Interview de Nathalie Sevilla, nouvelle directrice de l'INSPÉ de Lorraine
Après plus de 12 ans passés à la tête de l'INSPÉ de Lorraine, Fabien Schneider passe le relais à la nouvelle directrice de l'INSPÉ de Lorraine, Nathalie Sevilla, nommée depuis le 1er avril 2023. Factuel est allé à sa rencontre en trois questions.
Pouvez-vous présenter l'INSPÉ de Lorraine en quelques mots ?
Nathalie Sevilla : L'Institut National Supérieur du Professorat et de l'Éducation est une composante de l'Université de Lorraine qui forme chaque année plus de 2.300 étudiants (dont 10% en reprise d'études) sur 5 campus (Bar-le-Duc, Épinal, Metz-Montigny, Nancy-Maxéville, Sarreguemines, ainsi que sur plusieurs campus de l'Université pour les parcours MEEF 2nd degré) aux métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation, notamment dans 4 mentions et près de 30 parcours de master MEEF.
Il forme donc les futurs enseignants et aussi toute personne se destinant à d’autres métiers de l’éducation et de la formation ou qui souhaite développer des compétences dans le domaine de l’enseignement, de l’éducation et de la formation. L’INSPÉ de Lorraine contribue par ailleurs à la formation continue de tous ces personnels (formation certifiante, formation diplômante...) et propose une offre de développement professionnel (Maison pour la science, IREM...). Il développe de plus un programme interne de formation spécifique aux formateurs intervenant à l’INSPÉ. Il participe avec ses partenaires à la formation des doctorants et des enseignants de l’Université de Lorraine. L’INSPÉ a aussi une mission de recherche disciplinaire et pédagogique. Il développe enfin des actions de coopération internationale en éducation (près de 200 étudiants lorrains en master MEEF partent chaque année en stage à l’étranger).
Au plan national, les INSPÉ portent le projet de formation national des enseignants et des personnels de l’éducation. Ils résultent des réformes successives des lois d’orientations pour l’École qui ont transformé les IUFM en ESPÉ puis INSPÉ, et ont mastérisé la formation des enseignants. Les instituts sont accrédités par les ministères de l’Enseignement supérieur et de l’Éducation nationale. Selon le Code de l’éducation, leur mission est de garantir une formation universitaire et professionnelle de qualité portée par l'ensemble des acteurs de l'académie-université associés au projet de l'INSPÉ. En Lorraine, la période 2013-2022 a été un temps d’installation de l’ESPÉ - INSPÉ au sein de l’université : en tant que composante à laquelle sont rattachés l’IREM et la Maison pour la Science, et en tant que « INSPÉ-projet». C’est-à-dire que l’institut collabore étroitement, d’une part avec les autres composantes de formation et les unités de recherche, structurées en collegiums et pôles scientifiques, et d’autre part, avec les partenaires académiques, l’Inspection, l’École académique de formation continue (EAFC) et les directions départementales de l’Éducation nationale (DSDEN).
Comme les 33 instituts répartis sur le territoire français, l’INSPÉ de Lorraine assure la formation initiale, continuée et continue des enseignants et personnels d’éducation. L’accréditation confère à l’Université l’habilitation à délivrer le diplôme de Master MEEF. Les mentions 1er degré, 2d degré (22 parcours) et encadrement éducatif forment les futurs professeurs des écoles, collèges et lycées ainsi que les CPE, tout en les préparant aux concours afférents. Il revient à l’Institut, en continuité, de former les lauréats de concours, par un DU « Entrée dans le métier » pour les lauréats non issus du MEEF, et en fort partenariat avec l’EAFC pour les lauréats issus du MEEF ou ayant une expérience professionnelle significative. La dernière mention « pratique et ingénierie de la formation » propose cinq parcours de développement professionnel en lien avec des problématiques éducatives contemporaines. L’INSPÉ de Lorraine pilote ainsi des formations continues diplômantes auxquelles s’ajoutent des formations certifiantes des personnels enseignants en poste mais aussi des personnels de l’Université. Toutes les formations sont mises en œuvre par des équipes pluri catégorielles.
L’INSPÉ participe en collaboration avec les laboratoires à la production de savoirs scientifiques dans le domaine de l’éducation. Les pôles CLCS, LLECT et AM2I portent en grande partie la recherche en éducation en Lorraine. Par ses enseignants-chercheurs, l’INSPÉ s’engage dans de nombreux projets nationaux et internationaux : coordination des projets Lieux d’éducation associés (LéA) en partenariat avec l’IFÉ, contractualisations dans les PIA, développement de projets interdisciplinaires au sein du GIS Éducation et formation Grand-Est, structure fédérative, contribution aux projets du Réseau national des INSPÉ.
Quel a été le parcours qui vous a conduit ici ?
N.S : J’ai débuté ma carrière comme professeure d’éducation physique et sportive dans l’académie de Lille. Néotitulaire, j’ai saisi l’opportunité de m’impliquer dans deux projets de recherche-action contractualisés sur trois ans et piloté par l’INRP - ce sont les LéA d’aujourd’hui-. J’ai ainsi bénéficié d’une formation continuée pour examiner avec un regard scientifique des objets professionnels. Agrégée, j’ai été recrutée à l’Université de Paris-Descartes pour assurer la formation aux épreuves du CAPEPS, notamment l’épreuve d’histoire-sociologie. Dans le même temps, j’ai soutenu ma thèse à l’IEP de Paris et intégré l’IUFM de Lorraine en 2006 en tant que maîtresse de conférences en STAPS. Responsable du parcours enseignement EPS sur le campus messin, puis de la formation transversale commune aux parcours du 2d degré, j’ai contribué aux deux temps forts de la masterisation de la formation initiale. J’ai accepté en 2013, au moment de la création de l’ESPÉ de Lorraine, la fonction de directrice adjointe avec la responsabilité du pôle 2d degré, fonction dans laquelle j’ai été reconduite avec celle de l’INSPÉ. J’ai donc été pleinement engagée dans le développement du projet INSPÉ. Membre du CRULH, mes activités de recherche relèvent de l’histoire politique et culturelle du XXème siècle. Elles ont été orientées dans deux directions : les ligues en lien avec l’éducation, au niveau national et international, et plus généralement l’étude des associations et structures d’encadrement de la jeunesse dont les structures sportives. J’essaie d’exercer mon regard d’historienne pour avoir une approche plus distanciée de l’ensemble des réformes. Mes travaux en recherche se réorientent actuellement vers ce sujet.
Quels sont vos projets pour l'INSPÉ ?
N.S : La question est comment s’y prend-on pour former aux mieux les futurs enseignants. C’est la mission des INSPÉ. En tant que cheffe du projet de formation des enseignants pour l’Université de Lorraine, il me semble que des orientations fortes préexistantes sont à développer et à stabiliser, dans le temps plus apaisé de l’après-réforme.
L’INSPÉ a fait le choix dans le cadre de la loi d’orientation de 2019 de bâtir, en appui sur les travaux de recherche, une formation en alternance intégrative qui associe approche par compétences et pédagogie de l’intégration. Maquettes de formation et d’évaluation ont été construites conjointement en regard des compétences attendues des référentiels master et métier avec l’objectif de former des étudiants aptes à entrer dans la complexité du métier. La transformation initiée nécessite maintenant une phase d’appropriation plus qualitative dans un processus d’amélioration continue pour gagner en efficience et stabilisation. Notre expérience en ce domaine peut être mise à disposition.
Nombre de rapports ministériels préconisent que la formation des enseignants se conçoive sur une temporalité étendue : d’une préformation dès l’entrée en licence à une préprofessionnalisation en master pour se prolonger en formation continuée et continue. Le projet du continuum est d’apporter du sens, une progressivité à des parcours optionnels d’enseignement-éducation en licence, et plus largement d’alléger la charge de travail étudiant forte sur le master, sécuriser les orientations choisies, ouvrir la diversité des profils dans le métier, donner du temps au dialogue des savoirs. De nombreux jalons préexistent. C’est collectivement au sein de l’Université et avec le Rectorat que l’articulation d’un amont propédeutique au master, lisible et appétent, peut se construire. Par ailleurs, les réformes ayant fragilisé l’attractivité des voies professionnelles et technologiques, une attention particulière est requise pour sécuriser ces publics.
L’implication dans les projets de recherche en éducation est un enjeu fort, un autre enjeu est celui de renforcer les liens entre recherche, formation et pratique professionnelle. L’INSPÉ a assurément un rôle d’interface, de passeur, à jouer, probablement à réfléchir à plusieurs niveaux : faciliter la mise en place de projets collaboratifs et de transpositions (innovation, expérimentation), organiser le transfert et la circulation des résultats de la recherche comme outils pour réinventer nos pratiques de formateurs dans une perspective du développement professionnel continu, mais aussi comme outils pour former les enseignants à choisir, concevoir, analyser et évaluer leurs actions. Des dispositifs de formation innovantes, nous en avons déjà en Lorraine (formation continuée des enseignants, en Sciences et en Mathématiques, DU allemand, …) sont à développer.
Avant de conclure, peut-être un dernier mot sur le positionnement structurel de l’INSPÉ, qui est par essence un système complexe défini par les articles du Code de l’éducation, notamment par son fonctionnement en Projet- INSPÉ, et qui peut engager à une évolution du pilotage. L’ensemble des missions des INSPÉ, qui ne peuvent pas toutes être décrites ici, a trouvé sa déclinaison en Lorraine. Les missions se poursuivent dans les projets en cours et à venir, dont je devrais être maintenant la garante. C’est une belle et lourde responsabilité.
Crédits photos : Julien Drapier, service communication & culture INSPÉ de Lorraine (Université de Lorraine), tous droits réservés