[Covid-19] La parole à Aurélie, étudiante en médecine

 
Publié le 8/04/2020 - Mis à jour le 14/04/2023
Aurélie Abraham, étudiante en 2e année de médecine

Aurélie Abraham, étudiante en 2e année d’études de médecine à Nancy, s’est portée volontaire pour rejoindre le projet initié par l’association Réseau Gérard Cuny et la Plateforme Territoriale d’Appui (PTA) du Grand Nancy en lien avec la faculté de Médecine dans le cadre d’un programme d’aide et de soutien aux personnes âgées et fragiles. La mission donnée aux étudiants de 2e et 3e année de médecine est d’appeler ces personnes par téléphone afin de leur permettre de garder un contact social. Découvrons au travers du témoignage d’Aurélie la mise en place du projet et les raisons de son engagement.

Pourquoi vous êtes-vous engagée dans cet appui à l’association Réseau Gérard Cuny ?

À l’annonce du confinement, je me suis sentie très impuissante et exclue. J’ai passé le concours de la PACES l’année dernière avec plein de rêves, d’aspirations. Avec la réussite du concours, on a l’impression de s’engager et à l’annonce du confinement, on a le sentiment que l’on ne va rien pouvoir faire. C’est frustrant. On se sent inutile donc quand le projet avec l’association Réseau Gérard Cuny s’est mis en place, je me suis sentie utile. On ne va pas être très exposés, on sait qu’on n’est pas formés, on est en faculté de Médecine depuis huit mois donc à notre hauteur nous n’avons pas les capacités. Mais à notre niveau on est présents, ça complète notre formation, ce n'est que du positif.

Comment s’est déroulée la formation ?

Lundi 23 mars 2020 au matin, le Pr Joly, le Dr Abraham (réseau Gérard Cuny) et le Dr Gambier nous ont accueillis en visioconférence. Nous étions dispatchés en 3 groupes d’environ 50 étudiants. Ils nous ont beaucoup remerciés pour notre engagement, on s’est senti considérés. Cette formation dispensée par le Dr Abraham sur la base d’un diaporama, mettait en avant le projet, des conseils du point de vue relationnel. Nous, étudiants de 2ème année, avons fait juste un stage infirmier donc on n’a pas appris beaucoup de choses sur le relationnel. Grâce à cette formation on a vu comment gérer les relations au téléphone ou physiquement, ce qui est réutilisable tout au long de notre vie professionnelle et personnelle. C’était très intéressant. On nous a rappelé par différents documents les gestes spécifiques et les mesures pour cette épidémie afin de les rappeler aux patients à qui nous téléphonerons. On est les premiers gagnants et on est très honorés de pouvoir transmettre ces consignes.

À l’issue de la formation, les médecins nous ont appelés un à un pour nous transmettre les noms des patients à qui nous allions devoir téléphoner. Les premières choses qu’on nous a dites, ce sont des remerciements. C’était vraiment personnalisé, un contact direct, on se sentait encore plus concernés qu’avant. On nous a donné les numéros de téléphone des patients. À la fin de l’appel avec le médecin on nous a posé des questions pour améliorer le dispositif, avec un vrai échange, tout le monde en apprenait de tout le monde. Ils nous ont fait ressentir qu’on était utiles. C’est une relation vraiment très humaine, les médecins nous répondent toujours avec bienveillance. Ils nous accompagnent vraiment, on y gagne beaucoup.

Combien d’appels passez-vous chaque jour ? 

À la mise en place du projet, on nous a dit que c’était environ 3 appels par semaine. Mais en fait, très vite, quand on appelle les gens pour la première fois ils nous disent ce dont ils ont besoin. Le but est d’être à leur écoute, on est là pour eux. Certains patients nous donnent des heures ou des jours précis pour les appeler. En général, nous téléphonons environ 3 fois par semaine, mais plus ou moins selon la demande du patient. Nous avons des personnes de tout âge, isolées ou fragiles qui ont été suggérées au Réseau Gérard Cuny par leurs médecins traitants.

Depuis combien de temps vous leur téléphonez ? Un lien commence-t-il à se créer ?

Ça fait deux semaines que je téléphone aux patients, j’ai commencé le mercredi 25 mars 2020. Les médecins nous ont donné une check-list de questions à poser durant nos discussions, sur comment la personne se sent, si elle a des demandes, des besoins, si elle mange bien etc. Mais on en sort très vite avec les personnes qui sont « ouvertes ». Dans les patients à qui nous téléphonons, on peut dire qu’il y a 3 catégories de personnes : celles qui ne veulent pas être appelées, qui sont fermées. Celles qui sont très ouvertes, qui nous remercient, qui ont confiance, qui sont reconnaissantes. Depuis le 1er appel il y a un lien de confiance. On parle de notre journée, de nos vies. Très vite on dépasse les questions primaires, un vrai échange se met en place. Et il y a les personnes méfiantes, qui ne raccrochent pas mais qui n’osent pas parler. Nos appels ont une tout autre tournure. Certains veulent que l’appel dure peu de temps puis un lien particulier se crée. L’appel peut durer 10-15 minutes et deux jours plus tard ils ne veulent plus nous répondre. Leur comportement change avec un appel bref. C’est un lien particulier et unique, c’est presque ce qui est le plus intéressant. C’est très formateur, plus on sera en contact avec les personnes, meilleure communication on aura.

Ces appels ont-ils un effet positif ou négatif sur votre moral ? Comment vous sentez-vous ?

J’ai appelé une dame très énervée au téléphone, les sentiments ça se partage, je l’ai ressenti, via le téléphone. Elle s’est calmée, on a trouvé des solutions. La dame était plus posée mais à la fin j’avais vécu, j’ai ressenti son énervement. Il faut un peu de temps pour se dire que tout va bien. Ça nous affecte mais pas démesurément.

J’ai créé un groupe Facebook où on parle entre étudiants, on se pose des questions, on parle des sentiments qu’on a ressentis. On entend s’il y a des situations similaires, des astuces. On parle de nos expériences, ça nous aide. On peut voir ensemble si une situation est inquiétante ou non. Avoir un avis extérieur. On parle. On a beaucoup de chance car le réseau Gérard Cuny est toujours là. Dès qu’on a besoin on peut les appeler, ils répondent immédiatement à nos mails. Si on est face à une situation qu’on ne comprend pas, quelqu’un va nous aider. Ça nous permet d’avoir un avis d’expert avec beaucoup de bienveillance, les médecins nous indiquent quoi faire, ils nous accompagnent. On ne se sent jamais seuls, on est bien entourés. Je ne sens aucune négativité dans tout ça, je me sens utile. Je suis très positive, tout va très bien, ça me fait plaisir d’entendre les patients.

Qu’est-ce qui fait que vous voulez devenir médecin ?

Depuis toute petite je veux être médecin. Même au moment de l’orientation, quand j’imagine ma vie dans quelques années je ne vois pas ma vie autrement. Ce que je recherche c’est le contact avec les gens, moins les aspects techniques. Je ne suis pas attirée par les petits détails de la chirurgie mais plus pour la relation patient-médecin, avec la famille, en pédiatrie avec les parents, c’est ce qui m’attire beaucoup. J’ai voulu faire médecine parce que je me pense altruiste, j’aime aider les gens, c’est ce qui me plaît dans la profession, être au service de quelqu’un tout en ayant une base de connaissances, tout ça m’intéresse notamment ce lien social et le rôle de médecin. Je veux me mettre au service de l’autre.