Julia Mainka et Robin Vivian sont enseignants-chercheurs, elle en mécanique au laboratoire d'énergétique et de mécanique théorique et appliquée (LEMTA) et lui en informatique et en ergonomie au sein de l'équipe PErSEUs. Ils travaillent tous deux au projet IMPACT Hydrogène sciences et technologies (ULHyS) dans le cadre du défi énergies du futur et transition énergétique de l'initiative Lorraine Université d'Excellence (LUE).
Une transition énergétique pérenne nécessitera d’impliquer, dans le processus de développement, de nombreux domaines scientifiques : sciences physiques, humaines, économique, sociale ou encore sciences de la vie avec comme préoccupation principale de replacer l’utilisateur au centre du dispositif. Au travers du projet ULHyS l’université de Lorraine fédère une dizaine de laboratoires multidisciplinaires autour de cinq axes thématiques allant de la production d’hydrogène au déploiement territorial. Différents acteurs du projet ULHyS ont été invités à visiter la station de recharge d’hydrogène FaHyence de Sarreguemines.
Depuis le 6 avril 2017, FaHyence est la première station de recharge en Europe à produire sur site de l’hydrogène par électrolyse à partir d’électricité d’énergies renouvelables fournie par EDF lors des pics de production en couplant un électrolyseur et une station hydrogène d’une capacité de 40 kg par jour, représentant les besoins de 20 à 25 véhicules par jour pour des charges de 350 à 420 bars.
Author provided
Des autonomies de 350km, sans émissions de gaz à effet de serre
Au niveau national d’autres projets sont finalisés ou en cours d'élaboration. HyWay est opérationnel depuis l’été 2018 sur le site du CEA de Grenoble et deux autres sont en développement à Rodez et Nantes. FaHyence est le fruit d’un partenariat entre EDF, EIFER, McPhy, Symbio Fcell et la Communauté d’Agglomération de Sarreguemines Confluences (CASC). Afin d’assurer une utilisation régulière de la station, une dizaine de véhicules circulent actuellement dans l’agglomération : des Kangoo ZE électriques équipés par la société Symbio d’une pile à combustible qui fonctionne comme un prolongateur d’autonomie.
Les piles à combustible à membrane polymère (PEMFC) consomment de l’hydrogène pur sans émission de gaz à effet de serre. Les autonomies sont de l’ordre de 350 km, dont 200 km grâce à une batterie Li-ion de 33kWh et 150 km en hydrogène grâce à une PEMFC de 5kW.
La station de recharge, sans être en accès libre, est ouverte à tout véhicule, français ou étranger, roulant à l’hydrogène après une demande d’autorisation à l’agglomération. Avantage non négligeable dans le cadre de cette expérimentation : le plein d’hydrogène est totalement gratuit. De ce fait, se sont rajoutés à la flotte captive de la CASC, neuf utilitaires supplémentaires achetés par des partenaires et des particuliers allemands et belges se sont réjouis de pouvoir remplir leur réservoir à Sarreguemines.
FaHyence fait partie du projet européen H2ME FCH-JU, qui vise à déployer 49 stations-service à hydrogène et 1400 véhicules d’ici 2020. A côte de l’électro-mobilité et le bio-méthane, l’hydrogène est le troisième axe du volet mobilité durable de FaHyence. Il reste un laboratoire d’observation privilégié et un démonstrateur de procédés.
Le plein en 4 minutes chrono
L’appropriation par les utilisateurs ne semble pas avoir posé de problème. L’aspect classique de la station et un mode opératoire de remplissage semblable à un approvisionnement conventionnel ont permis de limiter au minimum les phases de formation des utilisateurs. Certes, des améliorations pourraient être apportées dans l’ergonomie du raccordement et dans les interactions avec l’utilisateur, mais force est de reconnaître que le système reste d’une grande simplicité d’utilisation. Comparé aux heures de recharge des véhicules électriques conventionnels, les 4 minutes nécessaires à un plein d’hydrogène semblent anecdotiques.
La station comporte un électrolyseur alcalin d’une capacité de production de 1.8kg/h ce qui nécessite environ 50 litres d’eau par kilogramme d’hydrogène produit. A ceci s’ajoute une station de compression à deux niveaux, un premier allant jusqu’à 30 bars, le second, équipé d’un système de refroidissement à -20°C, permettant d’atteindre des pressions de 420 bars.
Ce système de compression apporte deux atouts majeurs à la station à hydrogène. Le premier est qu’il est possible de ravitailler, avec certaines restrictions de volume, des véhicules Hydrogène allant de 350 bars (cas des FC-EV comme la Kangoo ZE) à 700 bars, standard des voitures de tourisme roulant à hydrogène pur avec des autonomies de l’ordre de 450km (les FCV comme la Toyota Mirai, la Honda Clarity Fuel Cell et la Hyundai Nexo). Le second avantage du système de refroidissement est de réduire à 4 minutes le temps d’un plein contre 7 minutes pour une station non-refroidie.
Une station sous-exploitée qui pourrait aisément devenir compétitive
« La technologie à hydrogène, n’est pas le facteur limitant » commente Christian Hector, responsable des services techniques de Confluences et initiateur du projet FaHyence, « ce qui est le plus contraignant techniquement est l’électrolyseur ».
Avec 2,2 ravitaillements en moyenne par jour représentant environ 5% de sa capacité d’utilisation, la station est en nette sous-exploitation ce qui entraîne des problèmes techniques comme la défaillance de capteurs électroniques. Cela a pour conséquence un coût de recharge trop élevé pour être compétitif avec des systèmes classiques (le prix dépend du contexte local, à Sarreguemines on est à 10€/kg et en moyenne nationale à environ 6€/kg d’hydrogène ; pour rappel, il faut environ 1kg pour parcourir 100km).
Pour être rentable, il faudrait 30 véhicules minimum à s’alimenter quotidiennement. « Mais la rentabilité économique n’était pas l’objectif du projet. Il s’agissait de tester la mobilité électrique à hydrogène dans un contexte transfrontalier, ainsi que de valider la fiabilité technique d’une station à hydrogène couplée à un électrolyseur sur site ». Même si l’avenir de la station, dont le projet se termine en 2020, reste incertain, les objectifs visés ont été atteints et ceci grâce à l’opiniâtreté de Christian Hector et son équipe de la mobilité verte de la CASC.
Robin Vivian, Maitre de conférences, Université de Lorraine et Julia Mainka, Maître de Conférences, Université de Lorraine
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.