La pratique de la Natation en STAPS : quézaco ?

 
Publié le 7/02/2023 - Mis à jour le 14/04/2023
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Depuis le 30 janvier 2023, les étudiants et étudiantes en STAPS ont retrouvé le chemin des bassins de la piscine des Océanautes qui a rouvert ses portes le 30 janvier 2023, après plusieurs mois de travaux.

Savoir nager est l’un des prérequis pour entrer en études de STAPS, nous avons demandé à deux enseignants de la discipline à la Faculté des Sciences du Sport de Nancy, Samuel Bour et Didier Harre, de nous en dire plus sur la pratique de la natation en licence.

Bonjour à tous les deux, avant toute chose, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Samuel Bour : Je suis Samuel BOUR, enseignant à la Faculté des Sciences du Sport de Nancy, spécialiste natation, et responsable pédagogique de la première année STAPS (L1) et de la licence professionnelle AGOAPS Activités Aquatiques.

Parcours professionnel : Agrégé externe d’EPS, titulaire d’un Master STAPS, titulaire d’un Brevet d’Etat d’Educateur Sportif des Activités de la Natation, formateur et évaluateur BP JEPS AAN et AGFF.

Parcours sportif : champion de France et vice-champion d’Europe master en natation, champion de France et 2ème à Mr Olympia amateur en culturisme.

Didier Harre : professeur agrégé EPS, formation initiale réalisée au CREPS de DINARD, recrutement et formation en spécialité natation. Ma carrière professionnelle débute comme responsable et entraîneur de la section sport études natation au lycée Georges de la Tour à Nancy. Après y avoir consacré huit années, je redeviens enseignant en EPS d'abord en lycée technique puis en collège. En septembre 2000 je suis recruté à l'UFR STAPS.

Pourquoi la natation ?

D.H : Parce qu'un nouveau sport "arrivait" dans ma commune. Jusque-là, au milieu des années 70, sur place si l'on désirait faire du sport nous avions le choix entre gymnastique, judo et football (que je pratiquais). L'ouverture au printemps 1975 d'une piscine à proximité de mon domicile, fut un véritable événement. Durant toutes les "grandes vacances", j'y passais mes journées entières. La municipalité voulait un club de natation au sein de son établissement. Un maître-nageur (mon futur et seul entraîneur), sollicitait tous les enfants qu'il voyait journellement pour leur proposer de faire de la natation sportive. Ainsi, en septembre, débutait mon histoire avec la natation.

J'ai commencé avec un piètre niveau, mais d'emblée à trois séances par semaine, puis cinq et, pour ajouter en quatrième et troisième au collège, trois séances le matin de 6h45 à 7h45. C'est ainsi que lors de ces deux années je me suis qualifié aux championnats de France de ma catégorie d'âge sur le 100m et le 200m brasse, ma nage de "spécialité". L'entrée au lycée ne me permettait plus de m'entraîner autant, mes performances ne me permettaient plus de nager au niveau national. Mais l'année du bac en 1981 avant mon départ pour Dinard, nous nous sommes qualifiés aux championnats de France toutes catégories, pour une épreuve collective le relais 4x100m 4 nages. Ensuite, j'ai toujours continué à m'entraîner régulièrement, sans retrouver le niveau national. En 1985, un nouveau sport apparaissait, le triathlon et je m'y investissais pleinement.

Savoir nager est un prérequis pour intégrer des études en STAPS, pouvez-vous en dire plus sur le niveau attendu ?

D.H : C'est un prérequis implicite, quelques-uns (très rares) arrivent sans savoir nager. La majorité est capable de réaliser 50/100 m avec aisance, au-delà devient un souci.

Le problème de la natation est la possibilité d'avoir accès un établissement de bain. Individuellement mais surtout durant la scolarité, dans le cycle primaire tout est mis en œuvre pour acquérir le savoir nager défini par l’État. Ensuite, pour le collège et le lycée cela est problématique. En exagérant un peu la programmation de la natation en EPS a un côté exceptionnel et aléatoire géographiquement. En résumé, on fait avec, en L1 nous sommes centrés exclusivement sur le crawl et le nombre d'heures de TP leur permet de se "transformer", plus encore s'ils vont pratiquer de manière volontaire à la piscine universitaire qui les accueille sans souci.

S.B : Effectivement, les étudiants intègrent souvent les études STAPS avec un niveau hétérogène, le milieu aquatique étant un milieu très particulier. Cette hétérogénéité est souvent liée au fait qu’ils vivent des expériences motrices différentes en fonction de leur parcours personnel, mais aussi en fonction des pratiques vécues en EPS dans l’enseignement primaire et secondaire. Dans l’idéal, savoir nager pour un étudiant entrant en STAPS pourrait se définir par le fait d’avoir résolu les problèmes d’équilibre, de respiration, de propulsion et de prise d’informations (voire même certains problèmes affectifs) liés à la confrontation au milieu aquatique afin de :

  • nager longtemps (au moins 200m) sans s’arrêter
  • nager vite (sur des distances variées)
  • nager de manière « variée » (en variant les modes de déplacement : nages ventrales, dorsales, alternées, simultanées).

En quoi consiste la pratique de la natation en STAPS ? (Amélioration du mouvement, des performances, apprentissage de techniques spécifiques, etc.)

S.B : La natation en STAPS n’est ni une natation fédérale, ni une natation scolaire, même si elle les aborde dans ses contenus (en fonction des filières). Les enjeux sont différents, puisqu’en plus d’un développement moteur, énergétique et bio-informationnel lié à l’acquisition d’habiletés propres aux activités aquatiques, une démarche visant à l’analyse de la pratique et à l’analyse réflexive de sa propre pratique est également recherchée. La production de la meilleure performance possible est certes un enjeu important en STAPS, mais c’est surtout en permettant aux étudiants d’être plus efficients dans l’eau et d’améliorer la compréhension qu’ils ont de l’activité et des spécificités du milieu dans lequel ils évoluent.

D.H : En L1, c'est être capable en tant que "terrien" de s'adapter au milieu aquatique, et cela passe par la maîtrise du crawl sur une distance ou une durée conséquentes. Les groupes sont hétérogènes et définis administrativement par le service de la scolarité. En L2 et L3, la natation s'adressera aux étudiants ayant choisi la spécialité (administrativement "pratique d'approfondissement") natation. Et, aux étudiants en Éducation Motricité (EM) pour préparer les exigences du CAPEPS.

En dehors de la pratique en elle-même, qu'est-ce que la natation peut apporter aux étudiants et plus généralement à toute personne pratiquant ce sport ?

D.H : C'est d'abord une activité physique, donc quelle que soit la façon de l'aborder et de la pratiquer, elle permet de ne pas être sédentaire. Sans entrer dans une pratique où la maîtrise technique serait efficience et permettrait de se diriger vers une forme "d'entraînement" ; la natation rien que par le déplacement dans le milieu est énergivore et délassante à la fois. Énergivore, car la densité du milieu aquatique impose de devoir traverser un élément liquide qui nous freine énormément.  Délassante, car la poussée d'Archimède nous fait évoluer dans un environnement en sustentation, où le corps est moins pesant. Ainsi, nos muscles et la machinerie pour les faire fonctionner sont davantage sollicités que sur Terre, alors que les articulations sont en même temps soulagées.

En dehors de la pratique, la natation demande de prévoir et de s'organiser pour aller à la piscine, on ne peut pas y aller comme on veut quad on veut. D'accepter les règles d'accès et de fonctionnement dans un environnement collectif sécurisé. Elle permet d'avoir une hygiène corporelle et alimentaire. Je ne peux pas pratiquer le ventre vide et l'effort réalisé "creuse" l'estomac.

S.B : Au-delà de l’enjeu utilitaire indéniable que représente la capacité à savoir nager, la natation possède différents enjeux concernant le développement de l’individu.

Sur le plan moteur, elle peut permettre d’acquérir une coordination plus riche, plus fine (coordination inter-train et intra-train), permettre d’apprendre à mieux dissocier certains segments corporels (ceinture scapulaire / ceinture pelvienne, bras / avant-bras, tête / tronc), développer une bonne tonicité axiale (alignement corporel, gainage).

Sur le plan énergétique, c’est une activité qui permet de développer l’endurance, la résistance et/ou la vitesse et la vélocité. La natation permet une sollicitation, voire un développement musculaire complet, car de nombreux groupes musculaires interviennent dans la propulsion du nageur. Elle va également permettre de développer les ressources bio-informationnelles de l’individu, tant au niveau de la prise d’information sur soi, que celle sur son environnement. La natation va permettre à l’individu qui la pratique d’affiner la connaissance qu’il a de lui-même, mais aussi celle qu’il a du milieu aquatique.

Enfin, c’est une activité qui peut permettre d’acquérir le goût de l’effort et procurer du plaisir, qu’il soit immédiat (sensations) ou différé (bien-être). En agissant sur le bien-être physique et mental, elle permet d’améliorer la santé de l’individu (tout comme d’autres activités cardio-vasculaires).

Quel est le niveau minimum requis pour faire de la natation son sport de spécialité dès la L2 ?

S.B : Concernant la spécialité natation, une maîtrise technique des quatre nages codifiées (papillon, dos, brasse et crawl -en considérant que c’est cette technique qui est utilisée dans les épreuves de nage libre) est exigée.

D.H : Elle s'adresse à des étudiants ayant ou ayant eu une pratique de la natation en club ou à l'école dans le cadre d'une pratique spécifique. L’étudiant.e est capable de nager vite sur distance courte (25/50 m) et de nager longtemps sans souci (de 400 à 1000 m).

Quelles sont les qualités d'un bon nageur ? 

S.B : Un bon nageur doit non seulement disposer de bonnes qualités physiques (vitesse, endurance, résistance, souplesse, coordination, dissociations segmentaires, etc.) mais doit aussi être doté de capacités mentales et psychologiques (détermination, ténacité, résilience, dépassement de soi, etc.). Un bon nageur est également capable d’alterner des phases de contractions musculaires importantes et des phases de relâchement et de glisse pour prétendre à cette efficience requise (toute la complexité de la natation résidant dans le paradoxe consistant à prendre appui sur l’eau tout en passant à travers elle). Un bon nageur a créé une relation singulière avec le milieu aquatique : il y a développé des sensations particulières et une capacité à bien y percevoir son corps et ses segments (proprioception fine).

Si la natation est avant tout une activité de performance individuelle, la capacité à travailler au sein d’un groupe est néanmoins nécessaire pour progresser.

D.H : Aimer l'eau et la pugnacité !