En cette fin de mandat, Vincent Huault, vice-président Immobilier et transition énergétique, revient sur 5 ans de politique de développement durable à l’Université de Lorraine.
Le mandat qui s’achève à l’Université de Lorraine en ce mois de mai 2022 aura été percuté par de nombreux évènements inattendus (même si tous n’étaient pas imprévisibles). Parmi tous ces bouleversements, il n’en est pas un qui ne remette en question nos façons de nous déplacer, de nous nourrir, de nous chauffer et, plus globalement, d’envisager l’avenir.
Cette façon dont l’inattendu vient remettre en question des acquis, ou plutôt ce que nous aimerions considérer comme tel dans l’illusion réconfortante d’une stabilité immuable, est emblématique des défis auxquels nous devons nous préparer à faire face, dans la réalité comme dans les esprits. Dans une conception du monde qui reste profondément marquée par une logique consumériste et qui bride notre capacité à imaginer un autre modèle, le courage nous manque en effet pour amender nos pratiques. Et c’est souvent à la providence, à des politiques, à un dieu (ne faites aucun lien entre ces deux derniers !), quand ce n’est pas à la science qu’on demande, en dernier recours, de bien vouloir nous sauver.
Mais quid de l’engagement personnel dans tout cela ? Le fossé qui grandit entre ceux qui veulent agir pour anticiper les transformations inéluctables et ceux qui, par déni, indifférence ou ignorance, préfèrent attendre n’a jamais été aussi profond. Cette évolution préoccupante nous expose à des dangers inédits qui vont du développement de tensions entre générations jusqu’à l’émergence d’extrémismes nouveaux. Face à ces menaces bien réelles, il faut inlassablement former, informer, produire de la connaissance et lutter pied à pied pour que la coopération l’emporte sur l’affrontement. Ce sont là des missions fondamentales pour toute université qui se respecte et qui ont constitué autant de lignes directrices pour l’action menée au cours de ces 5 dernières années.
Avec le concours efficace de Florence Damour, déléguée Responsabilité sociétale de l’établissement, de Laure-Elise Briois, chargée de développement territorial et innovation, de François Peiller, chargé de communication, de Martin Geisler, directeur de la logistique interne, et de nombreux collègues impliqués tant dans les directions opérationnelles que dans les composantes, nous avons précisément cherché à favoriser la co-construction, la partage d’expériences nouvelles, la mobilisation de chacun, à titre individuel ou au service d’objectifs collectifs. J’adresse ici à tous ces contributeurs essentiels mes remerciements pour le travail accompli pendant ces 5 années dans des conditions pas toujours gratifiantes. Car bien qu’il puisse sembler paradoxal de miser sur le temps long dans un contexte d’urgence, nous nous sommes davantage préoccupés de planter patiemment des graines que d’engranger précipitamment des récoltes, privilégiant les actions de fond aux conséquences durables plutôt que les constructions plus clinquantes, mais aussi plus fragiles.
La constitution de communautés autour des thématiques DD-RS et de la bioéconomie au cours de ces dernières années s’inscrit dans cette logique. Ces communautés rassemblent aujourd’hui 320 membres dans le Grand Est et participent non seulement à faciliter le partage des informations au sein de l’Université de Lorraine, à faire émerger de nouvelles synergies, mais également à faire rayonner l’action de l’établissement auprès des acteurs de notre territoire et à transformer la perception des enjeux de transition dans notre société.
Le travail de fond entrepris sur la question des mobilités depuis 2013 aboutit aujourd’hui à la constitution d’un corpus de données inédit au sein des universités, non seulement par la taille de la population interrogée et le nombre des réponses recueillies, mais également par la durée sur laquelle les évolutions sont analysées. Ce travail contribuera à faire de l’Université de Lorraine un interlocuteur plus attentivement écouté lorsque les réseaux de transports seront amenés à évoluer, aussi bien dans les métropoles lorraines que dans le sillon lorrain ou la région Grand Est.
Enfin, pour répondre aux besoins de formation des jeunes générations aux enjeux de la transition, et en accord avec les recommandations du rapport Jouzel, l’Université de Lorraine s’est engagée aux côtés de plusieurs universités françaises et de l’UVED dans la construction d’un ensemble de supports dédiés. Ces documents co-construits seront prochainement mis à disposition de la communauté.
Ces perspectives encourageantes viennent heureusement éclaircir le sombre tableau dressé au début de ce billet. Et pour rajouter encore un peu d’optimisme à ce bilan qui n’est pas exhaustif (nombreuses réalisations sur la gestion des déchets, travail de fond sur l’amélioration du bâti…), il faut aussi mentionner l’accroissement significatif de la sensibilité aux questions environnementales : des sujets qui étaient jugés futiles ou tabous il y a seulement quelques années, lorsque nous posions (en 2013) les premiers jalons d’une politique de développement durable et de responsabilité sociétale à l’Université de Lorraine, sont aujourd’hui librement débattus au sein de l’université (prise en compte de la biodiversité, report modal dans les transports, impact du numérique…).
Le travail à entreprendre n’en reste pas moins colossal tant les dimensions de notre établissement sont hors-normes, avec des situations extrêmement diverses qui en font un véritable microcosme de la société, avec ses atouts et ses difficultés propres. Et l’ampleur de la tâche peut effrayer quand on réalise qu’il faut aller plus vite et plus loin en embarquant toujours plus de monde pour que les transitions soient à la fois globales et réellement transformantes. Ce constat n’est cependant pour rien dans ma décision de mettre fin à mon engagement en tant que vice-président à l’issue de ce mandat. Je quitte mes fonctions pour passer à une autre forme d’action et je suis confiant sur la capacité de notre établissement à faire naître de nouvelles vocations, de nouvelles énergies qui viendront s’exprimer dans le champs politique universitaire.
J’ai la conviction que le monde de demain ne sera pas juste l’héritier direct, le continuateur du monde d’hier. Le passage de l’un à l’autre pourrait s’apparenter davantage à une profonde métamorphose qu’à une série de transitions. Si nous réussissons à faire en sorte que ces mutations s’opèrent efficacement, avec le concours de tous et sans susciter de rejet, nous aurons, tel le colibri de la fable, fait notre part.
Et même un peu plus…
Vincent Huault, vice-président Immobilier et transition énergétique