Le 24 juin, les acteurs du salon BE 4.0, les Territoires d’industrie, la Région Grand-Est, Mulhouse-Alsace Agglomération, Grand E-nov +, et le groupe de presse CiMax, ont organisé un webinaire consacré à la thématique des relocalisations industrielles. À cette occasion, trois interlocuteurs étaient présents : Daniel Richet, DG du CETIM, El Mouhoub Mouhoud, Président de l’université Paris-Dauphine, et Pierre Schmitt, DG de Velcorex Matières françaises.
Daniel Richet fait d’abord remarquer que la crise a été un électrochoc. La pandémie a en effet amené à faire de la question de la réindustrialisation et de la souveraineté industrielle un véritable enjeu, ce qui se traduit aujourd’hui par des efforts de relance absolument inédits. Au même moment, les technologies 4.0 sont plus que jamais accessibles et ouvrent largement le champ des possibles. Enfin, tous les acteurs sont très fortement mobilisés. Mais cette situation ne doit pas faire oublier que nous sortons de trente années de décrochage industriel, qui n’est pas effacé. Il faut donc profiter de ce moment exceptionnel pour veiller à privilégier la montée en gamme de l’offre, condition pour conserver en Europe et en France des secteurs industriels entiers.
El Mouhoub Mouhoud propose ensuite un état des lieux, en soulignant que la question de la relocalisation se pose depuis une dizaine d’années, depuis, en fait, que la croissance des salaires est plus forte que celle de la productivité dans les pays émergents, alors que ce rapport stagne dans les pays développés, rendant moins attractives les délocalisation. Mais cette relocalisation est d’une grande hétérogénéité, à la fois en fonction des secteurs – en fonction, principalement, du poids des salaires dans le coût de production – et dans les zones géographiques concernées – la relocalisation ne se fait pas forcément dans les pays d’origine –. Ainsi, cette période de pandémie est marquée à la fois par une relocalisation accélérée de l’industrie manufacturière, alors qu’elle stimule, dans le même temps, la délocalisation dans les services ! Mais le principal constat, et qui donne probablement une clé pour l’avenir, c’est que l’hypermondialisation des années 1990 à 2010 a aussi été une période d’hypercarbonation des productions. Ainsi, la décarbonation semble pouvoir être un levier de relocalisation très fort.
Enfin, Pierre Schmitt a apporté son témoignage, celui d’un dirigeant d’entreprise qui, sur le terrain, constate qu’il est beaucoup plus simple d’empêcher le départ des entreprises que d’initier leur retour. En effet, souligne-t-il, lorsque toute une filière est partie, il manque trop de briques pour stimuler le retour. L’innovation nécessite en effet un écosystème, et de préférence de proximité. Prenant l’exemple de la filière du lin, Monsieur Schmitt rappelle en effet que la production a été largement délocalisée en Chine au début des années 2000. Or, depuis vingt ans, il n’y a eu aucune innovation : la bobine de lin chinoise est aujourd’hui exactement la même que la bobine de lin française de l’époque. Le premier fabricant de machines de filature est français (Schlumberger), et basé dans le Haut-Rhin, la matière première, le tissage, l’enoblissement, la teinture, se déroulait également dans la région. Et cela avait permis de développer toutes les formations nécessaires (ingénieur textile, chimie, matériaux). Et cette absence d’innovation ces dernières années se fait aujourd’hui sentir, alors même que ces fibres textiles pourraient se substituer aux fibres de verre (non recyclables), par exemple dans la fabrication des coques de bateaux ou dans les structures d’éoliennes.
Ainsi, chacun des interlocuteurs, à sa façon et dans son domaine de spécialité, a rappelé que la crise a certes fait bouger les lignes, émerger des questions, mais que cela n’est pas suffisant pour considérer aujourd’hui que la relocalisation serait acquise !
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