Dans les produits à base de lait fermenté tels que les yaourts, les protéines du lait sont transformées partiellement en peptides pouvant présenter des activités très variées. « Notre équipe a établi récemment que certains peptides issus de l'hydrolyse des protéines de lait avaient une activité anxiolytique efficiente chez l'homme » explique Laurent Miclo, maître de conférences à l'Unité de Recherche Animal & Fonctionnalités des Produits Animaux (URAFPA). Le cocktail peptidique contenu dans nos yaourts est trop varié pour que ces propriétés anxiolytiques aient un impact physiologique directement après consommation du produit. Mais d'autres peptides issus des protéines laitières ont des activités anti-inflammatoires qui pourraient être potentiellement bénéfiques face à certaines pathologies liées à l'inflammation. Peut-on enrichir le mélange en peptides d'intérêt en éliminant les peptides indésirables ? Tel est l'objectif du projet PepInfla, lauréat de l'appel Projets Exploratoires Premier Soutien (PEPS Mirabelle 2014) organisé par l'Université de Lorraine et le CNRS.
« Un challenge scientifique et réglementaire »
Pour Romain Kapel, maître de conférences au Laboratoire Réactions et Génie des Procédés (LRGP), le challenge scientifique est d'autant plus motivant qu'il doit répondre à des contraintes réglementaires strictes. « Aujourd'hui, on ne peut pas communiquer sur l'action sur la santé d'un produit alimentaire sans l'autorisation de l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments ». Sur le site web de cette institution, une base de données recense l'ensemble des produits alimentaires qui font l'objet d'une autorisation en matière d'allégation nutritionnelle ou de santé, suite à des études cliniques indépendantes.
Outre les contraintes réglementaires, il faut surmonter les verrous scientifiques. « Depuis 30 ans on sait que le lait contient les protéines qui nous intéressent » rappelle Laurent Miclo, dont le laboratoire travaille de longue date sur les produits laitiers, « pourtant, les tests cliniques tardent à être mis en œuvre car on a longtemps douté que l'activité des peptides issus de ces protéines puisse avoir un véritable effet physiologique ». Or on sait aujourd'hui que même en faible quantité, les molécules qui traversent l'intestin peuvent avoir un effet.
« Nous sommes des défricheurs »
Grâce à un cadre règlementaire moins contraint, l'Amérique du Nord ou le Japon commercialisent déjà des produits laitiers transformés pour offrir des vertus de maintien de la santé. En Europe, les laboratoires de recherche doivent apporter suffisamment d'éléments de preuve pour intéresser les industriels qui financent les coûteuses études cliniques. Forts de leurs compétences en physiologie et en biochimie, les chercheurs de l'URAFPA s'attachent à identifier les molécules intéressantes et à démontrer leur activité. Les chercheurs du LRGP doivent quant à eux établir les procédés à même d'atteindre des capacités de production nécessaires aux futurs essais. « Il s'agit de procédés propres qui ne nécessitent ni réactifs chimiques ni solvants ou produits nocifs » souligne Romain Kapel. Si le projet est concluant, la collaboration pourra s'élargir à des laboratoires de la Faculté de médecine voisine.