Des leviers pour la production de miraculine ?

 
Publié le 10/06/2024
l'arbuste Synsepalum dulcificum produit des baies rouges (les Sisrè) dont on tire la miraculine

Dans le cadre du projet Biovalor (*), la thèse de Rabiath Adigoun, doctorante au Laboratoire Sols et Environnement (UMR LSE UL/INRAE) et à l’Université d’Abomey Calavi, porte sur l’amélioration de la croissance de la plante à Sisrè [Synsepalum dulcificum (Schumach & Thonn.) Daniell], un arbuste du Bénin produisant des baies aux propriétés multiples. Plus de 76 applications ont été documentées au Bénin et au Ghana, dans les registres alimentaire, commercial et médicinal. Sur le marché international, la poudre pure de la pulpe de ces fruits vaut 2350 euros le kg. Elle est en particulier demandée par les diabétiques, car elle produit une protéine au fort pouvoir sucrant, la « miraculine », mais n’impactant pas la glycémie. Malgré ce fort potentiel économique, il s’agit actuellement d’une culture orpheline, restant à échelle artisanale : peu de travaux ont été faits pour améliorer l’espèce et amener plus de producteurs à s’engager dans cette filière et de consommateurs à l’utiliser.

Le travail mené dans le projet Biovalor explore la piste de l’utilisation de biostimulants et de stimulateurs des défenses microbiens pour contourner la croissance lente et la fragilité face aux bioagresseurs de la plante, afin de raccourcir le cycle de culture en pépinière.

 

Isoler des bactéries d’intérêt et créer un consortium bactérien pour favoriser la croissance de l’espèce

Les PGPR et PGPE (**) sont des bactéries qui font partie du microbiote de la plante, colonisant respectivement sa rhizosphère (zone de sol sous l’influence des racines vivantes) et ses tissus (racines, feuilles). Elles produisent des phytohormones, favorisent la nutrition (phosphore, fer), entrent en compétition (antibiose, compétition pour l’espace) avec les microorganismes pathogènes. Les effets peuvent être stimulants (production d’hormones, solubilisation du phosphore…) et protecteurs (compétition pour les éléments nutritifs, antagonisme vis-à-vis de certains agents pathogènes, résistance induite…).

L’idée est alors de les utiliser pour une meilleure croissance de S. dulcificum .

Les premières étapes du travail ont été de caractériser, par de approches de séquençage haut débit suivies d’analyse bioinformatiques et statistiques, la diversité des communautés bactériennes rhizosphériques et endophytes d’un panel d’accessions de S. dulcificum, représentatif des phénotypes existants au Bénin, et d’en comprendre les déterminants. Concernant la rhizosphère, les principaux phyla bactériens présents dans cet environnement sont des Actinobacteriota, Proteobacteria, Firmicutes et Chloroflexi, dont les abondances relatives varient selon les accessions de S. dulcificum et leur habitat (jardins de case ou champs). Les expériences, conduites sur plus de 87 sols différents, ont mis en évidence que les paramètres physico-chimiques de ces sols sont les principaux facteurs déterminants de la diversité des communautés bactériennes rhizosphériques associées à S. dulcificum ; le climat, le type d’habitat et le phénotype des plantes ayant moins d’influence. Concernant les communautés endophytes, leur diversité est plus importante dans les racines (avec 5 phyla dominants), en comparaison à celle des feuilles (avec principalement la présence de Proteobacteria).

En parallèle à ces approches, une collection de 451 isolats bactériens, provenant de la rhizosphère, des racines et des feuilles de S. dulcificum , a été construite. L’originalité de la démarche engagée est d’aboutir à la mise au point d’un inoculum bactérien composé de plusieurs souches d’intérêt, dont les relations sont synergiques entre elles (création de réseau de corrélation), tout en s’affranchissant de la phase de caractérisation phénotypique initiale des isolats un à un. Cette méthode innovante permettra de limiter le temps de manipulation et d’évaluer les performances du consortium microbien, en tenant compte des interactions entre souches constitutives et de leurs fonctions d’intérêt.

Des tests en phytotron, sur une durée de près de 6 mois, seront menés à partir de graines semées en terre et inoculées par le consortium bactérien mis au point, afin d’évaluer son effet sur la croissance juvénile de S. dulcificum, mais aussi sur la diversité de la microflore tellurique indigène et l’expression de gènes chez les plantes inoculées.

En parallèle, le même genre de test sera réalisé, en conditions réelles au Bénin, à partir de culture de jeunes plants de S. dulcificum conduits sous ombrière.

 

Contacts :

Rabiath Adigoun, doctorante, Université d’Abomey Calavi et Université de Lorraine, rabiath.adigoun@univ-lorraine.fr

Anta Dioume, Master 2 Biologie Intégrative et Changement Globaux, Université d’Orléans, anta.dioume@etu.univ-orleans.fr

Emile Benizri (Professeur, emile.benizri@univ-lorraine.fr ) et Alexis Durand (Maître de conférences, alexis.durand@univ-lorraine.fr ), Université de Lorraine.

 

Références :

RABIATH F.R. ADIGOUN, ALEXIS DURAND, DÈDÉOU A. TCHOKPONHOUÉ, ENOCH G. ACHIGAN-DAKO, HERVÉ N.S. AHOLOUKPÈ, AIMÉ H. BOKONON-GANTA, EMILE BENIZRI. 2024. Drivers of the Sisrè berry plant [Synsepalum dulcificum (Schumach & Thonn.) Daniell] rhizosphere bacterial communities in Benin. Science of the Total Environment, 938, 173550. doi.org/10.1016/j.scitotenv.2024.173550

 

(*) Le projet Biovalor vise à accompagner le développement de plusieurs productions importantes d’un point de vue économique au Bénin. Il rassemble 3 universités (Abomey Calavi –Bénin-, l’Université de Lorraine, l’Institut Agro Montpellier ainsi que le Cirad) pour 5 années (2022-2026).

(**) Les bactéries rhizosphériques promotrices de la croissance des plantes (Plant Growth Promoting Rhizobacteria) sont nommées PGPR, tandis que les bactéries endophytes (colonisant les tissus de la plante) promotrices de la croissance des plantes (Plant Growth Promoting Endophyte) sont appelées PGPE.