[Conférence] « Lavoisier et son temps » - Second volet : « Les savants en Révolution »

 
Date(s): 
Mercredi 4 décembre 2019 - 20:00
Lieu(x): 
Campus Sciences et Technologies - Amphithéâtre n°8 Vandœuvre-lès-Nancy

En écho au premier volet du programme en deux parties consacré au chimiste Lavoisier, débuté en juin dernier, Arnaud Fischer vous convie à un second volet, intitulé « Les savants en Révolution », le mercredi 4 décembre à 20h, en amphithéâtre n°8 du campus Sciences et Technologies de Vandœuvre-lès-Nancy.

La période révolutionnaire et le travail des scientifiques dans la tourmente (réforme des institutions et du calendrier, instauration de l'actuel système métrique, développement de l'aérostation...) seront abordés. Au-delà de l'évocation des dernières années de Lavoisier, l'occasion sera largement offerte de revenir en détail sur la chronologie des événements intérieurs qui ont marqué la France à partir de 1789.

L'entrée sera gratuite dans la limite des places disponibles. La réservation électronique à l'adresse arnaud.fischer@univ-lorraine.fr est recommandée.

Le résumé de l'ensemble du programme baptisé "Lavoisier et son temps" est le suivant :

     « Il ne leur a fallu qu’un moment pour faire tomber cette tête, et cent années peut-être ne suffiront pas pour en reproduire une semblable ». Quel personnage hors du commun inspire donc au physicien et mathématicien Lagrange cette condamnation perspicace des bourreaux de la Révolution ? Juriste de formation mais passionné de sciences, Lavoisier aspire très jeune à rejoindre le cercle des membres de l’Académie, pour laquelle, une fois admis, il travaille sans relâche jusqu’à la suppression de l’Institution, en 1793. L’approvisionnement de Paris en eau, l’éclairage des villes la nuit, l’amélioration des salles de spectacles, l’étude du gypse qui fournit le plâtre, la supervision de l’expédition de La Pérouse et l’examen critique du prétendu magnétisme animal qui fait la gloire du charlatan Mesmer, ne représentent qu’une partie des nombreux sujets auxquels le zélé Lavoisier consacre son expertise.

     Devenu fermier général, et, à ce titre, percepteur d’impôts, Lavoisier épouse Marie-Anne Paulze, fille de son supérieur hiérarchique, et le salon du couple devient un foyer mondain, que fréquentent Turgot, Du Pont de Nemours, Laplace ou Franklin. Vive et désireuse d’apporter sa contribution, la jeune femme se forme au latin, à l’anglais ainsi qu’à la chimie, tandis que le peintre David, qui l’immortalisera avec son époux, l’initie au dessin et à la gravure. Pour les chimistes français, Marie-Anne se fait traductrice, et illustre le Traité élémentaire de chimie, via lequel Antoine-Laurent diffuse la brillante synthèse que ses découvertes ont permise.

     Le principe de conservation de la masse – qui, dans le texte, n’est pas aussi concis que la célèbre formule « rien ne se perd ; rien ne se crée ; tout se transforme » – n’a pas attendu Lavoisier pour être soupçonné, mais la chimie, qui a tant tardé à s’affranchir de ses traditions archaïques, se dote, grâce aux travaux des expérimentateurs de l’époque, de fondements stables : la compréhension du rôle de l’oxygène dans la combustion, l’analyse et la synthèse de l’eau, l’élucidation de la composition de l’air ne sont pas les moindres des progrès permis par l’étude systématique de gaz alors mis en évidence, et que nous nommons aujourd’hui hydrogène, azote, oxygène et dioxyde de carbone. Patron en science, Lavoisier s’entoure de recrues prometteuses, qui, avec lui, ébauchent la physiologie moderne en reliant respiration, transpiration et digestion, ou en associant chaleur et activité musculaire. À ses côtés, Fourcroy et Guyton esquissent la nomenclature que les chimistes actuels continuent d’employer, tandis que l’Académie décourage les prétentions excessives, dont celles de Marat, alors persuadé que ses travaux rivalisent avec l’héritage de Newton.

     Trop vite, les frénétiques partisans de la guillotine oublient que, derrière l’académicien, le fermier général, le régisseur des poudres et le président de la caisse d’escompte – qui tente de combler le déficit du Royaume –, se cache un individu profondément généreux, toujours préoccupé du bien-être de ses semblables, et notamment des plus pauvres. Comment en vouloir à Lavoisier si ses idées en matière d’agronomie équitable et de juste fiscalité n’ont pas eu davantage d’écho que ses projets de réformes des prisons et des hôpitaux, ou si sa suggestion d’enceindre Paris pour endiguer la contrebande n’a pas été perçue comme une mesure bénéficiant aux honnêtes commerçants ? Dans une époque qui voit Parmentier diversifier les cultures, le philanthrope Lavoisier ne ménage pourtant pas sa peine pour soulager les agriculteurs, représente le tiers-état à l’assemblée provinciale de l’Orléanais, et rédige, à l’attention de Necker, un mémoire préliminaire à la convocation des états généraux. Qu’importe ? La tourmente révolutionnaire et la guerre emportent tout.

     L’industrie, qui voyait jusqu’alors les chimistes travailler en intelligence avec les manufactures de Sèvres, de Saint-Gobain ou des Gobelins, se métamorphose. La coalition des monarchies européennes souhaitant limiter la contagion révolutionnaire, la France se transforme en un gigantesque atelier pour éviter l’asphyxie que provoquent les blocus. La Nation tout entière traque le salpêtre nécessaire à la fabrication de la poudre, pendant que Monge forme les canonniers. Père de l’actuelle eau de Javel, Berthollet diffuse sa technique de blanchiment au chlore ; le télégraphe de Chappe bouleverse les communications... Dans le sillage des spectaculaires expériences réalisées à Versailles et à Paris par les frères Montgolfier, Charles et Pilâtre de Rozier, les aérostats épaulent les militaires, qui, à bord de ces surprenants engins, s’improvisent espions sur le champ de bataille. C’est ainsi que les révolutionnaires triomphent à Fleurus. L’école d’aérostiers de Meudon est confiée aux bons soins de Conté, dont le tout nouveau crayon de papier parvient à affranchir la France des réserves anglaises de plombagine.

     La Convention ayant supprimé collèges et universités, une gigantesque réforme peine à doter le pays d’un système d’enseignement cohérent, ce qui n’empêche pas la création de l’actuelle École polytechnique, ou du Conservatoire national des arts et métiers – qui, à l’initiative de l’abbé Grégoire, forme les artisans venus de toutes les provinces aux plus récentes innovations technologiques. La monarchie abolie, la République se dote d’un nouveau calendrier et entérine enfin une réforme du système d’unités permettant qu’il n’y ait plus, sur le territoire national, « deux poids et deux mesures ». Mètre, litre et kilogramme sont ainsi définis, qui mettront plusieurs décennies à s’imposer. Dans l’intervalle, Bonaparte aura largement consacré la place des savants au cœur de la Nation en les emmenant avec lui en Égypte. Tous n’auront pas eu la chance de survivre à Robespierre et à la Terreur. Ainsi, la Révolution aura notamment privé la science de Bailly, Condorcet, Malesherbes… et Lavoisier.