- Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
P. A : J’ai réalisé mes études d’abord à Sciences Po Bordeaux, puis à Sciences Po Paris en master et en doctorat. Mon intérêt pour la sociologie politique s’est couplé très tôt d’une curiosité pour un pays sur lequel je me suis progressivement spécialisée, la Turquie. Au CERI, j’ai réalisé entre 2017 et 2022 une thèse sous la direction d’Élise MASSICARD, intitulée « Gouverner avec les femmes, gouverner les femmes sous la Turquie de l’AKP : l’action sociale dans la ville de Gaziantep ». Mes recherches sont à la croisée de la sociologie des partis politiques, de la sociologie de l’action publique, et des études de genre : j’étudie la manière dont les femmes proches du parti AKP (parti islamo-conservateur au pouvoir en Turquie) ont été intégrées à la fois comme militantes et comme actrices des politiques sociales. Je montre notamment que ces militantes, bénévoles et professionnelles du social ont transformé ce secteur d’action publique, tout en en faisant un instrument de fidélisation de l’électorat populaire et féminin. À l’issue de ma thèse, j’ai réalisé un postdoctorat dans le projet Horizon 2020 « TRUEDEM » (Trust in European Democracies), au sein de l’équipe française rattachée à Sciences Po Grenoble. C’est un projet qui réunit douze pays européens et qui étudie les ressorts de la confiance et de la méfiance des citoyens dans les institutions et les élites politiques. Si les cas étudiés sont très différents de mon travail de thèse, j’ai pu contribuer au projet grâce à mes expériences de l’enquête qualitative. J’y ai trouvé de nombreux parallèles avec des questions plus générales sur lesquelles je souhaite continuer à travailler : les relations entre gouvernants et gouvernés et le rôle de l’expérience des services publics dans la socialisation politiques des individus, notamment. Enfin, entre la fin de ma thèse et mon recrutement à l’Université de Lorraine, j’ai également enseigné en tant qu'ATER en science politique à l’Université Rennes 1 puis à l’Université Paris Dauphine-PSL. Je suis ravie d’intégrer aujourd’hui la Faculté de Droit, sciences économiques et gestion de Nancy et l’IRENEE.
C. P : J’ai effectué ma thèse de science politique sous la direction de Dominique COLAS, qui avait été mon enseignant en DEA à Nancy, à l'Université Paris IX.
J’ai ensuite été ATER à l’IEP de Strasbourg, puis chargée de recherches contractuelles pour une unité mixte de recherche CNRS à l'Université de Strasbourg.
Élue maîtresse de conférences à l’Université de Nancy en 2007 au sein de l’IPAG, j’ai également dirigé ma composante de formation de 2012 à 2015, ce qui m’a permis d’appréhender de nombreux aspects du fonctionnement de l‘Université.
Enfin, j’ai soutenu mon HDR en science politique à l’IEP de Starsbourg (sorte de retour aux sources !) en janvier 2022, sous la direction de Jean-Philippe HEURTIN. Et depuis le 1er septembre, je suis Professeure de science politique au sein de l’IAE de Nancy, et membre de l’IRENEE.
- Quels sont vos projets scientifiques pour l'année à venir ?
C. P : Je pilote avec une collègue canadienne, Stéphanie TREMBLAY, Professeure de sociologie à l’UQAM, un projet collectif, réunissant des chercheurs et doctorants de 4 pays, projet intitulé « Les droits contre la démocratie : la mobilisation des droits fondamentaux dans l’opposition aux enseignements d' éducation sexuelle ». Ce projet a obtenu un financement de Libobs, qui est un vaste Observatoire de la Liberté d’Expression financé par le gouvernement du Québec, dont je suis membre.
Il s'agit d'un projet pilote, qui a vocation très rapidement à soutenir un projet plus vaste sur les enjeux de la liberté d’expression en contexte éducatif, les sujets d’enseignement controversés et sur les confusions dans la distinction entre savoir et croire.
Pour l’année à venir, ce projet va donc occuper une bonne partie de mon activité scientifique, avec d’ores et déjà un déplacement à Montréal et un ensemble de publications prévues. Nous travaillons aussi à l’élaboration du projet plus vaste dans lequel celui-ci s’inscrit.
P. A : Je souhaite d’abord prolonger mes activités scientifiques actuelles, notamment en achevant la publication d’un livre tiré de ma thèse, et en poursuivant ma recherche au sein du projet TRUEDEM. Maintenant que l’enquête de terrain est achevée, je souhaite me consacrer à l’analyse des données et à la publication des premiers résultats. Par ailleurs, je voudrais profiter de ma première année comme maîtresse de conférences pour mieux faire connaissance avec mes collègues politistes et juristes à l’IRENEE, avec qui je partage des centres d’intérêt communs, notamment autour des questions de citoyenneté, de l’étude des partis politiques et des transformations de l’action publique. Je suis sûre que des projets collectifs peuvent émerger, que ce soit de manière comparative ou en travaillant sur le cas français.
- Afin de motiver la recherche en science politique, quels conseils donneriez-vous aux futurs doctorants et chercheurs ?
P. A : Je dirais d'abord aux étudiants en cursus de droit qu'un parcours pluridisciplinaire est une richesse, et que la recherche en science politique est avant tout un point de vue porté sur des objets souvent communs au droit, à l’économie, à la sociologie, etc. Je leur conseillerais également d'adopter systématiquement un regard et une attitude comparatiste. Il faut pour cela échanger le plus possible avec des chercheurs et étudiants qui partagent nos questionnements, mais l'appliquent à des cas d’étude différents, et symétriquement, il faut dialoguer avec des personnes qui travaillent sur un cas proche du notre, mais à partir de questionnements ou d'approches disciplinaires différentes. Il me semble que les questions de recherche les plus fertiles naissent de ces pas de côté. Enfin, je dirais que la recherche en science politique doit être défendue, et notamment son autonomie et sa liberté. La science politique est indispensable pour faire sens des grands bouleversements sociaux, environnementaux, politiques que l'on connaît, et la meilleure manière de la défendre est d'en faire.
C. P : La persévérance d’abord ! Mener à bien une thèse est un travail de longue haleine et exigeant intellectuellement, méthodologiquement. J’insisterais aussi auprès d’eux sur la nécessité de considérer le temps de réalisation de la thèse comme une formation à la fois intellectuelle et professionnelle, car elle a véritablement ces deux aspects. Elle ouvre certes à l’élaboration du savoir et de la connaissance, mais elle permet aussi d’acquérir beaucoup d’outils professionnalisants, utiles et valorisés au-delà de la carrière académique.
Prunelle AYMÉ, Maître de conférences en science politique (UFR DSEG Nancy / IRENEE) et Claude PROESCHEL, Professeur de science politique (IAE Nancy / IRENEE).