Adel Znaidi a soutenu le 15 janvier 2020 au Centre de recherche sur les médiations (Crem) une thèse de doctorat en sciences du langage en cotutelle entre l’Université de Lorraine et l’Université virtuelle de Tunis sur l’apprentissage de l’écriture du français à l’école primaire en Tunisie. L’occasion d’en savoir plus sur ce docteur au parcours atypique, à la croisée de deux pays.
Quel est votre parcours ?
Né à Ain-Draham, une ville du nord de la Tunisie, j’ai obtenu mon diplôme de fin d’études secondaires normales [équivalent du baccalauréat] à Tunis en 1981. Après un stage d’un an à La Marsa (près de Tunis), j’ai exercé le métier d’instituteur dans l’école primaire de Houamdia, celle-là même que j’avais fréquentée en tant qu’élève dans ma jeunesse. Au bout de 10 ans, j’ai passé un concours qui m’a permis d’aller travailler à Lyon pendant quatre ans en tant qu’enseignant en mission éducative. Durant cette période, je me suis inscrit à l’Université Jean Moulin-Lyon 3 où j’ai décroché une licence en arabe en 1996. L’année suivante, je suis revenu en Tunisie, toujours comme instituteur, mais avec l’ambition de continuer mes études. Par la voie d’un nouveau concours, j’ai donc intégré l’Institut supérieur de l’éducation et de la formation continue (ISEFC) à Tunis où, en 2006, j’ai obtenu, une maîtrise en langue et littérature françaises. Ensuite, j’ai passé le concours externe d’entrée au cycle de formation pour le recrutement d’inspecteurs des écoles primaires et rejoint le Centre national de formation des formateurs en éducation à Carthage. Après deux ans de formation, j’ai exercé comme inspecteur des écoles primaires dans une région du centre-ouest de la Tunisie. En 2011, j’ai repris mes études en me réinscrivant à l’ISEFC en master de recherche en didactique des disciplines (option français) que j’ai obtenu en 2014.Ce diplôme m’a permis de passer au grade d’inspecteur principal puis général des écoles primaires et, depuis 2015, j’ai préparé ma thèse en cotutelle entre l’Université de Lorraine et l’Université virtuelle de Tunis sous la direction des professeurs Guy Achard-Bayle et Abdelmajid Naceur : Métacognition et apprentissage de l’écriture de textes narratifs : étude de l'autorégulation chez les élèves du 1er cycle de l’enseignement de base.
Pouvez-vous en dire plus sur vos recherches actuelles ?
Ma thèse porte sur l’apprentissage du français langue étrangère (FLE) dans le premier cycle de l’enseignement primaire en Tunisie, pays où cette langue bénéficie d’un statut privilégié puisqu’elle est utilisée dans les cycles secondaire et supérieur pour l’enseignement des disciplines scientifiques et techniques. Pour autant, et malgré la précocité et la généralisation de l’enseignement du français, les résultats obtenus par les apprenants sont faibles, que ce soit au niveau des cycles primaire, préparatoire, secondaire ou supérieur.
Au niveau primaire, bien que les démarches didactiques utilisées par les enseignants pour l’apprentissage de l’écrit permettent de formaliser l’acte d’écriture, les textes en français des scripteurs novices tunisiens comportent de nombreuses erreurs. On constate donc que l’écriture des textes narratifs en français constitue une activité mentale complexe pour les élèves tunisiens de ce cycle.
Mon travail a consisté à repérer et analyser les difficultés liées à la cohérence textuelle en vue de comprendre et expliquer les processus cognitifs mis en œuvre par les apprenants en situation d’écriture. Ceci a permis de concevoir des séquences de remédiation fondées sur des activités métacognitives, où les élèves sont conduits à réfléchir sur leurs façons d’aborder une tâche, visant à les aider à développer des stratégies d’autorégulation et donc à améliorer leurs performances écrites. Ces séquences comprenaient des exercices. Par exemple, les élèves devaient identifier les termes se répétant dans un texte puis les remplacer par des mots proposés, ou bien lire des énoncés dans le désordre avant de les réorganiser en soulignant les connecteurs temporels. On leur a aussi demandé de repérer des phrases contenant des contradictions et de les corriger pour rétablir leur cohérence.
Les résultats des différents tests ont montré que la pratique de la métacognition en classe de langue permet aux apprenants de développer leurs stratégies motivationnelles et comportementales et favorise l’amélioration des performances. Pour l’exercice sur les répétitions, on a constaté une amélioration du niveau des élèves répartie sur l’ensemble de l’effectif pris en compte (près de 70 élèves). Pour être plus précis, on a notamment observé une baisse de 80 % des élèves ne possédant aucune maîtrise de la compétence visée (de 21 à 4 seulement) et une augmentation de 60 % des élèves avec une maîtrise dite minimale (21 contre 13). Il faut signaler que le succès de cette démarche métacognitive semble dépendre de l’apport d’une aide médiatisée accomplie par un tuteur (enseignant) ou un logiciel informatique mettant à disposition des données textuelles.
Quels sont vos projets ?
Je souhaite intégrer une université pour y enseigner les sciences du langage et la didactique des disciplines, ou trouver un emploi de formateur en FLE. En attendant, je vais me concentrer sur la transmission des connaissances acquises pendant la préparation de ma thèse auprès des enseignants de ma circonscription en Tunisie et organiser des journées de formation dès les prochains mois. Mon objectif principal est de contribuer à l’amélioration du niveau des élèves en français afin qu’ils puissent continuer leurs études secondaires et universitaires dans de bonnes conditions car, sans la maîtrise de cette langue, ils seront confrontés à beaucoup de difficultés. Les plus jeunes notamment risquent de décrocher du système éducatif avec, parmi les conséquences possibles, un chômage prolongé. Et parfois un passage à la délinquance. Pour être franc et sans céder au pessimisme, je sais que l’embrigadement par des éléments radicaux n’est pas à exclure. Tout ceci renforce ma détermination professionnelle pour articuler formation, recherche et citoyenneté.