Résidence d'auteur ARIEL : Interview de deux jeunes réalisateurs-monteurs de talent

 
Publié le 22/10/2023 - Mis à jour le 23/10/2023
Victoire Noë et Cédric Fuhrer

Interview de Victoire Noë et Cédric Fuhrer (Log Studio) réalisée le vendredi 13 octobre 2023

Animation et Transcription : Céline Sabiron, avec relecture par Victoire Noë et Cédric Fuhrer

La vidéo réalisée par Victoire et Cédric

C'est par un bel après-midi automnal sur le campus Lettres et Sciences Humaines (LSH) de Nancy que je me suis réunie avec Victoire Noë et Cédric Fuhrer, réalisateurs et monteurs d'une très belle vidéo qui, en 5 minutes, retrace quelques moments forts de la résidence de l'auteure nord-irlandaise Jan Carson (2022-2023).

Céline Sabiron: Victoire et Cédric, est-ce que je peux vous demander de vous présenter ?

Victoire Noë : Je suis actuellement en dernière année de Master Bilangue-Biculture option ‘Culture et Tourisme’ à l’Université de Lorraine et j’ai été beaucoup investie dans la résidence ARIEL en tant que monteuse du podcast mais aussi en tant qu’interprète et chargée de communication sur plusieurs événements lors de la résidence de Jan Carson.

Cédric Fuhrer : je suis co-créateur de Log Studio, mon entreprise d’audiovisuel (photos, vidéos et drones) et j’ai participé à la captation d’événements lors de la résidence ARIEL de Jan Carson en tant que bénévole. Je suis un ancien étudiant de l’Université de Lorraine puisque j’ai fait un DUT à St Dié en Multimédia et en Internet où j’étais plus concentré sur la partie vidéo que le reste d’ailleurs ! (Je peux le dire quelques années après)

[Rires de part et d'autre]

Céline Sabiron : On ne vous en veut pas Cédric, vu le résultat que vous avez produit ! [Rires] Vous êtes donc tous les deux très complémentaires avec pour vous Cédric, le regard du professionnel qui a des compétences techniques poussées et le regard de Victoire forcément plus naïf qui apporte aussi quelque chose par sa spontanéité et sa fraîcheur. Comment vous est venue l’idée de suivre Jan lors de ses événements hors campus et de faire ce qu’on pourrait appeler un ‘after-movie’ même si c’est un peu plus étoffé que cela ?

Victoire Noë : je n’avais pas d’idée précise de ce que je voulais faire mais je savais que je voulais faire une vidéo pour enrichir encore plus le contenu, surtout pour la chaîne YouTube ARIEL sous-utilisée même si c’était pourtant une excellente manière de promouvoir les activités de la résidence. Beaucoup de choses se passent à l’écrit, comme la traduction, la communication sur le blog, les articles de presse. Je voulais proposer un autre support comme nous sommes incités à le faire lorsque des étudiants font des dessins, des cartes, des performances. Moi, j’adore la vidéo et j’avais envie de contribuer dans ce domaine.

J'avais alors envie d’une vidéo courte qui change des vidéos un peu plus longues que les gens ne vont pas forcément regarder, faute de temps. Je voulais une vidéo esthétique et dynamique qui soit un peu une synthèse des événements ARIEL. Surtout, je voulais qu’elle mette en avant tous les participants, les intervenants, tant sur le plan des organisateurs comme vous et Mme Schmidt, que sur le plan des participants bénévoles, des étudiants qui accompagnent l’auteur, mais aussi des stagiaires ARIEL comme Doriane et Pauline l’an dernier, Léonore et Hind cette année pour l’auteure germanophone et russophone Slata Roschal.

Céline Sabiron : Et comment s’est ensuite réparti le travail entre vous ?

Cédric Fuhrer :  je pense qu'on peut dire que Victoire a été plutôt réalisatrice et moi davantage cameraman dans ce projet.

Victoire Noë : disons que je donnais les ordres et j'avais la vision de ce que je voulais réaliser et toi Cédric, tu me suivais tout en me conseillant aussi pour m'éviter des écueils, notamment au niveau technique.

Cédric Fuhrer : oui et parfois je suivais aussi mes propres idées. Je prends l’exemple du Jardin Botanique Jean-Marie Pelt de Villers-lès-Nancy où j’avais été très inspiré par le lieu, la lumière, le cadre, la neige.

Victoire Noë : Je tiens aussi à préciser que, certes j’avais une vision et des idées, mais le projet permettait aussi de mettre à profit les compétences de Cédric pour qu’ils puissent ensuite les transposer pour ses autres projets professionnels.

Céline Sabiron : D’ailleurs, avec quel matériel avez-vous travaillé ?

Cédric Fuhrer : Alors les modèles précis sont un Canon 5D Marque 3 et un Panasonic Lumix S1. Ce sont des appareils certes onéreux mais fiables à différentes échelles, l'un plus que l'autre. Le Canon date du début de ma passion pour la vidéo, donc il a un peu vécu. Le second est plus simple à utiliser et plus récent.

Victoire Noë : Tu peux peut-être aussi préciser que tu es très content d'avoir ton S5 car le S1 avait de gros problèmes de mise au point. C’est un vrai problème pour des événements courts où on n'a pas le temps de devoir régler des problèmes techniques du genre le focus qui ne se fait pas et la prise reste floue.  

Céline Sabiron : Qu’est-ce que vous avez le plus aimé et qu’est-ce que vous avez appris en faisant cette vidéo ?

Cédric Fuhrer : Je dirais que c'est de mettre en application des techniques que je testais déjà dans mes projets professionnels, mais que là je pouvais essayer de manière plus détendue, avec un peu moins de pression.  Et sur un tout autre sujet, j’avais parfois une oreille attentive par rapport au sujet de Jan Carson et j’ai été content de découvrir cette auteure et sa culture nord-irlandaise vu que je suis loin du côté littéraire, ça fait un moment que je me suis éloigné de ça.

Céline Sabiron : Est-ce qu’il y a eu des difficultés particulières, je pense à des problèmes techniques, à l’exiguïté des lieux, vous en avez parlé dans le podcast.

Cédric Fuhrer : La vidéo est une continuelle source de problèmes. Dès qu'il y a du matériel à utiliser, c'est compliqué.

Victoire Noë : De toute façon, c'est avant, pendant et après. Même au montage.

Cédric Fuhrer : Et après, ça peut être les personnes aussi lors du tournage.

Céline Sabiron :  Alors cette passion pour la vidéo Cédric, vous l’avez depuis très jeune, grâce notamment à un professeur, M. De Pin qui vous a transmis cette passion, mais vous Victoire, vous êtes étudiante de langues. Alors comment on arrive à faire de la vidéo et de l’audio ? Comment on acquiert ces compétences si ce n’est pas en les étudiant ?

Victoire Noë: Comme quand on a envie de se lancer dans le dessin ou dans la cuisine. On lit, on regarde des vidéos , on apprend. On apprend de ses erreurs, beaucoup, même encore maintenant. Beaucoup travailler, tester plein de choses. Il faut avoir l’envie et la motivation, être passionnée même quand ça ne marche pas, quand on fait des erreurs, quand on se trompe, continuer. Mais ça c’est comme pour tout. Et ne pas avoir peur de se lancer dans des choses. Et ne pas hésiter à se renseigner, à s’informer, regarder des tutos sur internet.

Cédric Fuhrer : Oui absolument, je ne pourrai pas le dire plus fort que cela, mais il y a des milliards de tutos sur internet.

Céline Sabiron : Après, c’est la question de trouver les bonnes ressources. Où va-t-on pour trouver ces bonnes ressources ? Avez-vous des conseils ?

Cédric Fuhrer : Moi je dirais ‘Openclassroom’. Il y a une époque je l’utilisais beaucoup. Après j’avoue que ça fait très longtemps que je n’y suis pas allé. Sinon YouTube a aussi pleins de ressources et ça aide de parler anglais. Beaucoup de ressources sont en anglais. Et il ne faut pas se bloquer parce qu’on n'a pas le matériel. On peut tous filmer avec le matériel qu’on a. 

Victoire Noë : Parfois on ne sait même pas que certaines vidéos ont été filmées avec un téléphone, la qualité étant tellement exceptionnelle.

Cédric Fuhrer : Oui, et il y a des outils de montage en ligne, ou des outils dans les smartphones intégrés.

Victoire Noë : Oui, je me souviens du caméscope de mon grand-père avec lequel je testais plein de choses. Moi je prends des choses autour de moi. Les gens ont des outils : j’ai tendance à prendre et à tester. Donc il y a eu les caméscopes, les PC, les téléphones. En ce moment, j’adore faire des ‘reel’ sur Insta avec l’appareil photo mais aussi le téléphone. Pour les Nocturnes Etudiantes ‘Le Museum Trip’ organisé par le CFA et en 2020 en raison du COVID l’événement a été annulé et à la place j’avais participé avec un ami à la  vidéo ‘une visite insolite du Museum Aquarium’. On devait faire quelque chose sur le thème loufoque. Tout a été fait avec un PC et un téléphone sans autre matériel qu’un petit enregistreur branché sur le téléphone pour la prise son micro.

Cédric Fuhrer : L’art de faire des vidéos peut venir, mais en se formant. Ça prend beaucoup de temps, des années, beaucoup d'énergie. Il faut aussi beaucoup de volonté. Une bonne vidéo sera toujours distancée par une très bonne vidéo qui aura un autre rythme, le montage, la qualité de prise de vues, la diversité des angles, le matériel (différentes focales, diversité de plans, de couleurs). C’est ça ce qu’un professionnel apporte, en plus d’un autre regard, de temps consacré à la vidéo. Ça prend énormément de temps. La vidéo est chronophage, une vidéo de 15 secondes peut prendre 40 heures de montage.

Victoire Noë : La vidéo de 5 minutes m’a pris une semaine à monter et j’ai travaillé presque jour et nuit dessus. Ça a été long. Il y avait des journées où j'avais cours, cours, donc je faisais ça l'après-midi et ça pouvait durer jusqu'à minuit, cours, et le week-end, du matin jusqu'au soir, j'étais dessus. Et on parle d'une vidéo de 5 minutes. Quand on a fait le travail pour l'activité intégratrice. Ça nous a pris 3 mois de montage, avec 6 mois au préalable pour la scénarisation et la mise en scène. Et ce n'est pas comme si c'était la première fois qu'on faisait de la vidéo ou du montage.

Céline Sabiron : C’est énorme en effet et c’est vraiment essentiel de le rappeler. Et comment on développe ce côté créatif ?

Cédric Fuhrer : C'est en étant curieux, en observant, en regardant beaucoup de vidéos, en analysant tout ce qu'on regarde, en n’ayant pas une attitude passive en visionnant tous ces contenus vidéos. C’est une déformation professionnelle pour moi, mais j’ai toujours l’œil critique à décortiquer chaque plan que je vois. Ce n'est plus possible de trouver une idée qui n'a jamais été faite nulle part. Par contre on peut aussi s’inspirer d’autres médias, comme la photo, très proche de la vidéo car c’est 24-25 photos par seconde.

Céline Sabiron : et qu’est-ce qui va vous a donné envie de rejoindre ce projet Cédric ? Était-ce mettre en avant votre travail professionnel ?

Cédric Fuhrer : c'était avant tout pour renouer avec ma passion. Je n'ai pas tant l'occasion de faire de projets passion. L’été, j'ai des courts métrages que je fais chaque année avec des amis et là c'est 100% passion. On a d’ailleurs eu un prix en 2019 avec une diffusion de notre court-métrage au festival du film fantastique de Gérardmer. Nous avions 24h pour réaliser un court métrage et c'est vraiment ce genre de projets qu'il faut faire à côté pour avoir de nouvelles idées et pour garder la flamme.

Victoire Noë : Oui et puis ça permet de tester autre chose. Le cinéma n’a rien à voir avec l’after-movie étoffé qu’on a pu faire là (car c’est vraiment ça, c’est une rétrospective de la résidence) ou des vidéos d’entreprise ou YouTube. L’approche technique est totalement différente à chaque fois.

Céline Sabiron : Est-ce que ça a changé quelque chose dans votre rapport à l'auteure ? Le fait de la suivre sur plusieurs événements ?

Victoire Noë : J'ai adoré cette résidence car j'ai eu un partage très riche et plus intime avec Jan Carson. Ça a été au-delà du bénévolat et du côté universitaire. Jan est devenue presque une amie. Toutes ces heures à discuter dans le train, lors d'un déjeuner, par exemple à Saint-Dié après l'événement à débriefer ce qui s’était passé, forcément ça crée des liens forts. Nous avons beaucoup échangé aussi sur ce qu’on voulait faire avec ces tournages car elle vit de ses ateliers d’écriture et nous voulions respecter cela. Moi je voulais la mettre en avant sans lui voler son travail, sans divulguer quoi que ce soit.

Cédric Fuhrer : Jan a été très ouverte car certaines personnes auraient refusé que nous filmions quoi que ce soit, qu’on ne montre même pas des bribes de ce qu’ils proposent. C’est dommage, cela leur cause du tort car il est impossible de leur faire de la publicité.

Victoire Noë : Oui et elle a une histoire très riche, venant d’Irlande du Nord avec ce passé sanglant, la période des Troubles. On ressent cela à travers son travail. Moi qui n’avais pas lu ses œuvres avant qu’elle n’arrive, j’ai beaucoup aimé échanger avec elle et comprendre ce qui a suscité ses histoires, la passion qu’elle a voulu exprimer, la raison de ses choix. Du coup j’apprécie son travail que j’ai lu maintenant d’une autre manière.

Céline Sabiron : Est-ce que ce projet vous a donné des envies particulières ?

Cédric Fuhrer : Chaque projet qui implique de la vidéo me botte. Ça nous a donné envie  de refaire une vidéo pour Slata Roschal, la nouvelle auteure ARIEL.

Victoire Noë : Je tiens quand même à préciser qu’on le fait avec plaisir mais travailler avec des universités est compliqué car les budgets sont limités (c’est le cas dans le public en général). Là on fait cela en tant que bénévoles mais on ne peut pas faire que cela, notamment Cédric qui doit faire vivre Log Studio aussi. Là la vidéo que j’ai faite, avec du matériel de professionnel, un logiciel de professionnel, je pense que ça coûterait assez cher. A cela il faut compter le nombre d’heures passées à faire la réalisation, le montage, etc...

Cédric Fuhrer : C'est difficile à dire parce que dès qu'il y a des déplacements, forcément il y a coût (déplacement du matériel, mobilisation de 2-3 vidéastes) et là on est intervenu sur 6 lieux différents.

Victoire Noë : Ce qui est génial quand même c’est que les frais de déplacement ont été pris en charge pour nous deux. Les fonds sont limités pour le projet et c’est une limite pour ARIEL qui pourrait faire plus de choses de ce genre avec plus de financements.

Céline Sabiron : C’est sûr, le budget ARIEL est de 18 000 euros par an mais une grande partie (les 3/ 4) sert à payer les droits d’auteur et le logement. Il reste très peu d’argent pour l’achat de matériel, la rémunération des stagiaires, les frais de service de podcasts etc. Et on ne pourrait jamais faire tout ce qui est fait autour de la résidence sans le dévouement presque sans limite de personnes comme vous deux Cédric et Victoire qui donnez de votre temps et mettez vos compétences au service de la résidence. C’est vraiment essentiel de le rappeler. Sans ce don que vous faites, tout comme tous les bénévoles qui s’impliquent pour ARIEL, il n’y aurait pas la résidence qu’on a aujourd’hui.

Victoire Noë : Oui, mais c'est ça aussi que je trouve génial dans ARIEL, c'est que c'est du donnant-donnant, ce projet. Il nous permet de nous inclure, de réaliser des choses, de mettre à profit nos compétences. On apporte des choses pour faire évoluer cette résidence. Quand on voit le début, comment ça a été élaboré, les différents évènements, et quand on voit la manière dont la résidence s’est développée, on est fiers du chemin parcouru ensemble. C'est un apport mutuel et c’est ça que j'adore dans le côté créatif. C'est tellement valorisant des deux côtés. C’est ça qui fait toute la richesse d'un investissement dans un projet comme ça.

Céline Sabiron : Si on veut vous écrire pour vous féliciter de votre vidéo, pour vous demander conseil ou pour commander une prestation à Log Studio, où peut-on vous contacter ?

Victoire Noë: Comme je ne suis pas professionnelle, ce sera sur mes réseaux sociaux personnels donc LinkedIn et Instagram, c’est là que je suis la plus active. Durant mon stage à Wesserlin, j’ai fait des reels sur les nocturnes et d’autres vont sortir. C’est possible aussi sur Facebook même si je suis beaucoup moins active.

Cédric Fuhrer: On peut retrouver Log Studio sur les mêmes réseaux : LinkedIn ; Instagram ; Facebook. Nous avons aussi un nouveau site qui est sorti il y a quelques semaines.

Céline Sabiron : Merci à vous deux de votre temps et merci d’avoir fait ce projet avec autant de passion et de compétences. Au plaisir de vous revoir et bonne continuation à vous deux. J’espère que cette réalisation pour ARIEL vous apportera de très beaux projets audiovisuels. Nous avons déjà hâte de voir votre prochain travail sur la résidence de Slata Roschal. 

Rappel du lien de la vidéo after-movie ARIEL

Retour sur la Résidence ARIEL 2022-2023