Factuel est allé à la rencontre de Alain Hehn, nouveau vice-président du Conseil Scientifique à l'Université de Lorraine.
Factuel : quel est votre parcours ?
Après avoir soutenu une thèse en biologie moléculaire et cellulaire à l’Université de Strasbourg, j’ai obtenu différents contrats pour développer des projets à l’institut de botanique de Strasbourg ou encore à l’Institut Max Planck de Cologne (Allemagne). En 2001 j’ai été recruté en tant qu’ingénieur d’études à l’Institut National Polytechnique de Lorraine (INPL) et diverses opportunités m’ont ensuite amené à obtenir un poste de maître de conférences puis de professeur des universités à l’Université de Lorraine.
Mes activités d’enseignement sont essentiellement réalisées à l’Ecole Nationale Supérieure en Agronomie et en Industries Alimentaires (ENSAIA) localisée sur le site de Brabois. Cet enseignement concerne plus particulièrement le métabolisme et la génétique des plantes et les biotechnologies.
J’effectue mes activités de recherche au Laboratoire Agronomie et Environnement, une unité mixte de recherche entre l’Université de Lorraine et l’INRAE. Elles m’ont amené à faire de la recherche fondamentale sur la compréhension des mécanismes d’adaptation des plantes à leur environnement. J’ai également pu développer des actions de recherche plus appliquées en interaction avec des partenaires industriels. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces deux approches de la recherche ne sont pas antinomiques mais peuvent se révéler être complémentaires, l’une pouvant se nourrir de l’autre. Dans la continuité de ces actions de recherche et de formation, j’ai co-porté avec deux collègues du LAE la création de la chaire de mécénat Bio4Solutions en interaction avec la fondation ID+ de l’Université de Lorraine. Cette chaire a comme objectif de faire de la recherche mais aussi de la formation continue et initiale dans un domaine concernant la transition agro-écologique.
Tout au long de ma carrière j’ai souhaité apporter une contribution au fonctionnement de notre établissement. J’ai ainsi été élu au conseil scientifique de l’INPL puis au conseil du pôle scientifique Agronomie, Agroalimentaire, Forêt. De 2017 à 2022, j’ai assuré la direction de ce pôle.
Factuel : quelle va être votre ligne directrice en tant que vice-président du Conseil Scientifique ?
La recherche à l’université de Lorraine est réalisée par 3500 personnels UL et environ 2000 personnels hébergés. Ce potentiel de recherche considérable me conforte dans l’idée que notre établissement a un vrai rôle à jouer pour repousser les limites de la connaissance dans de très nombreux domaines. La pluridisciplinarité des actions de recherche menées au travers des 10 pôles scientifiques me laisse entendre que nous disposons de toutes les cartes nécessaires pour répondre de manière significative à de nombreux enjeux sociétaux et de faire de l’UL l’université des Transitions.
La politique scientifique développée dans notre établissement permet déjà de prendre en considération de nombreux Objectifs de Développement Durable (ODD) identifiés par l’ONU. Une analyse réalisée par SIRIS Academic montre que nous sommes particulièrement pertinents sur les questions concernant l’ODD 7 (énergie propre et de coût abordable), l’ODD 3 (Santé et bien-être), l'ODD 12 (Consommation et production responsables), l'ODD 6 (Eau propre et assainissement) et l'ODD 15 (Vie sur terre). Il sera important d’élargir notre impact.
Factuel : quels plans d'action allez-vous mettre en œuvre ?
La signature scientifique et la reconnaissance internationale de l’université s’inscrivent dans le temps.
Nous venons de sortir de la phase d’évaluation des bilans des 60 unités de recherche hébergées à l’Université de Lorraine. L’objectif de cet exercice consistait, pour les collectifs, à se poser et à réfléchir sur la manière dont nous avons répondu (et pourrons répondre) aux différents enjeux de société. L’analyse des rapports d’évaluation permettra d’identifier des unités à qui nous pourront faire appel pour partager leurs expériences. L’idée est ici de profiter des savoir-faire et de transmettre les clés et les codes permettant, par exemple, d’être lauréat à des appels à projets compétitifs.
Il est important qu’à coté des recherches très disciplinaires portées par les pôles scientifiques et dans lesquelles les unités peuvent s’illustrer, il y ait une dynamique pour créer des communautés permettant de faire avancer des fronts de recherche sur des filières plus élargies. Cette démarche de structuration peut être réalisée au travers d’actions de recherche interdisciplinaires. Des réflexions sont actuellement menées au sein du site lorrain pour identifier des projets permettant d’aller dans ce sens. Enfin, l’identification de nouvelles pépites passe par l’exploration de nouvelles pistes. Les graines qui seront identifiées et plantées aujourd’hui donneront les belles plantes de demain. Une démarche de soutien de projets émergents permettra de susciter un élan de créativité.
Les personnels UL sont répartis dans 60 unités de recherche sur une cinquantaine de campus différents en Lorraine et ont besoin de moyens performants. Les grandes plateformes et les infrastructures lourdes sont localisées sur les deux métropoles. La stratégie de mutualisation de moyen et de développement de plateformes spécialisées, visibles et labellisées ne doit pas être remise en cause, bien au contraire. Cependant, il est essentiel que les chercheurs, réalisant leurs enseignements dans les campus hors métropoles, puissent également faire une recherche de qualité. Il faudra trouver un moyen de leur permettre d’accéder à des ressources suffisantes pour répondre à leurs ambitions sans pour autant démultiplier les équipements. Trouver des financements pour des équipements de taille moyenne est parfois plus compliqué que d’acquérir des équipements de plusieurs centaines de milliers d’euros.
Pour développer une politique scientifique je serai entouré de trois collectifs. Tout d’abord une équipe de 4 Vice-Président.e.s ayant des missions complémentaires et dont les compétences initiales couvrent de nombreuses disciplines. Leur pluridisciplinarité permettra d’avoir un avis éclairé sur les différents secteurs de la recherche au sein de l’Université. Et comme toutes les charges ne reposeront pas sur une seule personne, l’efficacité pour faire avancer les projets s’en trouvera améliorée. Le second collectif, c’est le Conseil Scientifique qui doit être le creuset de la politique scientifique de l’établissement. Ce conseil est constitué d’élus qui eux aussi émanent de communautés scientifiques très diverses. Cette diversité est source de créativité qui peut être explorée et exploitée. Les ordres du jour des réunions de ce conseil comporteront des points de débat stratégique qui pourront ensuite être approfondis dans des ateliers dédiés et qui permettront d’imaginer ensemble des solutions novatrices. Enfin la mise en œuvre de la politique scientifique reposera sur les directeurs et les directrices d’unités. Si la politique scientifique donne les grandes orientations il est essentiel qu’elle ne soit pas désincarnée de la réalité du terrain. Des échanges réguliers avec les directeurs d’unité permettront d’écouter ceux qui sont en prise directe avec cette réalité et nourrir ainsi de manière plus pertinente la mise en œuvre de la politique de l’établissement.