Le changement climatique vu par deux membre du GIEC

 
Publié le 10/01/2022 - Mis à jour le 17/10/2024
Geoffrey Levermore et Dominique Reynaud

Le jeudi 2 décembre 2021 se tenait l’école thématique ICOME, Matériaux, énergie et changement climatique, durant laquelle Geoffrey Levermore et Dominique Reynaud, membres du GIEC, on tenu des conférences grand public. Nous les avons interrogés sur leur vision du changement climatique.

Rachid Bennacer, professeur des Universités à Paris-Saclay (ENS), et Mohammed El Ganaoui, professeur des Université en Lorraine (l’IUT de Longwy), présentent ainsi l’ambition de l’école thématique: « Le changement climatique est la conséquence du développement humain; et donc de l'usage de l’énergie et des matériaux. Une solution peut être trouvée dans les nouveaux matériaux et la maitrise de l’énergie. Cette question répond à une réelle urgence sociétale et fédère plusieurs savoirs disciplinaires, ainsi que plusieurs générations en quête de contribution à sa solution. C’est la philosophie de la rencontre internationale annuelle Matériaux et énergie et de l'école thématique ICOME. En rassemblant les doctorants, elle vise à pérenniser un esprit de retour sociétal d'actualité et scientifique de qualité. ». La démarche est appuyée par des associations/sociétés savantes (EMSF, Symbiom, EMSF, ..) visant à rapprocher sciences et société.

Si la journée était dédiée à des exposés scientifiques d’experts internationaux de premier plan dans des domaines comme la simulation numérique, les énergies renouvelables ou la performance énergétique des bâtiments, elle s’est terminée par des conférences grand public. Deux personnalités scientifiques de renommée internationale, Geoffrey Levermore et Dominique Reynaud, membres du GIEC, s’exprimaient sur la thématique du réchauffement climatique et l’interaction avec les ressources en énergie et matériaux. Ces conférences ont été précédées d’un exposé introductif de Yannick Monget, prospectiviste et écrivain.

Nous avons posé quelques questions à Geoffrey Levermore et Dominique Reynaud sur leur vision du changement climatique et les solutions à mettre en œuvre.

Le changement climatique suscite de nombreuses angoisses, notamment relayées par la collapsologie. Qu'en est-il vraiment ?

Dominique Raynaud : Tout d’abord, il est utile de pondérer l’usage des mots et le sentiment que le changement climatique suscite de nombreuses angoisses qui seraient relayées par la collapsologie. Si on considère la collapsologie comme « un courant de pensée transdisciplinaire apparu dans les années 2010 qui envisage les risques d'un effondrement de la civilisation industrielle et ses conséquences » (Wikipédia), je ne suis pas sûr qu’elle reflète une inquiétude indicible au sein des différentes composantes de nos sociétés humaines. 

Il existe par contre une lente prise de conscience du dérèglement climatique d’origine humaine par les scientifiques, relayée progressivement par celle des preneurs de décision, et plus récemment par une partie croissante de la société civile et de la jeunesse. Nous nous apercevons que sans limiter dès aujourd'hui et de façon majeure nos émissions en gaz à effet de serre, il ne sera vraisemblablement plus possible de limiter le réchauffement climatique à la surface du globe sous un seuil « soutenable », c’est à dire n’impliquant pas de situations de rupture majeure dans la dynamique de l’humanité.

Geoffrey Levermore : Nous avons raison d'être inquiets. Mais selon les mots du psychologue "inventeur" de la thérapie cognitive, Aaron Beck, décédé récemment, "être humain, c'est faire face à des problèmes". Nous avons un certain nombre de solutions techniques, scientifiques et technologiques pour nous aider, mais nous avons également besoin d'une taxe carbone pour aider à financer les énergies renouvelables et les infrastructures ainsi que d’une collaboration internationale. Nous devons discuter du changement climatique, sensibiliser les autres à la crise et voter de manière appropriée pour que nos politiques puissent agir.

Il existe donc des solutions pour lutter contre le dérèglement climatique ?

D. R. : Une des solutions passe par de nouvelles habitudes de la société, que ce soit en matière de consommation, de demande en énergie ou d’agriculture, que l’on peut résumer par le mot « sobriété ». Il se trouve qu’au lendemain de l’école thématique mourrait Pierre Rabhi, précurseur de l’agroécologie.

Pierre Rabhi militait pour « la joie »  plutôt que pour « la décroissance ». On est plus proches d’une « sobriété heureuse » que de la « collapsologie ».

G. L. : Certains des documents mentionnés dans les conférences organisées par le professeur El Ganaoui et ses collègues montrent que le photovoltaïque s'améliore en termes d'efficacité et d'application, tout comme les éoliennes et d'autres technologies. De nouveaux matériaux passionnants sont en cours de développement. À titre d'exemple général, les lampes à LED sont dix fois plus efficaces que les lampes au tungstène. Produire de l'hydrogène, carburant possible du futur, et rendre nos maisons plus efficaces avec plus d'isolation sont également très utiles. Nos propres actions, ce que nous mangeons, comment nous voyageons, etc., y contribuent également. Un objectif clé est de s'éloigner de la combustion du charbon pour l'électricité, et d'utiliser beaucoup moins de combustibles fossiles.

Durant l'école thématique Matériaux, énergie et changement climatique, vous avez rencontré des doctorants. En quoi ces échanges vous paraissent-ils essentiels ?

D. R. : L’école thématique a été une très belle opportunité de rencontre avec des doctorants d’horizons divers. L’un d’entre eux a demandé aux scientifiques présents: « Etes-vous optimistes ou pessimistes pour le futur? » La réponse des trois personnes interrogées a été : plutôt optimiste.

G. L. : Durant l'école thématique Matériaux, énergie et changement climatique, nous avons pu voir les nouveaux développements et l'excellent travail accompli par nos scientifiques et ingénieurs, ce qui me stimule et m'intéresse. L'enthousiasme des doctorants le mien, me rappelant que c'est un privilège d'être dans un environnement de recherche, de pouvoir étudier et travailler avec des jeunes dont dépendra la planète.

Mohammed El Ganaoui, Geoffrey Levermore, Dominique Reynaud et Rachid Bennacer
Geoffrey Levermore
Geoffrey Levermore
Geoffrey Levermore
Dominique Reynaud
Remise de prix à la mairie de Metz
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