[Portrait] Pierre, étudiants en M2 Conception de Dispositifs Ludiques

 
Publié le 28/06/2021 - Mis à jour le 29/06/2021

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Pierre et j’ai 26 ans. Après l’obtention de ma licence en Sciences de l’Information et de la Communication, je me suis dirigé vers le Master AMINJ — parcours conception de Dispositifs Ludiques. Je finalise actuellement mon Master 2. J’ai également été journaliste pigiste pour différents médias, puis j’ai cofondé mon propre Pure Player qui comptait, à son pic, une quinzaine de journalistes. En cela, je m’intéresse à la fois aux pratiques journalistiques, aux « nouvelles écritures » et à la manière de créer de nouveaux dispositifs documentaires, informationnels et ludiques. Enfin, je suis passionné par l’Histoire tchécoslovaque, les contre-cultures, les littératures des marges et les musiques dites extrêmes, industrielles ou expérimentales. Et d’autres choses encore.

Pourquoi avoir choisi le parcours CDL ?

J’ai d’abord été un joueur passionné. Puis, durant mes études, je me suis orienté vers la spécialisation « Jeux vidéo et médias interactifs ». Comme je l’ai mentionné, mon objectif est de réfléchir aux liens à faire entre les écritures journalistiques et des réflexions de Game Design et Narrative Design. Je possède un intérêt prononcé pour le transmédia, les expériences ludiques expérimentales et les projets abordant des thématiques et des sujets du réel.

De fait, le parcours Conception de Dispositifs Ludiques a été la suite logique à ce premier choix d’orientation. Mon parcours en licence m’a forgé intellectuellement ... ou, du moins, m'a guidé vers de nouveaux intérêts, de nouvelles lectures et de nouvelles découvertes. Grâce à différents échanges avec certains profs, j’ai développé un intérêt pour la recherche académique et ce Master était, pour moi, la possibilité de lier la théorie et la pratique.

Comment vous est venue l’idée de votre sujet de recherche ?

Je pense qu’il est important de choisir un premier sujet de recherche avec lequel nous nous sentons à l’aise ; un sujet que nous aimons explorer et qui ne deviendra pas une tare au fil des semaines. De là, j’ai rapidement décidé de lier mes intérêts pour les contre-cultures et les pratiques créatives qui peuvent les accompagner. Je disposai d’un premier bagage théorique qui, finalement, a été bousculé au fur et à mesure de mes lectures et observations.

Comment avez-vous abordé cette épreuve tant redoutée des étudiants ?

C’était une année particulière. La première année de Master est, de base, relativement chargée. À cela se sont ajoutées une crise sanitaire et la découverte du confinement. Le suivi effectué par notre responsable de Master (Laurent Di Filippo) et mon directeur de mémoire (Sébastien Genvo) a été essentiel pour garder un cap et travailler le plus régulièrement possible. Ces deux personnes ont su écouter mes envies autant que mes préoccupations et, in fine, délimiter mon cadre de recherche.

Quels conseils donneriez-vous aux étudiants de M1 qui viennent de commencer leur travail de recherche ?

Je ne suis pas forcément l’étudiant à suivre puisque j’ai des méthodes de travail très personnelles. J’ai débuté la rédaction du mémoire assez tardivement, après de nombreuses semaines de lectures intensives. Globalement, j’ai enchaîné les semaines en faisant du 9 h du matin — 4 h du soir. Mon premier conseil est de ne pas reproduire ce schéma au risque d’être sur les rotules à la fin de l’année. Essayez de travailler sur un temps long, de prendre des notes de vos lectures et de poser une méthodologie de recherche adaptée. Mettez également en place une veille passive de vos mots-clés dès le début de vos recherches.

Mon second conseil est de communiquer. La période actuelle est compliquée et il est important d’avoir une relation de confiance avec son directeur de mémoire. N’hésitez pas à lui envoyer des e-mails, à lui demander des rendez-vous et à poser toutes les questions qui vous tracassent ; que cela soit sur le mémoire, la soutenance ou des problèmes plus personnels qui peuvent vous paralyser. Il n’y a pas de honte à douter, stresser ou se sentir mal face à ce travail.

Ces discussions vous permettront d’éviter le hors-sujet qui est, pour tous les étudiants, la bête noire liée à cet exercice. Enfin : prenez du plaisir. Bossez sur un sujet qui vous donne envie. Surtout, dites-vous que ces lectures vous font grandir intellectuellement et personnellement. De même, les méthodologies de recherche acquises peuvent être valorisées professionnellement… même si cela dépendra grandement de vos interlocuteurs et des boîtes avec lesquelles vous allez collaborer. 

Peux-tu nous présenter le sujet de ton mémoire ?

Mon mémoire s’intitule « Appropriation, construction et développement de l’univers des jeux vidéo alternatifs. Étude des pratiques discursives d’une communauté d’auteurs-joueurs ». J’ai cherché à savoir comment définir et penser ce que sont les jeux indépendants et les distinctions à faire avec des jeux dits alternatifs. Surtout, contrairement à d’autres écrits académiques, mon mémoire s’attache à analyser le sens que donnent les concepteurs, conceptrices, auteurs et auteures à ces notions.

En clair, il s’agit de montrer que, derrière ce que nous nommons communément « jeux indépendants » ou « indie games », de nombreuses réalités créatives et de nombreuses volontés professionnelles cohabitent et sont, parfois, antinomiques. Mon objectif a été de redéfinir le concept d’indépendant en partant de textes liés au Cultural Studies. Dans cette démarche d’analyse des contre-cultures, nous constatons que celles-ci sont des subversions de l’intérieur. Que toute contre-culturelle soit elle, elle se construit « en opposition à » un référentiel. En l’occurrence, l’industrie culturelle, ses pratiques, ses représentations et son rapport à la création.

En cela, je m’inscris dans une démarche pluridisciplinaire me permettant d’analyser l’auteurisation des développeurs de jeu par une relation à des envies d’expression de soi, de son parcours de vie et de son environnement personnel. Enfin, j’interroge les trajectoires de ces personnes. Je montre qu'en partant d’une compréhension d’un alternatif vidéoludique, nous pouvons interroger des jeux de positionnements entre le global et le local, entre le numérique et le physique, le tout à travers le concept de capital subculturel. En somme, ce mémoire analyse la construction de valeurs d’un alternatif par l’étude des discours d’auteur. e. s de jeux vidéo.

Ce projet est-il en lien avec votre projet professionnel ? Est-ce utile dans ton stage de Master 2 ?

Le sujet en lui-même est difficilement valorisable dans le monde professionnel, par contre les méthodologies de recherches acquises, elles, le sont. De plus, dans des logiques de conception de Monde ou dans l’écriture de scénario, mon mémoire m’a permis de comparer les représentations faites dans les productions vidéoludiques hégémoniques et dans les productions vidéoludiques alternatives. Ce travail offre une sensibilisation aux questions d’inclusion, de représentations des minorités et à la nécessité de « faire entendre » de nouvelles voix dans ces pratiques créatives.

Enfin, mon mémoire m’a permis d’avoir un vrai regard sur l’industrie vidéoludique. Cet aspect m’est particulièrement utile dans le cadre de mon stage puisque je suis producteur en charge du développement des expériences interactives pour une société de production et de développement initialement spécialisée dans le cinéma.

Ce stage me permet de travailler, en tant que producteur, sur le développement du jeu documentaire Le Voyage de Kotick. J’assure également des tâches de script doctoring et de lecteur de scénarios. De fait, mes recherches autant que ma formation me permettent d’interroger la cohérence narrative de ces écrits.

(Fin) Avez-vous des personnes à remercier en particulier ?

Je tiens à remercier mon encadrant universitaire, Sébastien Genvo, qui est toujours présent aujourd’hui pour écouter mes interrogations et m’aiguiller dans mes recherches universitaires.

De même pour Laurent Di Filippo, notre responsable de Master 1, qui, en plus d’avoir des goûts musicaux pas si mauvais, a toujours eu une écoute bienveillante ces deux dernières années. Merci également à Jean-François Diana, membre de mon jury de soutenance, pour l’intérêt porté à ma personne depuis mes débuts en licence.

Enfin, mes derniers mots iront à mes camarades de promotion, notamment Cyril, Antoine, Julien, Priscilla et Marion : merci pour toutes ces années. C’était sympa.