Membre du laboratoire HISCANT-MA, Laetitia Graslin-Thomé vient d'être nommée à l'IUF en tant que membre junior. Nous sommes revenus avec elle sur cette nomination, son parcours ainsi que les recherches lui ayant permis d'obtenir cette distinction.
- Quel est votre parcours, votre domaine de recherche ?
Je me suis toujours intéressée à l’histoire ancienne : grâce à des témoignages textuels ou archéologiques, elle permet de redécouvrir l’histoire et la manière dont vivaient nos ancêtres, il y a des centaines ou des milliers d’années. C’est à l’ENS-Ulm et à Paris I que j’ai découvert l’histoire, la langue et l’écriture de différentes civilisations du Proche-Orient ancien : la Mésopotamie, qui correspond au territoire de l’actuel Irak ou la Phénicie, une partie de l’actuel Liban. J’ai décidé de leur consacrer ma thèse, dirigée par M. Sartre (Tours) et F. Briquel-Chatonnet (CNRS). Comme je menais parallèlement des études d’économie, j’ai choisi un sujet d’histoire économique et me suis intéressée aux échanges à longue distance en Syrie-Mésopotamie dans la première moitié du premier millénaire av. J .-C. . J’ai ensuite été recrutée à Nancy 2, devenue Université de Lorraine, et y enseigne l’histoire ancienne depuis quatorze ans. Je continue à m’intéresser à l’histoire économique de l’antiquité, notamment à la manière dont les modèles économiques contemporains permettent d’éclairer les pratiques antiques. J’ai ajouté à ces travaux un second thème de recherche, à l’intersection entre histoire grecque et histoire mésopotamienne : l’histoire politique et sociale de la Mésopotamie lorsque, suite aux conquêtes d’Alexandre le Grand de la fin du IVe siècle av. J.-C., elle est intégrée au monde grec.
Lion, Babylone.
- Grâce à quel projet de recherche avez-vous été lauréat de l’IUF ?
Le programme de recherche que j’ai déposé à l’IUF est intitulé « Zeus à l’ombre de Marduk », étude du monde hellénistique à partir de la documentation orientale ». Zeus est un dieu grec, et Marduk le dieu principal de Babylone, la capitale culturelle et religieuse du sud de la Mésopotamie. L’époque hellénistique est la période qui suit les conquêtes d’Alexandre le Grand : les Grecs, ou plus exactement les Macédoniens, se sont alors rendus maîtres d’une grande partie du monde proche-oriental. L’objet de mon projet de recherche est de comprendre comment s’est passée leur installation dans ces régions souvent déjà occupées par des civilisations anciennes et complexes. La période est souvent étudiée à partir de sources grecques, qui adoptent donc le point de vue des vainqueurs. J’essaie, pour ma part, d’utiliser les textes rédigés par les populations locales, pour comprendre comment elles se sont adaptées et ont évolué au contact des Grecs. Il s’agit donc d’étudier comment, suite aux conquêtes d’Alexandre, Orient et Occident entrent en contact et s’influencent mutuellement. L’un des intérêts du sujet est la grande variété des sources à partir desquelles il faut écrire l’histoire de cette période : vestiges archéologiques, monnaies, textes rédigés dans des langues et écritures très variées... Mon projet comporte donc une importante dimension collective, puisqu’il me faut travailler avec des spécialistes de toutes les formes de vestiges laissés par les différents peuples intégrés dans les royaumes hellénistiques.
- Un mot de Guy Vottero, directeur de l'HISCANT-MA :
Comme directeur du laboratoire, j’adresse toutes mes félicitations à ma jeune collègue. Une nomination à l'IUF est le rêve de bien des chercheurs, mais bien peu en sont les heureux élus. Cet insigne honneur distingue une recherche de grande qualité et laisse présager des travaux innovants. Le prestige de cette nomination rejaillit bien évidemment sur notre laboratoire, en mettant en évidence la qualité des recherches qui y sont menées, comme l'avait déjà montré récemment l'obtention d'un prix de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pour une autre de nos chercheuses.