[Retour sur] Nada Negraoui : une voix contre les discriminations

 
Publié le 10/12/2019 - Mis à jour le 4/01/2023
Nada Negraoui

Elle se demande pourquoi on a souhaité l’interviewer : « J’ai du mal avec cette espèce de culte de la personne… Sans tomber dans une sorte d’humilité extrême, je ne suis pas toute seule à agir… » Nada Negraoui, doctorante au laboratoire Perseus (Psychologie ergonomique et sociale pour l'expérience utilisateurs), s’est vu remettre, le 16 novembre 2019, un des « Trophées Grand Est Jeunes talents ». Ce concours distingue des jeunes âgés de 15 à 29 ans qui font preuve d’audace dans leurs innovations, leur créativité, l’excellence, ou encore l’engagement. C’est dans la catégorie « S’engager pour l’égalité, la lutte contre les discriminations » que Nada a été remarquée, tant par son engagement associatif que par ses travaux de recherche.

Echanger pour comprendre

Difficile de recenser toutes les activités associatives de la jeune doctorante. Elle-même en oublie. Avec son débit rapide et son vocabulaire volontiers fleuri, elle cite en premier lieu sa participation aux Restos du Cœur. Elle fait la cuisine dans un bus aménagé en restaurant, qui offre, un instant, un endroit où se poser aux sans-abris. « Mais ce qui m’intéresse le plus, c’est d’échanger avec les gens. Je délaisse régulièrement les fourneaux pour discuter avec ceux qui se retrouvent autour du bus », avoue-t-elle.

En parallèle, elle intervient durant 4 ans en prison, auprès de femmes majeures et de mineurs, avec l’association Genepi, qui sensibilise et milite pour le décloisonnement des prisons. Lorsqu’elle évoque les séances de cuisine puis les repas pris avec les personnes détenues, ses yeux s’illuminent : « Même si je sais que je n’endure pas ce qu’ils vivent, je me dis qu’il n’y a qu’en échangeant avec les autres qu’on peut tendre à comprendre leurs réalités très diverses. »

Comprendre les discriminations

C’est sans doute cette exigence de compréhension qui la porte pour sa thèse en cours, intitulée Dynamiques identitaires des musulmans de France face à la stigmatisation : le rôle des politiques d’intégration. « La difficulté, c’est que quand on aborde ces questions, comme la religion ou le racisme, la plupart des gens le pensent en termes de moralité, de bien ou de mal. Ce qui m’intéresse, moi, c’est plutôt d’étudier les processus sociocognitifs qui conduisent souvent à des représentations d’autrui biaisées. Savoir comment on fonctionne. »

Comment les lois touchant une communauté influent-elles sur sa dynamique identitaire et sa santé mentale ? Comment un traitement politique et médiatique peut-il influencer un repli communautaire ? Comment gérer deux identités, française et musulmane, lorsqu’on nous transmet qu’elles ne sont pas compatibles ?

Si Nada Negraoui effectue son étude dans ce contexte particulier, elle remarque que les mécanismes de stigmatisation sont nombreux : « Il y a des petites variations. Par exemple, il y a un processus qui s’appelle la contrôlabilité. C’est ce qui fait que les gens ont tendance à penser que les personnes en situation d’obésité ou de chômage sont responsables de leurs stigmates. On va donc non seulement les discriminer, mais se sentir totalement légitimes de le faire puisque l’on va penser (à tort) qu’elles sont responsables de leur situation. S’ils ne s’en sortent pas, c’est leur faute. Ainsi certains fonctionnements psychologiques sont similaires d’une discrimination à une autre. »