Dans la crise sanitaire sans précédent que nous traversons, soutenir les étudiants en fragilité est devenue rapidement une priorité pour l’Université de Lorraine en mettant d’une part en place des aides exceptionnelles et d’autre part en adaptant les modalités d’intervention des services d’accompagnement étudiant en lien avec son réseau de partenaires. Qui sont les acteurs de cette solidarité ? Comment est organisée la mobilisation pour aider les étudiants en difficulté ? Entretien sans détour avec Laurence Canteri, vice-présidente de la vie universitaire à l’Université de Lorraine.
Factuel : Quel est le bilan des différentes aides exceptionnelles mises en place à l'Université de Lorraine ?
Laurence Canteri : L'université a mis en place un dispositif d'aides sociales exceptionnelles covid19 dès le début du confinement en totale articulation avec le CROUS Lorraine et en complément des aides habituelles délivrées par le Comité d'action sociale étudiante (CASE) de l'université et des aides du CROUS.
Au 23 avril, 420 aides exceptionnelles avaient déjà été accordées pour un montant de 125 000€.
Près de 500 ordinateurs portables ont été prêtés, grâce à une mutualisation entre les composantes, les bibliothèques et la direction du numérique et plus de 550 cartes SIM/4G ont été envoyées aux étudiants pour leur partage de connexion.
Au total, une enveloppe de 200 000€ a ainsi été débloqué ces dernières semaines sur la Contribution vie étudiante et de campus (CVEC), conformément aux directives ministérielles.
Il ne faut pas oublier d'ajouter à ce bilan plus de 630 consultations médicales, près de 350 entretiens psychologiques réalisés par les médecins et psychologues du Service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS) et du Bureau d’aide psychologique pour étudiants (BAPE) et une cinquantaine d'étudiants aidés par le Centre Pierre Janet.
Côté social, on dénombre plus de 700 entretiens sociaux réalisés uniquement par les assistantes sociales de l'université, il faudrait y ajouter les entretiens réalisés par le service social du CROUS.
Le service santé social du SUMPPS a reçu plus de 6000 mails et la direction du numérique a contacté, majoritairement au téléphone, plus de 1800 étudiants.
Factuel : Comment se mobilisent les services de l'université ?
L. C. : Le SUMPPS est mobilisé depuis le mois de janvier, au départ sur la question des étudiants arrivant de zones où le virus avait commencé à se propager, notamment la Chine puis, petit à petit, s'est consacré à l'ensemble des étudiants se signalant.
Dès l'annonce de la fermeture des locaux aux étudiants, les médecins et travailleurs sociaux se sont organisés pour agir et poursuivre leurs entretiens à distance, il y a eu une réelle continuité de l'activité, bien évidement en mode dégradé et avec un afflux de demandes puisque les conditions de vie des étudiants déjà fragiles financièrement se sont rapidement détériorées par les pertes de jobs étudiants et l'absence ou l'interruption de la gratification de stages.
Ce qui a été une véritable force, c'est que les services sociaux de l'université et du CROUS ont une grande habitude de travail en commun. J’ai eu maintes fois l'occasion de m'en rendre compte, notamment lors des Comités d’actions sociale étudiante (CASE) des vendredis matins (qui se réunissent désormais à distance). Cela a facilité le passage en fonctionnement de crise. Des décisions ont été rapidement prises et la première a naturellement été de ne laisser aucun étudiant sans aide alimentaire. Les recharges de cartes IZLY et les tickets service pour les achats de première nécessité ont été mis de côté au profit de versements d'aides directes par le Crous sur les comptes bancaires des étudiants, des solutions ont été trouvées pour ceux qui étaient à découvert. Les distributions de denrées via les épiceries solidaires AGORAé n'ont jamais cessé avec un appui constant de la vice-présidente Étudiante. Dès la fin de la première semaine, aucun étudiant signalé n'était laissé sans aide alimentaire. Forcément, les critères sociaux d'attribution de ces aides ont été assouplis comme par exemple la limite d'âge pour en bénéficier, notamment pour les aides des CROUS.
En parallèle, avec le précieux concours de la Direction de la formation, de l’orientation et de l’insertion professionnelle (DFOIP) de l’université, avec les collègues qui gèrent administrativement le CASE et l'agence comptable, les aides exceptionnelles se sont rapidement mises en place. Là aussi l'expérience acquise par le versement d'aides de l'université aux étudiants a facilité les mises en paiement très rapides.
Pour les étudiants isolés numériquement, la mobilisation est partie de la Direction du numérique (DN) et de la vice-présidente Stratégie numérique et, pour avoir donné un coup de main, j'ai pu voir la totalité de la chaine et le travail impressionnant qui a également été réalisé. Contacter 1 800 étudiants en quelques jours, ce n'est pas rien ! Et je n'oublie pas la 1ère vice-présidente qui a livré des ordinateurs directement chez les étudiants dans des communes plus éloignées des métropoles, dans les Vosges, dans la Meuse ou en Moselle Est, puisque ces étudiants ne pouvaient pas se rendre dans les points de distribution à Nancy ou à Metz.
Je tiens à remercier toutes et tous ces collègues, qui font leur travail, dans des conditions difficiles et souvent dans l'ombre et sans grand renfort de communication ou de presse.
Pour avoir échangé avec mes collègues vice-présidents au niveau national, je sais que l'Université de Lorraine est l'une des premières à avoir mis en place ces aides exceptionnelles.
Factuel : Avec quels partenaires l'Université de Lorraine travaille-t-elle pour aider les étudiants ?
L. C. : Notre partenaire institutionnel, naturel et historique est le CROUS Lorraine, les échanges entre les services sont constants et des points réguliers ont lieu avec la directrice générale.
En parallèle, une formidable mobilisation collective s'est mise en place. Cette liste n’est pas exhaustive. Rappelons que les AGORAé, au 23 avril dernier, avaient livré 1,6 tonnes de denrées alimentaires entre Metz et Nancy. Depuis que le Crous distribue des denrées à ses résidents les plus précaires, les AGORAé concentrent leurs livraisons vers les étudiants logés dans ce que l’on appelle le « parc diffus » dispersé dans le parc immobilier public ou privé. Ils achètent les denrées aux banques alimentaires de Meurthe-et-Moselle et de Moselle, mais en temps de crise celles-ci sont redistribuées gratuitement. La Fondation NIT de l’Université de Lorraine a lancé une collecte pour soutenir cette aide alimentaire. La société Transgourmet livre également ainsi que des commerces de proximité (comme Saveurs du monde), et des particuliers comme des parents d'étudiants. Des restaurateurs comme Les restos de Nancy ont proposé des repas, il en est de même à Metz grâce au restaurant Le Quarteau. Le conseil départemental de la Moselle, le CCAS (et aussi à Longwy), le Secours Catholique ont donné des bons alimentaires. À Nancy, la Métropole soutient l'AGORAé. Une entreprise lunévilloise, Lorcos va mettre à disposition des produits d'hygiène.
Des entreprises font des propositions de dons d’ordinateurs : la BPALC, l'ANDRA...
Ces derniers jours les propositions augmentent. Cette solidarité fait énormément plaisir et toutes ces aides sont précieuses car nous savons que la précarité des étudiants aggravée par la crise, va durer.
Désormais il nous faut aussi chercher des jobs pour les étudiants cet été. Nous savons qu'il ne sera pas facile d'en trouver, je suis en lien avec des collectivités locales sur ce sujet.