi, il me fallait un lieu de repli. Mais au fil du temps, tout cela est devenu plus facile. Parler français était plus facile, penser et écrire en français était plus facile, grâce au blog de la résidence notamment. Je me sentais plus « chez moi », même quand je n’étais pas devant ma table. Quel bonheur ! En même temps, je savais que ma table était là pour moi dès que le besoin se fait ressentir.



Vous êtes intervenue dans diverses activités de médiations avec notamment différents publics (enfants de l'école primaire, étudiant.e.s de l'Université de Lorraine, seniors de la commune de Scy-Chazelles...). Quels ont été, selon vous, les temps forts de cette collaboration ?

Écrire, cela peut être un travail solitaire. Personnellement, j’aime bien cet aspect de mon métier. Mais j’aime aussi rencontrer des gens, des lecteurs et lectrices, parler de mon travail devant une audience, discuter. Ma résidence à Scy-Chazelles était pour moi alors un bon mélange entre ces deux activités de création littéraire et de médiations, d’échanges.

Les temps forts étaient tous les moments où un vrai rapport entre le public en question et moi s’est établi. Les moments où j’avais l’impression que j’ai réussi à communiquer mes idées et mes sujets – et après, les enfants, les étudiant·es, les seniors s’emparent de la littérature et en font quelque chose de nouveau, quelque chose qui leur appartient. Pour moi, ces moments étaient comme un cadeau. C’étaient des moments de collaboration, de création commune.

Article de Paul-Matthias Le Boutet-Seigne (étudiant L2) et Carole Bisenius-Penin