[DHC 2022] Interview avec Juliet Mitchell, professeure émérite de psychanalyse théorique et d’études sur le genre à l'Université de Cambridge au Royaume-Uni

 
Publié le 3/01/2023 - Mis à jour le 5/01/2023
Juliet Mitchell, DHC de l'Université de Lorraine

Factuel est allé à la rencontre de Juliet Mitchell, professeure émérite de psychanalyse théorique et d’études sur le genre à l'Université de Cambridge au Royaume-Uni, qui se verra remettre les insignes et titre de docteur honoris causa le 23 janvier prochain au CREM à Metz.

Factuel : Quelles sont vos relations avec l'Université de Lorraine et en particulier le CREM ?

Juliet Mitchell : Depuis longtemps j’ai des relations amicales et intellectuelles avec des ami.e.s qui sont en poste à l’UL, particulièrement dans les domaines de la littérature et de l’anthropologie culturelle. Ainsi, en octobre 2006, alors que j’accompagnais à Metz Jack Goody qui recevait lui-même les insignes et le titre de Docteur Honoris Causa, j’ai donné une conférence à l’UFR Arts, Lettres et Langues.

Je suis très séduite par la mise en avant du partage des savoirs comme votre université le promet et le promeut. C’est très important et de plus en plus important ! Cette pluridisciplinarité elle est aussi au cœur du Centre de Recherche sur les Médiations [CREM] et je m’en réjouis car les médiations sont sans cesse à l’œuvre dans les relations humaines – qui est mon domaine de travail au fond. Ce n’est sans doute pas un hasard si les collègues qui ont présenté ma candidature pour ce DHC travaillent aujourd’hui au CREM.

Factuel : Que représente ce Doctorat Honoris Causa pour vous ?

Juliet Mitchell : Comme je viens de le dire, ce DHC ponctue heureusement deux décennies d’échanges tout autant amicaux que scientifiques. Je crois que ce que l’Université de Lorraine a décidé de saluer ici c’est ma grande expérience en études féministes et en gender studies (j’ai fondé le Center of Gender studies de l’université de Cambridge, un centre pluridisciplinaire internationalement réputé, où je continue à enseigner), une expérience que nous allons pouvoir concrétiser maintenant en construisant une véritable coopération institutionnelle sur ces sujets dont l’actualité ne cesse d’être démontrée.

Je suis particulièrement touchée de cet honneur qui vient d’une université française. Je dois avouer que depuis que j’ai six ans et que j’ai découvert que la France était une République (ce que n’est pas l’Angleterre, comme vous le savez), j’ai souhaité devenir une citoyenne française. Ma première activité féministe s’est déroulée en France (j’ai dirigé une manifestation avec Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi) et depuis presque soixante ans, j’habite la moitié de mon temps dans une petite ville du sud de la France. Ce DHC va peut-être me permettre d’aller au bout de ma demande de citoyenneté française !

Factuel : Quels sont vos projets de recherche, et en particulier ceux que vous développez avec le CREM ?

Juliet Mitchell : Mes recherches essaient de combiner plusieurs disciplines en SHS dont la psychanalyse et les études de genre. Je m’intéresse aussi beaucoup aux ressources que la langue, la littérature et les arts en général offrent quand on s’intéresse aux imaginaires ordinaires ou plus singuliers. Je dis « imaginaire » mais je pourrai aussi bien dire univers symboliques et interactions culturelles, notamment quand il s’agit de comprendre les relations de domination historique des femmes, la domination masculine en somme. Or, le CREM s’engage dans son nouveau contrat quinquennal dans une recherche sur le « Vivre ensemble », ses tensions et ses utopies. C’est un sujet qui ne cesse de m’interroger comme mes publications pourraient en témoigner – par exemple à propos de ce que j’appelle les fratriarchies. Plus largement, nous travaillons à des formes plus institutionnelles de coopération et d’échanges à partir du Center of Gender studies de Cambridge. C’est une utopie justement – que peut-être ce DHC rendra possible !