Marion Tosolini est doctorante au Bureau d’Économie Théorique et Appliquée, où elle réalise une thèse sur les politiques d’emprunt des Communautés Européennes, sous la direction de Yamina Tadjeddine Fourneyron (BETA, UL) et de Caroline Vincensini (IDHES, ENS Paris-Saclay).
Du 14 avril 2025 au 18 juillet 2025, elle est accueillie en qualité de chercheuse invitée au centre Alcide de Gasperi de l’Institut universitaire européen de Florence. Pour elle, ce séjour représente une opportunité exceptionnelle de plonger au cœur des archives historiques de l’Union Européenne et, ce faisant, de faire progresser son travail de recherche.
Factuel a profité du joli mois de l'Europe pour aller à sa rencontre.
Factuel : Peux-tu nous en dire plus sur ton sujet de thèse et tes recherches ?
Marion Tosolini : Ma thèse porte sur l’histoire de la dette européenne.
En voulant m’intéresser à ce qui se passait à l’échelle européenne pendant la crise pandémique, j’ai été attirée par les questions financières et les enjeux autour de l’endettement au niveau européen. L’idée de départ était d’étudier le plan de relance européen pendant la crise sanitaire de COVID-19, qui habilite la Commission Européenne à emprunter sur les marchés financiers. Très vite cependant, je me suis rendue compte que cette vision de la dette en Europe était beaucoup trop réductrice et qu’il était nécessaire de l’inscrire dans une perspective historique. Au final, mes recherches ne se limitent plus à la seule période de pandémie et mon ambition est désormais d’apporter un regard historique aux débats actuels.
Plus précisément, j’étudie les politiques d’emprunt des Communautés Européennes (ancêtres de l’Union Européenne) des années 1950 aux années 1990. Mon travail s’inscrit dans les études sociales de la finance, et j’essaie de comprendre, en premier lieu, comment les différents acteurs se sont entendus pour accorder le droit à la Commission d’emprunter sur les marchés financiers. En second lieu, je m’intéresse plus concrètement à la mise en place des emprunts européens. J’observe alors les relations entre la Commission Européenne et les marchés financiers ainsi que les techniques financières utilisées par la Commission pour se financer sur les marchés.
Factuel : Actuellement, tu es accueillie au centre Alcide de Gasperi de l’Institut universitaire européen de Florence. Pourquoi avoir choisi de séjourner dans ce centre de recherche ?
Marion Tosolini : Les dimensions historique et européenne de mon sujet m’ont poussée à candidater à un visiting au centre Alcide de Gasperi de l’Institut universitaire européen de Florence. En effet, ce centre de recherche est une initiative conjointe du département d’histoire de l’institut et des archives historiques de l’Union Européenne. Il regroupe des chercheurs et des chercheuses de tous horizons qui travaillent globalement sur l’histoire de l’intégration européenne et à partir d’archives historiques. Les recherches qui y sont menées sont très diverses, mais elles ont toutes pour point commun de s’intéresser à l’Europe, comme ma thèse.
J’ai pu présenter mes recherches doctorales au séminaire du Centre Alcide de Gasperi en mai 2024, où j’y ai rencontré les chercheurs et chercheuses du centre. Ce court déplacement m’a permis de prendre connaissance du centre et plus largement de l’institut européen de Florence. En début d’année universitaire 2025, après avoir approfondi mes recherches, séjourner plus longuement au sein de ce centre paraissait être une belle occasion pour continuer ma thèse. J’ai alors contacté Emmanuel Mourlon-Druol qui m’avait accueilli lors du séminaire, et qui a accepté de m’accueillir plus longuement dans le cadre d’un visiting. Il est professeur d’histoire à l’institut, et c’est surtout un grand spécialiste de l’intégration monétaire européenne et plus généralement de l’histoire de l’intégration européenne. Je le connaissais principalement pour avoir beaucoup lu ses travaux dans le cadre de mes propres recherches. Pouvoir travailler à ses côtés, au sein d’un centre spécialisé dans l’histoire de l’intégration européenne, était une occasion rêvée pour moi. De plus, je savais qu’être sur place me permettrait d’aller très facilement aux archives historiques de l’Union Européenne, où je pourrais consulter des documents sur les emprunts CECA qui manquaient à mon travail.
Au final, j’y effectue un séjour de trois mois, qui a été possible grâce à un double financement, obtenu auprès de deux des tutelles du BETA. J’ai ainsi décroché une aide à la mobilité de l’institut thématique MAKErS de l’Université de Strasbourg, qui est un programme de recherche interdisciplinaire sur les questions européennes. Et j’ai également pu bénéficier d’un cofinancement de mon école doctorale, l’ED SJPEG de l’Université de Lorraine.
Factuel : Selon toi, que va t’apporter cette expérience à l’étranger ?
Marion Tosolini : Je mesure tous les jours la chance inouïe qui est la mienne.
Poursuivre mes recherches à l’institut européen est idéal au regard de mon sujet de thèse qui repose quasi exclusivement sur un travail archivistique. Je bénéficie d’un accès direct et facilité aux archives historiques de l’Union européenne, ce qui me permet d’avancer rapidement sur ma thèse. En exploitant des documents de première main, je consulte des données qui me manquaient et qui viennent compléter et éclairer d’un jour nouveau certains points de mes recherches. Par exemple, j’ai enrichi ma collecte d’archives sur les emprunts de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), avec des documents sur les négociations du Plan Schuman. En outre, il me manquait des documents pour comprendre les points de débat au début des années 1960 sur les emprunts aux États-Unis, alors que ces derniers connaissent un déficit de balance des paiements et tentent d’éviter les exportations de dollars. J’ai ainsi pu consulter des comptes rendus de réunion où les ministres de finance discutent de ce point. J’ai également pu mettre à profit ma présence à Florence pour consulter des archives d’Euratom sur un emprunt de 1959 aux États-Unis.
En outre, l’institut est un lieu d’échanges et un centre intellectuel extrêmement stimulant. De nombreux workshops et séminaires sont proposés et je profite d’être sur place pour y assister. Je rencontre tous les jours des personnes brillantes, avec des parcours et des méthodes différents des miens. De ces personnes, j’apprends beaucoup, sur une multitude de sujets. Grâce à l’interdisciplinarité, je découvre d’autres points de vue et d’autres manières d’appréhender un même objet d’études. Cela influe sur ma propre manière de réfléchir et m’offre une forme de recul sur mon propre travail. J’ai ainsi pu discuter avec des chercheur·es en droit, qui ont des connaissances très approfondies sur la construction juridique des Communautés Européennes. Ces échanges apportent un autre point de vue sur mon sujet, qui me permet de prendre conscience de certains éléments qui me paraissaient anodins, car je n’ai pas une formation en droit.
En résumé, ce séjour à l’institut européen est excellent pour chaque pan de la vie en thèse. J’améliore mes connaissances sur mon sujet, mais également sur l’histoire de l’intégration européenne. Je collecte de nouvelles données et matériaux. Sur un plan relationnel, je fais des rencontres formidables, dans un cadre idéal. Je suis sur place seulement depuis quelques semaines, mais je suis déjà certaine que ce séjour représentera un moment central dans l’avancée de ma thèse, et plus largement dans ma formation intellectuelle.