Le CEGIL a la recherche de la culture commune de la Grande Région [3/3]

 
Publié le 21/05/2019 - Mis à jour le 23/05/2019

L’axe 3 du CEGIL intitulé : « Transfrontalité, liminarité » est très récent. Il trouve son origine dans un Projet Exploratoire Premier Soutien (PEPS) obtenu en 2014 qui deviendra par la suite un projet soutenu dans le cadre du CPER-Ariane. Tourné vers les échanges transfrontaliers et les thématiques liées à l’idée des frontières et des marges, l’axe 3 s’intéresse à la frontière dans sa dimension à la fois réelle et imaginaire et à son ambivalence fondamentale comme barrière ou passage.  La  « culture-frontière » de la Grande Région de même que la présence du « fait frontalier » dans les représentations, les discours, les mémoires culturelles européennes  y occupent une place importante.

 

Un portail sur la culture transfrontalière.

L’un des projets de l’axe 3 du CEGIL porté par Sylvie Grimm-Hamen a pour but la construction d’un site centré sur la culture de la Grande Région que nous décrit la responsable du projet. Son acronyme IC-TRANSLOR laisse transparaître l’idée qu’il s’agit de mettre en lumière la dimension transfrontalière de ce qui constitue la langue, le patrimoine, les savoir-faire ou la sociabilité de l’espace frontalier constitué par la Lorraine et ses voisines, le Luxembourg, la Sarre, la Wallonie et le Rhénanie-Palatinat. « Nous voulons rendre visibles des aspects que l’on tend généralement à oublier ou à sous-estimer car ils ne sont pas facilement quantifiables et relèvent de phénomènes objectivement impalpables ou invisibles à travers des approches statistiques. La Grande Région, quand on la connaît, est pour une grande majorité de ses habitants d’abord une réalité économique qui se décrit en termes de flux de migrants, de travailleurs, de capitaux… Elle peine à exister politiquement. Quant à la culture de cet espace frontalier, elle reste encore trop souvent perçue à travers des lunettes nationales en dépit des projets de coopération qui peuvent exister ici ou là. La culture de la Grande Région a certes son portail dédié (plurio.net), mais il s’agit plutôt en réalité d’un calendrier événementiel. » Or cette région a, en dépit des antagonismes ou contentieux régionaux et nationaux qu’elle a pu ou peut connaître, une culture commune, sinon partagée, qu’il est nécessaire de décrire dans sa dimension européenne. Comme le souligne Mme Grimm-Hamen : « On ne rend vraiment justice à certains arts « lorrains », comme le verre ou la faïencerie par exemple, que si on les replace dans un contexte grand régional. De même que certains édifices comme la centrale de Cattenom, le centre Pompidou ou la gare TGV sont au cœur d’enjeux qui dépassent la seule Lorraine ».

Existe-t-il des expériences et des modèles communs à toutes les zones transfrontalières ? Comment La Lorraine s’inscrit-elle dans ces configurations transfrontalières ? Voici des exemples de questions qui interpellent les chercheurs.

Le portail se structure en différentes entrées qui montrent autant de facettes différentes de la culture grand-régionale: des personnes, et en particulier des figures de passeurs, comme Jean-Marie Peltre ou Robert Schuman dont les visions politiques et projets sociétaux sont inséparables de leur expérience des frontières ; des lieux emblématiques ; des savoir-faire aussi bien linguistiques que techniques, un glossaire pour expliciter les notions et une interface de contact entre le grand public et la recherche.

Ce portail est bilingue (franco-allemand) pour l’instant. Il devrait être trilingue à moyen terme. Il accorde une place importante à la traduction dont Umberto Eco disait qu’elle était « la langue de l’Europe ». Il réunit par ailleurs des étudiants, des chercheurs des différentes universités de la Grande Région ainsi que des représentants de la société civile : l’objectif est, en effet, d’ouvrir et de rendre accessibles des contenus de recherche, avec l’aide de photographes ou d’infographistes issus d’horizons différents.

 

centrale nucléaire de Cattenom

Un travail pluridisciplinaire recherchant toutes les bonnes volontés.

Ce portail est un bon moyen de fédérer du monde dans des domaines scientifiques divers et variées. Au niveau de l’UL, le projet est porté essentiellement par le CEGIL mais aussi par le LOTERR et l’ENSA. « Il y a un vrai foisonnement d’idées ! Par exemple au CEGIL nous sommes des civilisationnistes, des littéraires, des linguistes plutôt portés sur les questions d’altérité, de préjugés, de dépassement ou de cloisonnement des frontières telles qu’elles transparaissent dans des textes, des évènements historiques, des pratiques artistiques, alors que nos collègues géographes s’intéressent, eux, plus aux territoires, à la dimension spatiale des délimitations … loin de nous contredire nous sommes complémentaires, même si cette complémentarité ne va jamais de soi, car elle demande un vrai travail d’ouverture et prend du temps ! ». De ce point de vue, ce projet a quelque chose d’expérimental. Il nécessite de ceux qui s’y engagent qu’ils trouvent littéralement un langage commun, transposable dans la réalité virtuelle et les formats informatiques et médiatiques d’aujourd’hui. Le terme même de frontière ne désigne-t-il pas des choses très différentes selon que l’on parle en anglais de boundary (le lien) ou de Grenze en allemand (la borne) ? Ce projet est en tout cas un vivier pouvant toucher tous les domaines d’études que ce soit en sciences humaines ou en sciences dites dures. Ce projet plaçant l’interdisciplinarité au centre de sa méthodologie est appelé aussi à nourrir le projet INTERREG Border Studies dont l’Université de Lorraine est une université partenaire. Complémentaires, les deux projets ne pouvaient que contribuer à donner du corps à cette entité grand’- régionale.

Ce projet innovant et captivant replace la Lorraine dans son histoire européenne et non plus seulement nationale ce qui en ce sens, contribue à faire sens de cette Europe parfois ressentie comme trop technocratique et dont les peuples peuvent se sentir parfois éloignés.

Ainsi toutes les bonnes volontés, tous ceux qui ont une expérience, un récit, des données sur cette histoire transfrontalière sont cordialement invités à rejoindre le projet : chercheurs, doctorants, étudiants mais aussi et surtout tous les citoyens de la Grande Région : passionnés, contributeurs, mécènes... « Nous avons besoin de moyens pour pérenniser cet ambitieux projet mais aussi de bonnes volontés, si nous voulons qu’il soit pérenne et s’autoalimente continuellement. ».

Tous ceux que ce projet est susceptible d’intéresser peuvent s’adresser à : Sylvie.grimm-hamen@univ-lorraine.fr. Elle se chargera de soumettre les propositions de contribution au comité de rédaction du site.

Le nom du site : ctrg.eu (en ligne au courant de l’été)