Le 14 décembre 2022, les étudiants du master 2 Veille stratégique et Organisations des connaissances (VSOC) ont assisté à l’intervention de Michael Henry, sur le thème de la désinformation. Par une approche sociohistorique de la désinformation, l’occasion s’est présentée de prendre connaissance des enjeux que pose celle-ci, et pour comprendre ce phénomène un retour en arrière s’impose.
L'histoire est une suite de mensonges sur lesquels on est d'accord.
Napoléon Bonaparte
Les fausses nouvelles ont toujours fait partis de l’histoire, « elles étaient associées à la propagande, notamment lors de conflits, ou à la rumeur[1] ». Le sociologue Edgar Morin s’est notamment penché sur ce phénomène dans son ouvrage La rumeur d’Orléans en 1969.
Michael Henry nous propose de réfléchir sur la genèse de la désinformation
La désinformation est un incontournable de notre époque ; il s'agit d'un discours particulier qui porte sur la réalité, récit alternatif intentionnel ou non et qui peut même à certains égards transformer ladite réalité.
Ce dernier aborde différents concepts et auteurs clés, permettant de décrire et comprendre les ressorts de la désinformation. Auguste Conte, Alexis de Tocqueville ou encore Max Weber, ces penseurs nous amènent à réfléchir sur la genèse de la désinformation eu égard au système de valeurs d’une société et à la manière d’exprimer une information.
Pour revenir à notre époque, les réseaux sociaux contribuent à modifier la manière de diffuser des fausses nouvelles et des éléments de désinformation. Aussi, les dimensions qui englobent les réseaux sociaux, à savoir la modération et la régulation des contenus, mais aussi la gouvernance appliquée, tendent à modifier les comportements. Prenons l’exemple de Twitter, dont Elon Musk a récemment fait l’acquisition, instaurant par la même occasion une nouvelle gouvernance. Dans une optique de société ouverte que prône la démocratie, dans laquelle la liberté d’expression - bien qu’elle soit encadrée par la loi - est une valeur inhérente, les réseaux sociaux bousculent la conception même de démocratie. Twitter porte un modèle voulu comme démocratique, mais on assiste à la mise en place d’un recueil d’opinions basé sur l’appartenance plutôt que sur la réflexion, sans oublier une tendance à la polarisation oui/non, pour/contre, web démocratique quand tu nous tiens…
Aussi, une nouvelle gouvernance implique un changement dans la modération des contenus, ce qui était possible de dire n’est plus la même aujourd’hui qu’auparavant, et vice et versa. Le phénomène des fakes news n’en démord pas, cela fait écho à la manière dont est perçu un contenu et de quelle manière l’individu réagit face à cela. En somme, tant de sujets et de problématiques que le master VSOC traite et approfondit.
Des compétences clé développées dans le Master VSOC pour lutter contre la désinformation
Les compétences et les connaissances acquises au sein du Master VSOC permettent de déceler et de comprendre les ressorts complexes de la désinformation. A l’aune d’une époque où les réseaux sociaux - et le numérique plus largement - tendent à occuper une place prépondérante dans nos sociétés, il est intéressant de détenir les clés de compréhension de la circulation de l'information. Ainsi, notre formation en veille stratégique permet de comprendre cet environnement et y déceler le vrai du faux afin de mener à bien tous types de projets, d’autant que certaines institutions ont des attentes particulières à ce sujet. Un exemple très concret démontrant la pertinence de ce genre de compétences, lors de la crise sanitaire, le philosophe des Sciences Etienne Klein[2] avançait l’idée selon laquelle deux temporalités se faisaient face. Il évoquait donc le temps de la recherche (répondre à des questions auxquelles on n’a pas la réponse), et le temps de la science (le fait que la connaissance soit établie). Pour faire simple, les médias au sens large (TV, radio, réseaux sociaux) étaient le théâtre de ceux qui apportaient des éléments de réponse à des questions auxquelles la science n'avait pas eu raison, « les médias ont mis la science sous la coupe de l’opinion » pour citer Etienne Klein. D'où la nécessité de la pratique informationnelle visant à mettre à l’épreuve toutes informations nous faisant face, en identifiant la source et en cernant la validité du propos. Ces phénomènes en lien avec la désinformation donnent la perspective d’un large chantier, auquel notre Master peut apporter sa pierre à l’édifice.
Interview de M. Michael Henry, conseiller en affaires publiques
Quel est votre parcours ? Qu'est-ce qui vous a amené à travailler sur la désinformation ?
"Après un cursus universitaire mêlant littérature, linguistique et un soupçon d'info-com, j'ai enseigné quelques années dans le secondaire comme professeur de lettres puis je me suis orienté vers la direction d'établissements scolaires. J'ai également eu l'opportunité de travailler quelques années dans la communication publique auprès de hauts fonctionnaires. Au cours de toutes ces années je me suis spécialisé dans le management et plus particulièrement le management des risques informationnels ainsi que la gestion de crise au sens large.
Je suis actuellement consultant auprès d'organismes étatiques français et frontaliers. Mes interventions de formation et d'accompagnement sont à la croisée de trois domaines : ce qui a trait au langage et à la communication au sein des communautés humaines, ce qui a trait aux questions de défense et de sécurité, ce qui a trait au management et au leadership.
Dans mon activité de consultance, je suis sollicité par les managers publics qui souhaitent être outillés pour comprendre les mécanismes de la désinformation, afin de mieux les prévenir et de les maîtriser."
Loic Bovi et Loan Frackowiak, M2 VSOC
[1] Langlois, Simon & Florian, Sauvageau. "La confiance envers les médias et la désinformation en contexte de pandémie." document en ligne), Centre d’études sur les médias, avril 2021 (2021).
[2] Etienne Klein, 24h Pujadas, LCI, 2 juillet 2020