Entre droit international public, droits européens, droit des collectivités territoriales, droit et contentieux administratifs, les doctorants ont creusé des pistes diverses et ont également fait le choix d’intégrer des retours d’expériences de terrain, fait assez rare pour être souligné, mais il faut remarquer que le sujet s’y prêtait particulièrement.
La journée s’est ainsi décomposée en deux grands temps : en premier lieu avec une découverte de la prise en compte du handicap en droit public mais aussi par le droit public et, en second lieu, avec une étude de la protection que ce dernier offre aux individus en situation de handicap. Ce fil directeur va également guider ces propos conclusifs pour synthétiser le rôle croissant du droit public – mais aussi ses notables insuffisances - lorsqu’il s’agit de gérer le handicap, pris dans son acception la plus large. Aborder le handicap, c’est d’abord s’intéresser à la notion saisie par le droit public.
Au carrefour des approches théoriques médicale et sociale, la définition nationale née de la loi de 2005 entre quelque peu en dissonance avec la conception internationale, plus ouverte sur les droits de l’homme et tirée de la Convention des Nations-Unies de 2006, que la France a pourtant ratifiée... Si l’Union européenne ne s’est pas risquée à définir la notion de handicap, sa jurisprudence a d’abord développé une conception du travailleur handicapé sur le marché européen de l’emploi avant d’opter pour une approche plus sociale que l’Union, dans le cadre de sa compétence d’appui en la matière, mobilise à travers des programmes et actions à destination des États membres. Réfléchir à la question du handicap renvoie ensuite à l’impératif constitutionnel d’égalité, et surtout d’égalité d’accès à l’espace public mais aussi aux divers services publics, une garantie fermement affirmée et défendue tant par les textes que par la jurisprudence et directement liée au droit à la non-discrimination.
Toutefois, il a pu être démontré que l’effectivité du principe d’égalité trouve encore de larges limites : l’accessibilité universelle demeure un objectif que l’état actuel du droit ne permet nullement d’atteindre. Ainsi, pour les individus en situation de handicap, aller et venir librement dans la cité grâce à des aménagements raisonnables, accéder aux services publics numériques, notamment aux démarches essentielles ou encore, pour les enfants, faire respecter leur droit à la scolarisation, peuvent constituer de véritables luttes en dépit de la multiplication des outils juridiques mobilisables.
S’intéresser au handicap, c’est également étudier son degré de protection ainsi que les organismes chargés de permettre une inclusivité effective. Du côté de la protection offerte par le droit international public, la focale a été portée sur deux échelles différentes avec un regard comparatiste : le droit de l’Union africaine et les systèmes interrégionaux des droits de l’homme. Les deux approches révèlent un écueil similaire. Si le droit de l’Union africaine paraît vouloir octroyer, par nombre de textes, une protection réelle aux personnes en situation de handicap, force est de constater que, dans la pratique, l’absence d’interprétation dynamique et constructive de la part de la jurisprudence associée à des obstacles à la fois conjoncturels et culturels entraîne une effectivité particulièrement disparate des normes entre les États de l’Union. De la même manière, les systèmes interrégionaux des droits de l’homme – en Afrique, en Amérique et en Europe – semblent s’appuyer sur une notion de vulnérabilité spéciale que les Cours interprètent toutefois différemment, ce qui entraîne d’inévitables disparités en termes de reconnaissance et de réparation des atteintes aux droits des personnes en situation de handicap.
Enfin, la question des acteurs se révèle déterminante quant à l’effectivité des droits et garanties dont bénéficient les personnes en situations de handicap et, là encore, des échelles d’observations diverses ont été proposées : acteurs locaux avec les dispositifs départementaux instaurés depuis 2005 à l’image des MDPH, acteurs sectoriels avec la mission handicap et la médecine universitaire et acteurs à visée nationale déployés au sein des territoires grâce au Défenseur des droits et à ses délégués départementaux dont les actions concrètes, notamment par la voie de médiations, se multiplient.
En conséquence, le handicap demeure une notion aux contours encore à préciser en droit public malgré des marques d’intérêt croissantes, texte après texte, à tous niveaux normatifs. Si le droit public offre ainsi certains mécanismes protecteurs indiscutables, il n’en demeure pas moins que la problématique de l’accès universel reste irrésolue, que les garanties juridiques pourraient être étendues, à l’international comme en France et que, malgré des acteurs largement mobilisés et des actions en progression, la voie paraît encore longue pour parvenir à un modèle de non- discrimination idéal. L’une des causes, en toile de fond, reste l’aspect financier. Mener une politique publique d’inclusion et garantir l’absence de discrimination représente un coût important et un poste budgétaire conséquent que les États peinent à satisfaire pleinement.
Toutefois, en rappelant l’éminent intérêt de ce sujet au sein de notre société, les doctorants ont contribué, grâce à cette journée d’études, à esquisser des pistes de réflexion qui, au-delà de faire avancer la recherche sur le sujet, feront, faut-il l’espérer, également avancer les choses !