Dispositifs de soutien à l'Ukraine : interview croisée avec Galyna Dranenko et Angeliki Monnier du CREM

 
Publié le 29/06/2022 - Mis à jour le 1/07/2022
Dispositifs de soutien à l'Ukraine

Depuis le début de la guerre en Ukraine, notre communauté académique s’est fortement mobilisée pour apporter de l’aide et de l’assistance aux collègues, étudiants et leurs familles touchés par cette crise. Le programme PAUSE géré par le Collège de France a ouvert un fonds d’urgence national de 500 000 € octroyés par le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. L'Université de Lorraine a complété ce dispositif par une mobilisation collective incluant des ressources dédiées par les composantes et les laboratoires, le fléchage de moyens de l’établissement (mois de rémunération de professeur invité et de contrats doctoraux) et par une enveloppe de 500 000 € mobilisée par Lorraine Université d’Excellence (LUE). Interview croisée avec Galyna Dranenko, enseignante-chercheuse ukrainienne ayant pu rejoindre le CREM (Centre de recherche sur les médiations) grâce à ce dispositif et Angeliki Monnier, directrice de l'unité. 

Factuel : Quel est votre sujet de recherche ?

Galyna Dranenko : « Un de mes sujets de recherche de prédilection a pour objet la portée mémorielle et testimoniale de la littérature en lien avec un certain nombre de conflits qui ont façonné l’histoire de l’Ukraine. J’ai pu approfondir ces thématiques à l’occasion de ma collaboration avec le Crem, notamment dans le cadre des projets interdisciplinaires et internationaux dirigés par Béatrice Fleury et Jacques Walter, à savoir « Qualifier, disqualifier, requalifier des lieux de détention, de concentration et d’extermination. Ma participation à un autre projet du Crem, « Plein feux sur les femmes (in)visibles » (dirigé par Elsa Chaarani Lesourd, Laurence Denooz et Sylvie Thiéblemont-Dollet, 2018), m’a amenée à étudier un certain nombre de dispositifs narratifs qui ont pour effet de rendre (in)visibles des « grandes femmes » de la littérature ukrainienne. Il y a peu, dans Lire des vies (2). L’approche biographique en lettres et sciences humaines et sociales (coordination éditoriale de Béatrice Fleury et de Jacques Walter, Questions de communication, série actes 45/2021 »), est paru mon article, « Guy de Maupassant dans les préfaces soviétiques : la biographie entre mythologisation et entreprise idéologique », article en lien direct avec mes problématiques de recherche.
Ma recherche a porté aussi sur les aspects poétologiques et stylistiques de la littérature. Mon HDR avait pour objet d’interroger la possibilité d’une lecture mythocritique des pièces de Koltès. En effet, pendant plusieurs années, j’ai participé dans le cadre du Crem, à des colloques portant sur l’œuvre de cet écrivain messin. Bref, le bilan de ma collaboration avec le Crem est loin d’être négligeable, ce dont je me félicite, bien évidemment : 11 communications à des colloques, 12 participations à des ouvrages collectifs. Je fais également partie du comité scientifique international de la revue du Crem Questions de communication. Actuellement, mon projet de recherche se focalise sur la dimension éthique de la traduction littéraire." 
 

Factuel : Vous êtes très investie dans la vie associative et culturelle à Metz, pouvez-vous nous en dire plus ? 

Galyna Dranenko : "Le lien privilégié avec l’université de Metz, puis de Lorraine, que j’ai évoqué trouve une de ses origines dans le partenariat qui existe entre cette université française et l’université de Tchernivtsi en Ukraine, établissement où je dirige la chaire qui forme des étudiants en langue et littérature françaises, ainsi qu’en traduction français-ukrainien. La convention de partenariat, signée entre ces deux universités en 1999, a permis de nombreux échanges d’étudiant.es et d’enseignant.es-chercheur.es. En 2004, pour faciliter l’accueil des Ukrainiens à Metz, les étudiant.es ukrainien.nes de l’Université de Lorraine ont créé l’association Échanges Lorraine Ukraine (ÉLU, dont la présidente est Violeta Moskalu). Aujourd’hui, alors que l’invasion russe en Ukraine se répand et se déchaîne, cette association, au départ essentiellement estudiantine, est devenue un des principaux organismes humanitaires franco-ukrainiens. ÉLU se donne pour mission de porter secours aux Ukrainiens et aux Ukrainiennes en détresse, non seulement à Tchernivtsi, mais aussi dans plusieurs autres villes d’Ukraine. 
Grâce à cette association, un partenariat a été instauré entre la ville de Tchernivtsi et la ville de Metz ; le jumelage de ces deux villes a été signé dans ma ville le 22 avril dernier. Par ailleurs, avec de nombreux partenaires, dont le Crem, nous avons fondé un cycle de rencontres – Tchernivtsi-Metz : âmes sœurs – destinées à faire mieux connaître les liens que peuvent avoir ces deux villes, qui ont des similitudes historiques, géographiques, culturelles, et une expérience tout à fait exceptionnelle du vivre ensemble. Ville déterritorialisée et multiculturelle, Tchernivtsi (alias Czernowitz et Cernăuți) est, en effet, la patrie d’un grand nombre d’écrivains mondialement connus. 
La collaboration de l’ÉLU avec le Crem m’a permis d’organiser, aussi, une Université d’été, Rencontres didactiques franco-ukrainiennes", qui débute ce 30 juin 2022. Il s’agit, en effet, d’accueillir à Metz 20 étudiantes venant de différentes villes ukrainiennes (y compris celles qui ont eu à subir les affres de la guerre, et particulièrement des occupations et des bombardements, comme Tchernihiv, Kyïv…). Ces étudiantes préparent, dans mon département, des diplômes de français ; on le comprendra aisément, elles n’ont pas pu suivre sereinement et dans les meilleures conditions leur semestre d’études au regard des difficultés de tout ordre, occasionnées par la guerre. Par ailleurs, certaines d’entre elles sont dans l’impossibilité de rejoindre leur domicile familial à la fin du semestre universitaire pour y passer leurs vacances ; d’autres, se trouvent en Pologne dans des foyers de réfugiés. 
Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier tou.te.s les collègues de l’Université de Lorraine, et notamment celles et ceux du Crem, qui collaborent à mon projet avec enthousiasme, professionnalisme et amitié : Sylvie Pierre, Sophie Lawson, Caroline Masseron, Claire Placial, Éliette Psilakis-Guichard, Maurice Rausch,  Béatrice Fleury et Jacques Walter. Ma gratitude va aussi vers Angeliki Monnier et Sandrine d’Alimonte, pour leur encouragement, leur aide logistique rapide et efficace."
 

Factuel : Quel est le cadre d’accueil de Mme Dranenko au Crem ?

Angeliki Monnier : "Galyna Dranenko est une collègue déjà connue au sein du Crem. Plusieurs collaborations par le passé ont permis d’établir des liens assez forts entre la chercheure et quelques membres de l’unité. Son intégration au Crem à partir du printemps 2022 s’inscrit alors dans la continuation d’une dynamique existante, et s’est faite naturellement. L’organisation en été 2022 des « Rencontres didactiques franco-ukrainiennes », en collaboration avec l’Université nationale de Tchernivtsi, a mobilisé à la fois des membres du Crem et l’école doctorale Humanités Nouvelles – Fernand Braudel. Avec un projet sur la traduction littéraire, Galyna Dranenko participera à la mise en place du prochain programme quinquennal de l’unité (2024-2028) visant à traiter un ensemble de questions vives rassemblées sous l’intitulé « Vivre ensemble ? Des relations en tension ». Ses travaux se situeront au croisement des problématiques développées notamment par deux équipes de recherche du Crem, Praxitexte (langue, textes et discours) et Passages (culture, patrimoines, mémoires)."