« Un an après, Rémi Malingrëy a porté un regard graphique et personnel sur cet article. Il rappelle que L’institutionnalisation annoncée du Front national, déjà manifeste lors des derniers scrutins régionaux et départementaux, semble toujours à l’ordre du jour dans la perspective de l’élection présidentielle. La revendication du vote Le Pen poursuit sa banalisation, si l’on en croit de nombreux sondages où Marine Le Pen apparaît souvent au second tour. Cette tendance est confirmée par le contexte international qui révèle une montée des populismes dans le monde (le Brexit, l’élection de Donald Trump, le score du FPÖ en Autriche, les scores de l’AFD dans l’Est de l’Allemagne…). Il est difficile de savoir si le « plafond de verre », qui semblait encore contenir la conquête du pouvoir local et national, par le FN résistera encore. Il n’est pas sur que la logique de Front républicain continuera à empêchera de « tenir la porte au Front national »
La primaire de la droite et du centre, comme celle de la « Belle alliance » à gauche, ou la candidature Emmanuel Macron, puis celle de Manuel Valls après le renoncement de François Hollande, peuvent entretenir l’illusion d’un renouveau de l’offre électorale susceptible d’éclipser pour un temps le vote du Front National. L’exercice de la primaire comme exercice démocratique réussi, et suscitant un certain engouement, a aussi été l’occasion de montrer la capacité de récupération des thèses du FN, notamment en matière sécuritaire.
En même temps, le libéralisme économique véhiculé par certains candidats (dans et hors la primaire) incite le Front national, à adopter une stratégie de triangulation, visant à séduire une population fragilisée en quête de représentation. Et le paysage éclaté de l’offre de l’élection présidentielle, reflet d’une anomie sociale persistante, ne permet pas d’envisager une marginalisation des formations protestataires, ni de séduire un électorat tenté par l’abstentionnisme ou le vote Le Pen. »
Laurent Olivier
maître de conférences à l'Institut de recherche sur l'évolution de la nation et de l'Etat (IRENEE)
Article co-signé avec Andre Fazi (Université de Corse Pascal-Paoli), Claude Patriat (Université de Bourgogne), Marc Bidan (Université de Nantes), Olivier Costa (Sciences Po Bordeaux), Pierre Bréchon (Sciences Po Grenoble) et Pierre Mathiot (Sciences Po Lille).
Le mouvement de Marine Le Pen ne l’a emporté dans aucune des six régions où il était arrivé en tête lors du premier tour, le 6 décembre dernier. Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, comme en PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur), ce sont des candidats de la droite (Les Républicains), Xavier Bertrand et Christian Estrosi, qui ont ravi le pouvoir à la gauche socialiste. Mais, tandis que la gauche de la gauche et les écologistes ont subi un véritable camouflet lors de ces élections, le PS conserve cinq régions, dont la Bourgogne et le Centre, de justesse.
Vainqueur aux points, la droite en conquiert sept, dont la très symbolique Ile-de-France, où Valérie Pécresse a mis au tapis Claude Bartolone, le président socialiste de l’Assemblée nationale. La Corse se distingue avec la victoire des nationalistes. Les uns (Les Républicains) et les autres (le PS) pourront s’échiner à trouver des motifs de (relative) satisfaction, ces régionales auront surtout consacré la montée en puissance du FN dans les régions, toutes les régions (hormis la Corse), installant un tripartisme vraisemblablement durable sur la scène politique française.
Dans le Nord, la victoire amère du front républicain contre le FN
Xavier Bertrand, candidat LR/UDI/MoDem, a emporté le duel du second tour face à la candidate du FN, Marine Le Pen, en rassemblant 57,77 % des suffrages exprimés et 1.389 000 voix. Il compte finalement 374 000 voix de plus que Marine Le Pen après être sorti du 1er tour avec 350 000 voix de retard (558 000 contre 909 000).
La nouvelle assemblée régionale qui sera installée le 4 janvier 2016 comptera 116 élus LR/UDI/MoDem (contre 36 actuellement) et 54 élus du FN (contre 23). La gauche, après que le PS se soit retiré à l’issue du premier tour pour faire barrage au FN, ne comptera aucun élu.
La mobilisation électorale au second tour a été plus forte de 7,5 % par rapport à un premier tour déjà plus « participationniste » qu’à l’habitude dans la nouvelle Région. 61,25 % des électeurs se sont déplacés et les suffrages exprimés ont représenté 56,75 %, la différence s’expliquant par les bulletins blancs et nuls, probablement déposés par des électeurs de gauche. Au total, le second tour a compté 169 000 suffrages exprimés supplémentaires.
A première analyse, il semble acquis que le succès de Xavier Bertrand, qui augmente ses voix de plus de 800 000 par rapport au premier tour, doit beaucoup au report des électeurs de gauche en sa faveur et aussi au surcroît de mobilisation. Il réalise en effet, au total, un score supérieur à l’addition de toutes les voix obtenues par les listes présentes au premier tour, à l’exception de celle du FN. Il emporte l’élection dans les 5 départements et dans toutes les villes importantes, approchant parfois le score de 80 %.
La victoire indiscutable de Xavier Bertrand est plus importante que prévue à l’issue du premier tour. Toutefois, elle ne doit pas masquer le fait que le Front national est de plus en plus fortement ancré dans la Région. En effet, Marine Le Pen accroît au deuxième tour de 106 000 le nombre des voix en sa faveur et dépasse la barre symbolique du million de voix, soit près de 25 % des électeurs inscrits. La candidate du FN progresse en moyenne de 11,7 % quand le total des suffrages exprimés augmente de 7,5 %. Les électeurs du FN se sont donc mobilisés encore plus fortement lors du tour décisif alors même que c’était l’accès à la Présidence de la Région qui était en jeu.
La signification de ces chiffres est double : d’abord le FN bénéficie, a fortiori lorsqu’il s’agit de Marine Le Pen, d’un vote d’adhésion à ce qu’il représente et propose ; ensuite le FN peut compter sur des réserves de voix chez les abstentionnistes et sans doute aussi de quelques reports de voix en provenance d’électeurs d’autres candidats.
Si l’élection prochaine de Xavier Bertrand constitue sur le moment un échec pour Marine Le Pen, les raisons profondes de celle-ci (le soutien des électeurs de gauche et le sursaut de participation) masquent mal l’ancrage de plus en plus fort du FN sur le territoire et les difficultés croissantes de la droite et de la gauche à le mettre en cause.
En Corse, la sensation Simeoni
En Corse, la large victoire de la liste d’union nationaliste conduite par le maire de Bastia, Gilles Simeoni, crée la surprise. Si les nationalistes pouvaient légitimement prétendre l’emporter, les résultats du premier tour incitaient à la prudence. D’un côté, en arrivant en tête, le président sortant Paul Giacobbi (Divers gauche) avait démenti les sondages qui le voyaient distancé. D’un autre côté, le résultat cumulé des nationalistes n’était guère supérieur à celui de 2010, et il était concevable que la fusion de la liste de Gilles Simeoni avec les indépendantistes entraîne une déperdition parmi les électeurs les plus modérés.
Loin de là, la fusion des deux tendances nationalistes a généré une impressionnante dynamique militante, séduit des électeurs de tous horizons, et atteint un résultat incomparablement supérieur à ceux de 1986 (8,97 %) et de 2004 (17,34 %). Pour sûr, l’augmentation de la participation, de plus de sept points, en procède largement.
À l’opposé, les fusions à gauche et à droite n’ont pas convaincu. À gauche, le président sortant n’a pu bénéficier du soutien des sensibilités jacobine et socialiste. À droite, les très lourds conflits internes ont eu un effet négatif prévisible. Du fait des sièges obtenus par le FN (voir ci-dessus), on ne peut pas même imaginer une alliance droite-gauche afin d’empêcher un indépendantiste d’accéder à la présidence de l’Assemblée de Corse.
Bien évidemment, les nationalistes ne disposeront que d’une majorité relative et devront mener à bien le projet de collectivité unique avec l’État et les deux conseils départementaux, ce qui leur imposera normalement une gouvernance consensuelle. Au demeurant, la Corse pourrait bien être entrée dans une nouvelle ère politique.
Pays de la Loire : à tribord toute !
Dans la logique des élections départementales de mars 2015 et malgré la fusion des listes PS et EELV – suite à l’accord trouvé entre les deux tours sur l’épineux et médiatique dossier de l’aéroport de Notre-Dame des Landes –, la région a basculé à droite dimanche soir, mettant fin à dix années de pilotage à gauche sous la direction du socialiste Jacques Auxiette.
Au soir du second tour des régionales, avec un fort taux de participation atteignant 57,25 % des voix, la liste Union de la droite et du centre (Les Républicains – Union des Démocrates et Indépendants), dirigée par le sénateur de la Vendée Bruno Retailleau, a remporté la majorité des suffrages avec 42,70 % des voix. Elle est donc élue à la tête du Conseil régional, et le sénateur Retailleau devrait être propulsé à la présidence de la région, le 18 décembre prochain. Ce dernier a mené sa carrière aux côtés d’un autre Vendéen célèbre – Philippe de Villiers – avant de voler de ses propres ailes. Il voulait être préfet (son père était maire du petit village de Saint-Malô-du-Bois), il sera sénateur de la Vendée et bientôt président de région Pays de la Loire.
Dans le même temps, la liste dirigée par Christophe Clergeau (Tous unis pour les Pays de la Loire, la gauche et les écologistes avec Christophe Clergeau) s’est hissée à la deuxième place avec 37,56 % des voix. L’ex-bras droit de Jacques Auxiette ne sera donc pas président de la région Pays de la Loire comme il y songeait. Enfin, la liste menée par le frontiste Pascal Gannat et présentée par Marine Le Pen (Front national) est arrivée en troisième position avec 19,74 % des voix.
Cette région est la seule à passer à droite sur la façade atlantique. Certains facteurs peuvent expliquer une victoire assez nette : la personnalité consensuelle de Bruno Retailleau et sa campagne cohérente (pro-aéroport NDdL, évacuation imédiate de la ZAD, aide à l’apprentissage, sobriété des prélèvements fiscaux…), les scores « sans appel » pour la liste LR-UDI en Mayenne et en Vendée, le score à l’inverse modeste du Front national (excepté dans la Sarthe où il réalise son plus beau résultat), la plupart des départements déjà ancrés à droite. Ajoutons deux facteurs explicatifs, premièrement « l’usure du pouvoir » après dix années de règne et deuxièmement le « cailloux dans la chaussure » qu’est manifestement le dossier du transfert de l’actuel aéroport de Bouguenais vers Notre-Dame des Landes qui a pesé de tout son poids, surtout en Loire-Atlantique, même si Christophe Clergeau y reste en tête des voix exprimées.
Certain considèrent que ce dernier s’est tiré une balle dans le pied avec l’accord PS/EELV alors qu’il était lui-même convaincu de l’intérêt du transfert de l’aéroport et qu’il a porté ce dossier durant toute la mandature précédente. Au final, ce pacte a peut-être rendu son positionnement difficilement lisible aux yeux des socialistes de la région eux-mêmes.
Conformément à la loi électorale, la liste qui est arrivée en tête obtient 25 % des sièges et les autres 75 % sont répartis à la représentation proportionnelle entre les listes qui ont obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors de ce second tour. Comme la région n’est pas concernée par la modification territoriale récente, les conseillers régionaux élus ce dimanche tiendront leur première réunion le vendredi qui suit l’élection, le 18 décembre, à Nantes.
La région BFC sauvée par l’armée des ombres
Placée à l’épicentre du nouveau triphasage de l’espace politique français, la Bourgogne Franche-Comté (BFC) a échappé au piège d’un FN aux portes du pouvoir. L’affaire a été extrêmement serrée, comme on l’avait pronostiqué, puisque les trois listes terminent dans un mouchoir (34,68 % pour la Gauche, 32,89 % pour la Droite, 32,44 % pour le FN) ; 25 000 voix (sur 1 162 020 exprimés) séparant le troisième de la première. Et il a fallu attendre le tout dernier dépouillement du dernier bureau de la capitale régionale pour savoir si la liste arrivée en tête disposerait de la majorité absolue des sièges.
Parfaite épure du ménage à trois qui s’installe en France, la Région BFC voyait interférer une liste LR-UDI arrivée deuxième à l’issue du premier tour, avec une liste conduite par le PS classée troisième qui lui disputait la capacité de barrer la route du FN. Cette partie de roulette russe a finalement été tranchée par l’intervention massive de nouveaux électeurs, la participation faisant un bond spectaculaire de 10,60 % ! C’est une armée de secours forte de plus de 210 000 électeurs qui a finalement fait tourner le barillet en faveur de la gauche.
Cette manne profite aux trois compétiteurs, mais de manière très inégale. La Gauche tire le premier bénéfice, avec une progression de 100 000 voix au-delà de son potentiel du premier tour, qui lui permet de retourner la situation en sa faveur. Effacé le vote sanction par une captation d’un front qui, pour n’être pas officiellement républicain, était clairement celui du refus.
La Droite tire un profit moindre de la mobilisation, puisqu’elle progresse de 61 000 suffrages. Cette moindre capitalisation tient sans doute à une ambiguïté de son électorat devant la montée du FN (elle perd 38 000 électeurs par rapport aux dernières départementales, pendant que la gauche en gagne 147 000) et à sa division interne : Alain Joyandet, le leader comtois, membre de LR, ne peut empêcher le FN de prendre la tête dans 2 départements de Franche-Comté sur 4 (dont son département d’élection), et de faire jeu égal avec lui dans un troisième.
Confirmant les nouvelles règles du triphasage, le FN, non seulement ne régresse pas en voix, mais progresse : il augmente son potentiel du premier tour de 73 774 voix, soit de 12 000 voix de plus que la Droite. Il réussit à garder la tête dans trois départements : l’Yonne (où il augmente son capital déjà élevé de 23,7 %), la Haute-Saône (où il améliore encore son meilleur score régional avec 38,54 %), le Territoire de Belfort, dans l’ombre chevènementiste est encore vive.
Cette tripartition de la très imposante mobilisation électorale prend un relief singulier. Non seulement l’irruption massive de nouveaux électeurs ne fait pas éclater, comme on pouvait le penser, le tripartisme ; au contraire, elle le resserre, à la manière d’un étau. Les deux partis de gouvernement, sauvés des eaux grâce au sursaut inespéré d’un électorat principalement de gauche activé par le danger, devrait y regarder de près. Le FN n’a certes pas pris la place, mais il l’a investie par un siège qu’il ne va sûrement pas abandonner.
Aquitaine–Limousin–Poitou-Charentes : la gauche sans suspens
Sans surprise, la liste d’Union de la gauche d’Alain Rousset l’a emporté dimanche soir (44,1 %), face à celles de Virginie Calmels (LR-UDI-Modem-CPNT) (34,2 %) et à celle de Jacques Colombier (FN) (21,7 %). On peut retenir trois enseignements de ce scrutin.
En premier lieu, Alain Rousset est parvenu à rassembler largement sur son nom, au-delà de ce que laissaient présager les résultats du premier tour. Il confirme son implantation aquitaine, et prouve sa capacité à le faire dans le reste de la grande région : il arrive en effet en tête dans tous les départements.
En deuxième lieu, le FN confirme son ancrage dans ses terres de prédilection, comme dans le Lot-et-Garonne et la Dordogne, mais aussi dans des départements où il ne réalisait pas historiquement de gros scores. Il perd 10 % de ses voix, mais prouve sa capacité à susciter un vote d’adhésion, y compris au second tour.
L’enracinement du FN nuit principalement à la droite, qui peine à tirer profit d’une situation nationale de grande faiblesse du PS et des Verts, et d’effondrement de l’extrême gauche. Virginie Calmels améliore certes son score de près de 7 points par rapport au premier tour, mais reste à 10 points derrière Alain Rousset. Ses appels aux électeurs du FN n’ont pas été entendus, et une partie de ceux du MoDem ont boudé sa liste. Cette élection montre bien la difficulté qu’il y a pour la droite à se présenter unie, et à prétendre dans le même temps bénéficier du vote des électeurs du FN.
En Auvergne-Rhône-Alpes : nette victoire de la droite
À l’issue du premier tour, la compétition apparaissait très serrée entre les listes LR-UDI-Modem de Laurent Wauquiez et celles de la gauche réunie (PS, EELV, FG et alliés) puisque la gauche totalisait – sur le papier – 37,5 % des suffrages et la droite 37,1 %. Pourtant, la droite l’emporte nettement au second tour avec plus de 40,6 % des suffrages, avec environ 3,8 points d’avance sur Jean-Jacques Queyranne, président sortant de gauche, tandis que les listes FN sont à 22,6 %. Par rapport au total des voix de gauche du premier tour, l’extrême droite perd 2,9 points et la gauche 0,7 ; la droite en gagne 3,5.
Ce résultat a trois explications principales :
- L’abstention a fortement régressé (8,8 points). Les nombreux nouveaux électeurs du second tour se sont beaucoup plus mobilisés pour Laurent Wauquiez – qui gagne 8,9 points par rapport au 1er tour – que pour les deux autres listes. Après deux mandats de gauche, dans un contexte de sanction de la politique gouvernementale, la dynamique électorale a nettement joué en faveur d’un candidat jeune, leader national important des Républicains.
- L’union de la gauche n’a probablement pas convaincu tous les électeurs qui s’étaient portés sur ses différentes listes du premier tour, certains préférant s’abstenir. Or, Jean-Jacques Queyranne, pour l’emporter, avait besoin d’un report complet des voix de la gauche radicale, étant donné la faiblesse de cette tendance au premier tour, contrairement à 2010 et même aux européennes de 2014.
- Enfin, Laurent Wauquiez, outre la conquête de nouveaux électeurs, a aussi récupéré des voix FN du premier tour. Certains électeurs frontistes ont probablement décidé de voter utile pour battre la gauche ; d’autres – venus récemment de la droite, ont rejoint leur camp habituel après avoir manifesté leur mécontentement au premier tour. .
En Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, Richert l’emporte largement… malgré Masseret.
La situation en ACAL a été fortement médiatisée puisque la triangulaire LR-FN-PS dissident a perduré, malgré le retrait de l’investiture du PS à la liste de Jean-Pierre Masseret, et la forte pression du premier ministre. Ce qui se joue dans ce second tour, c’est la participation et le report des voix. Lors du premier tour, L’abstention en ACAL a été la plus importante de France. Au second, un sursaut s’est produit puisque la participation est celle qui a le plus progressé en France : 11 points de plus, soit 58,1 % – ce qui rapproche la participation de l’ACAL de celle de la France dans son ensemble (58,4 %). On retrouve les mêmes zones d’abstention qu’au premier tour : le Toulois, la Moselle, les Ardennes.
Le Front national a donc échoué dans sa conquête de la présidence, comme dans les autres régions. Il obtient sensiblement le même score qu’au premier tour (36,08). La logique du Front républicain a bien fonctionné. On remarquera que le vote FN s’est confirmé dans certaines zones rurales du centre de la grande Région. Et que Florian Philippot a notamment réussi à s’imposer dans deux départements (La Meuse et la Haute-Marne), la zone la plus marginalisée sur le plan économique, social, mais aussi la moins dotée en services publics, de la grande région. Les électeurs y expriment clairement un sentiment d’abandon. Inversement, les grandes villes comme Nancy, Strasbourg et Metz sont restées peu réceptives à la campagne du Front national.
Jean-Pierre Masseret (PS) n’a pas réussi son pari difficile et risqué d’obtenir le score le plus important possible sans favoriser la réussite du FN : il rassemble 16,1 % des suffrages, soit à peu près le même score qu’au premier tour. Cette position était pourtant tenable : Masseret aurait pu espérer siphonner des voix du FN, compte tenu de son faible score au premier tour donnant à penser que certains électeurs du PS avaient voté Front national. Il semble bien que, dans certains départements, Masseret a pu imposer l’image d’un candidat protestataire. De fait, il obtient de bons scores en Meuse et en Haute-Marne (respectivement 19,4 et 18,45 %). Ses scores sont assez bons en Meurthe-et-Moselle (plus de 20 %).
En revanche, il obtient un score à peine supérieur à la moyenne de l’ACAL en Moselle, dans son propre département. Cela peut s’expliquer par la pression du maire de Metz, et surtout du secrétaire d’État aux anciens combattants et sénateur dans ce département (J.-M. Todeschini). La liste Masseret est très nettement sous-représentée en Alsace dans le fief de Philippe Richert, où ce dernier obtient une confortable majorité absolue dans les deux départements (48,4 %) au niveau.
Laurent OLIVIER, maître de conférences, IRENEE, Université de Lorraine; Andre Fazi, Maître de conférences en science politique, Université de Corse Pascal-Paoli; Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique, Université de Bourgogne; Marc Bidan, Professeur des Universités, Management des Systèmes d'Information (MSI), Université de Nantes; Olivier Costa, Directeur de recherche au CNRS (Centre Emile Durkheim), Sciences Po Bordeaux; Pierre Bréchon, professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble et Pierre Mathiot, Professeur des universités en science politique, Sciences Po Lille
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.