[Rencontre] avec Ariane Bazan, nouvelle directrice d'Interpsy

 
Publié le 7/02/2023 - Mis à jour le 5/05/2023
Ariane Bazan

Factuel est allé à la rencontre d'Ariane Bazan, nouvelle directrice d'Interpsy.

Factuel : Quel est votre parcours ?

Je viens de l'Université libre de Bruxelles en Belgique, où j'ai enseigné pendant 13 ans la psychologie clinique et la psychopathologie. Avant mon parcours académique, j'avais d'abord fait une première thèse en biologie-physiologie à l'Université de Gand, en Flandres en Belgique. Après y avoir fait un deuxième master en psychologie clinique, j'ai fait une seconde thèse en psychologie clinique à l'Université de Lyon et un parcours postdoctoral à l'Université du Michigan à Ann Arbor. En revenant, j'ai travaillé pendant trois ans dans un Centre psychiatrique dans un département de psychose chronique. En parallèle à mon enseignement, j'ai toujours pratiqué en tant que psychanalyste en cabinet privé. De 2018 à 2020, je siégeais au Conseil Supérieur de la Santé pour la réglementation du métier de psychologue en Belgique et depuis 2018 j'écris tous les mois une carte blanche pour le quotidien Belge Flamand De Standaard. 
 
C'est l'impossibilité à Bruxelles de déployer une réelle dynamique de recherche dans les thèmes de mon intérêt, l'interface entre psychanalyse et neurosciences, qui m'a poussée à chercher ailleurs, et quand se présentait une opportunité à l'Université de Lorraine avec le signifiant 'neuropsychanalyse' dans le profil de poste, je n'ai pas hésité, et je suis devenue professeure de Psychologie Clinique et de Psychopathologie à l'UL en 2020.
 

Factuel : Quel est votre domaine de recherche ?

Mon domaine est l'interface entre psychanalyse et neurosciences cognitives. Le corpus théorique de la psychanalyse est nourrie par une clinique de l'intime qui est au plus haut point contre-intuitive et peut faire contrepoids au modèle (implicite) de l'humain tel que nous souhaitons qu'il soit, c'est à dire de bonne foi et de bonne volonté. Le modèle psychanalytique montre que l'absence de déraison est impossible et que la volonté ne peut être que divisée. Or, il est possible de trouver des régularités dans cette folie humaine, et ce sont ces lois de l'irrationnel que peuvent aider à faire sens d'un appareil neuronal qui, par sa structure hyperdynamique et multiconnectée, se laisse de plus en plus difficilement saisir. Ce sont les éléments de l'irrationnel que je cherche à tester dans des dispositifs expérimentaux avec mesures de potentiels évoqués, et principalement l'ambiguïté du signifiant et la compulsion de répétition. L'appareil mental me semble encore mal pensé, car le plus souvent pensé de façon téléologique - c'est à dire en fonction de comment nous pensons qu'il s'agit (idéalement) de fonctionner mentalement - mais ce dialogue entre psychanalyse et neurosciences peut amener à le penser logiquement, quitte à révéler que la déraison n'est pas un dysfonctionnement mais un élément irréductible de la condition humaine.

Factuel : Quels sont vos projets à la tête du laboratoire ?

La préoccupation centrale des travaux d'Interpsy est principalement celle du soin et des pratiques du soin - tant de prise en charge psychologique, que médicale, qu'interactionnelle et environnementale. Son éthique méthodologique est l'importance accordée aux pratiques - les pratiques comme source de réflexion théorique, comme terrain d'exploration et d'expérimentation, comme préoccupation sociétale. Il est précieux de voir combien nous sommes mobilisés par le souci de l'autre, en particulier de l'autre en demande d'aide. Je veux tenir ce fil commun de notre identité.
 
Ensuite, dans un souci de qualité et d'intérêt pour le public estudiantin et pour la société, il s'agit de veiller sur la pertinence de l'agencement entre recherche et enseignement, que ce soit à l'endroit des pratiques cliniques dans leurs diversités, des pratiques dans le domaine judiciaire mais aussi à l'endroit des pratiques de recherche. Grâce au travail des directions précédentes, Interpsy a une solide tradition de recherche avec une grande productivité, nationale et internationale. C'est cet élan là que je veux soutenir, y compris en garantissant l'évidence de la liberté de chercher pour chacun de ses membres à sa façon et à son rythme, du cas clinique unique à la recherche-action, en passant par les dispositifs expérimentaux. 
 
Finalement, il y a une mobilisation éthique à l'endroit des autres qui nous tient - que ce soit pour aider à mieux vivre dans notre environnement et dans nos interactions, pour mettre en place des politiques de soins et de protection à des populations, parfois précarisées, ou pour faire reconnaitre et respecter les solutions originales et créatives que l'humain s'invente pour s'aider à vivre. En tant que directrice je soutiens le rôle que peut prendre Interpsy dans des débats sociétaux d'importance du fait même de la qualité de sa production scientifique et qui est le fruit du travail de ses membres.
 

Crédit photo : Fred Debrock