PROSEED : vers une nouvelle bioraffinerie du colza et du tournesol

 
Publié le 5/03/2024

Comment mieux valoriser les produits riches en protéines issus du colza et du tournesol ? C’est la problématique centrale du laboratoire commun PROSEED, réunissant le Laboratoire Réactions et Génie des Procédés (LRGP) et le groupe industriel Avril. Objectif : élaborer des procédés de production de nouvelles matières protéiques pour l’alimentation humaine et animale, tout en évaluant leurs performances et leur empreinte environnementale.

Le colza et le tournesol représentent un enjeu de premier ordre à l’échelle de la France et de l’Europe. En effet, comme l’ensemble des oléoprotéagineux, ces deux plantes sont à la fois riches en lipides et en protéines. Elles sont utilisées pour produire de l’huile pour l’alimentation et les biocarburants, ainsi que des protéines pour l’alimentation des animaux. « Certains élevages restent encore assez dépendants du soja, principalement importé depuis le continent américain », remarque Olivier Galet, directeur scientifique d’Avril. « Au contraire, le tournesol et le colza sont largement répandus sur notre territoire et peuvent apporter les protéines nécessaires à l’alimentation de ces animaux. La valorisation des produits issus de ces cultures représente donc un enjeu de souveraineté protéique pour la France ou l’Europe ! » De plus, un besoin en protéines végétales pour l’alimentation humaine a fortement émergé depuis environ dix ans.

Des tourteaux aux isolats protéiques pour l’alimentation humaine

Ainsi, depuis 2014, le groupe Avril et le Laboratoire Réactions et Génie des Procédés (LRGP, CNRS/Université de Lorraine) ont entamé une collaboration afin de valoriser le tourteau de colza et de tournesol, produit solide et riche en protéines, obtenu lors de l’extraction de l’huile, en vue d’une utilisation en alimentation humaine. « Jusqu’alors, celui-ci était utilisé tel quel, sans transformation, pour l’alimentation animale », se souvient Romain Kapel, professeur à l’université de Lorraine et chercheur au LRGP.

Les chercheurs se sont alors concentrés sur l’isolat, un produit très riche en protéines, et ont réussi à développer des procédés d’extraction et de purification adaptés à cette ressource. « Ils consistent premièrement à extraire les protéines de la ressource, en utilisant de l’eau, du sel et de l’acide », explique le chercheur. « Puis, il s’agit d’éliminer les molécules non souhaitées encore présentes, via des procédés de séparation à l’aide d’une membrane. ». Une première collaboration fructueuse, donc, qui a poussé les partenaires à aller plus loin. « À l’issue de cette première phase, nous avons constaté que le bioraffinage des isolats présentait un certain nombre de limites, notamment en matière de rendement, de consommation d’eau et d’impact environnemental », poursuit Romain Kapel. « Nous nous sommes donc appuyés sur la connaissance scientifique produite pour explorer une nouvelle voie d’exploitation du tourteau de colza et de tournesol. » À partir de 2020, l’équipe s’est ainsi orientée vers un autre produit : le concentré, moins riche en protéines et plus complexe que l’isolat, tout en travaillant à l’amélioration des performances des produits protéiques pour l’alimentation animale.

Des concentrés protéiques répondant à un vaste cahier des charges

C’est pour approfondir ces travaux de recherche qu’Avril et le LRGP ont créé le laboratoire commun PROSEED, codirigé par Romain Kapel et Olivier Galet. Son premier objectif : mettre au point de nouveaux procédés de raffinage, « visant à adapter la ressource aux besoins nutritionnels d’espèces animales cibles, mais aussi à ceux de l’être humain ». Ces procédés reposent sur un lavage des graines issues du pressage d’huile, par de l’eau et des solvants verts et renouvelables, afin d’en éliminer les molécules antinutritionnelles ou à l’origine de problèmes organoleptiques chez l’homme et d’appétence chez les animaux.

Les chercheurs évaluent ainsi avec attention la qualité des produits obtenus, en vérifiant un grand nombre de critères. Il s’agit, par exemple, du taux de protéines, de l’élimination effective des molécules indésirables ciblées, ou encore de propriétés nutritionnelles telles que la digestibilité ou la composition en acides aminés, conformément aux normes internationales. « Et à ces critères s’ajoutent des aspects physico-chimiques, comme des propriétés émulsifiantes, moussantes ou foisonnantes », complète Romain Kapel. « Ces caractéristiques sont en effet souvent recherchées au sein de ces produits, mais cela ajoute une réelle complexité à la production. » Pour contrôler ces performances, l’équipe de recherche s’appuie sur des techniques de génie des procédés et des produits, à travers notamment des travaux de modélisation, de simulation et d’optimisation des conditions opératoires.

Limiter l’empreinte environnementale du bioraffinage

« Le laboratoire commun PROSEED intègre également des critères de durabilité dans la production », précise Olivier Galet. « Notre deuxième objectif majeur est ainsi d’évaluer et de limiter l’empreinte environnementale associée aux procédés mis en œuvre. Par exemple, nous cherchons à valoriser les coproduits générés lors du raffinage des concentrés. » Cette démarche de valorisation concerne aussi les effluents, la fraction liquide produite lors des traitements. De plus, les chercheurs s’attachent à minimiser la quantité d’intrants nécessaire et à recycler l’eau et les solvants utilisés à cet effet.

Pour répondre à ce double enjeu d’optimisation des procédés et de limitation de l’empreinte environnementale, PROSEED s’appuie sur cinq thèses, dont deux CIFRE et une s’inscrivant dans le plan « France 2030 ». Avec l’ambition, à terme, de poser les bases d’une nouvelle bioraffinerie du colza et du tournesol. Voire davantage. « Nous souhaitons également ouvrir notre champ d’études à d’autres sources de protéines végétales, telles que les légumineuses », annonce Olivier Galet. « Avril a récemment renforcé sa position sur ce marché, via le rachat de sociétés spécialisées. Nous pourrions donc prolonger les connaissances scientifiques acquises autour du colza et du tournesol, afin d’acquérir de nouveaux savoir-faire sur les légumineuses. »

Source : CNRS Innovation