Après une carrière dans l’électronique, Christophe Laroche, malentendant depuis l’enfance, donne un jour un nouveau tournant à son projet professionnel : il a besoin de changement et son poste manque de relation humaine. Il décide alors de suivre une formation en linguistique et en langue des signes à Paris 8. L’obtention ensuite d’une licence professionnelle lui permet ainsi d’enseigner à la fois auprès d’un public aussi bien sourd qu’entendant.
Christophe Laroche enseigne depuis 4 ans à l’Université de Lorraine. Il a face à lui essentiellement des étudiants entendants, de licence et de master. Accompagné par un interprète lors du premier cours, qui est là principalement pour expliquer les modalités pratiques du cours et des examens à venir et servir de « pont » entre les deux parties, l’enseignant se retrouve ensuite seul avec les étudiants, ce qui leur permet de se retrouver en totale immersion. En effet, pour apprendre la langue des signes, comme toute autre langue vivante, il est fondamental de se retrouver immergé dans la culture de la langue : sensibilisation, découverte de la surdité, histoire des sourds…Il existe aujourd’hui en France une réelle culture sourde. Ainsi l’aspect « handicap » est laissé de côté et l’accent est mis sur l’aspect culturel : les étudiants découvrent alors la culture sourde par le biais notamment de spectacles et de vidéos. Une relation de confiance s’installe ensuite au fil des cours entre les étudiants et l’enseignant, ils intègrent au fur et mesure ce qu’est la langue des signes, les visages se transforment, les expressions changent… Les étudiants, qui communiquent d’abord par email ou en utilisant un papier et un crayon, mènent ensuite de réelles conversations et des échanges enrichissants ont lieu.
Le nombre d’étudiants participant à ces enseignements est en constante évolution. Peut-être s’agit-il d’un phénomène de mode aujourd’hui ? Cependant, il est important de rappeler que la langue des signes a été interdite en France jusqu’en 1976. Dans les années 1980, le regard à l’égard des personnes sourdes est très dur, il existe une certaine norme d’oralisation. Ce handicap invisible fait peur. La pratique de la langue des signes connaît une évolution significative avec la loi Fabius en 1991, qui reconnaît le droit à la langue des signes au sein de l’éducation nationale. Enfin en 2005, la loi pour l’égalité des droits et des chances, reconnaît la langue des signes comme une langue à part entière. C’est un véritable tournant dans l’histoire de la langue des signes, mais aujourd’hui encore, il existe encore de nombreux préjugés à l’égard de cette langue vivante et des personnes malentendantes.
A son arrivée à l’université, Christophe Laroche a dû affronter des difficultés de communication, avec ses collègues notamment. Aucun moyen de communication n’était adapté et il a du faire part de ses besoins. Aujourd’hui, la communication se fait plus facilement et dans son quotidien par exemple, un coup de téléphone est remplacé par un email ou un sms.
Cet article a été rédigé dans le cadre de la réalisation du document "Portraits du Handicap à l'Université de Lorraine", paru en janvier 2015.