Roger Pouivet est professeur de philosophie aux Archives Poincaré. Le 17 novembre, son ouvrage Épistémologie des croyances religieuses a reçu le prix Victor Delbos de l’Académie des Sciences morales et politiques, la plus ancienne institution française consacrée aux Sciences humaines. « Je me suis demandé : si quelqu’un croit que Dieu existe, est-ce qu’il peut le croire pour de bonnes raisons ? » explique-t-il.
Dix ans plus tôt, Roger Pouivet s’était déjà demandé « Qu’est-ce que croire ? » Il avait alors avancé l’idée que nos croyances résultent d’un processus dont la fiabilité se fonde sur des vertus intellectuelles. Pour le philosophe, aucune croyance vraie ne peut se présenter comme une évidence : « l’attente d’une évidence qui s’imposerait à tous est excessive : si on suivait cette méthode, alors même les savoirs scientifiques seraient remis en question ». C’est ainsi que Roger Pouivet s’attaque à l’a priori selon lequel toute croyance religieuse ne saurait être qu’irrationnelle : « le chercheur se fonde sur le témoignage de ses pairs, pour une bonne part les religions fonctionnent de la même façon ». Il conclut ainsi : « on ne peut pas dire par principe que la croyance religieuse est irrationnelle, car son mode d’acquisition peut être aussi rationnel que celui du savoir scientifique ».
La philosophie analytique s’appuie sur des méthodes argumentatives et de logique formelle que peu de philosophes appliquent à des objets tels que l’Art ou la Religion. Dans ses travaux, Roger Pouivet aborde l’un comme l’autre. « J’ai développé cette conception rationaliste sous l’influence du philosophe américain Nelson Goodman, dont je suis un traducteur ». Roger Pouivet a notamment été marqué par le dernier texte de Nelson Goodman, prononcé lorsqu’il a reçu le titre de Docteur Honoris Causa à Nancy en 1997 : Some reflections on my philosophies, publié dans la revue des Archives Poincaré Philosophia Scientiæ.
Directeur des Archives Poincaré jusqu’à l’été dernier, Roger Pouivet s’inscrit dans ce qui relie à ses yeux les activités de son laboratoire : « l’idée de rationalité et la recherche autour de toutes les formes de rationalité ». Un programme qui fédère une équipe transdisciplinaire à la croisée des sciences fondamentales et des sciences humaines, et qui « raisonne » aussi au-delà : un projet de recherche est en cours avec le Bureau d’économie théorique et appliquée (BETA).