Repensons le modèle du secteur économique de l’eau avec l’économiste Alexandre Mayol

 
Publié le 14/03/2025 - Mis à jour le 17/03/2025

Expert reconnu en économie de l’eau, Alexandre Mayol, maître de conférences HDR en sciences économiques à l’Université de Lorraine et titulaire de la Chaire Ressources Naturelles et Economie Locale (RENEL), était présent au Salon International de l’Agriculture 2025. Il y était invité par Le Figaro TV à participer à l’émission « Terres des hommes » consacrée à la raréfaction de la ressource en eau.

A cette occasion, il a rappelé la nécessité de repenser le modèle économique de ce secteur, un discours qu’il tient depuis plusieurs années déjà mais qui devient de plus en plus audible depuis la sécheresse de 2022.  

Alexandre Mayol, expert reconnu en économie de l’eau

Docteur en sciences économiques, Alexandre Mayol est l’auteur d’une thèse intitulée « Essais sur les déterminants et l’efficacité de la tarification des services publics » réalisée sous la direction de Carine Staropoli à Paris School of Economics - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qu’il soutient en 2017.

Recruté en 2018 à l’Université de Lorraine en qualité de maître de conférences à la Faculté de Droit, Economie et Administration de Metz, il est rattaché pour ses travaux de recherche au BETA. En 2023, il obtient son habilitation à diriger des recherches à l’Université Paris 2 sous la direction de Bruno Deffains.

Son appétence pour l’économie de l’environnement et pour l’évaluation des politiques publiques le conduit en 2021 à fonder la chaire Ressources Naturelles et Economie Locale (RENEL), dont il est titulaire. 

Une partie de ses travaux de recherche porte sur la régulation des industries de réseaux, et plus particulièrement dans les secteurs de l’eau et de l’électricité en France. Il a notamment publié sur l’évaluation des différents modes de tarification de l’eau potable en France. La renommée de ses recherches dans ce domaine l’a conduit à plusieurs reprises à réaliser des missions d’expertise. Il a notamment été auditionné par la Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences de l’Assemblée Nationale en mars 2021 et par la Commission Économie et finances du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) en octobre 2023 sur des questions de tarification de la ressource en eau.

Depuis la sécheresse de 2022, il est régulièrement invité à intervenir dans les médias pour apporter un éclairage scientifique et économique sur les enjeux liés à la gestion de l’eau et à la détermination de son prix par les collectivités. 

La sécheresse de l’été 2022, un tournant décisif pour la gestion de la ressource en eau

La sécheresse de l’été 2022 a permis une prise de conscience nationale en mettant en lumière les conséquences du changement climatique sur la disponibilité de l’eau. « 700 communes pendant la sécheresse 2022 ont été ravitaillées par camion-citerne. Quasiment 90% des départements ont été soumis à des restrictions d’usage pendant cette sécheresse », rappelle Alexandre Mayol.

Il est donc nécessaire de réfléchir à long terme et d’investir pour rénover les infrastructures et être mieux préparé à faire face à ces problèmes de disponibilité. « Un milliard de m³ sont perdus chaque année à cause des fuites, soit la consommation de 20 millions d’habitants ». Or, cet investissement a un coût. Alors qu’auparavant, le surcoût à court terme engendré par la réparation pouvait conduire à conserver de grosses fuites, l’événement exceptionnel de 2022 invite à se replacer dans un temps long, au-delà des seuls objectifs de rentabilité.

La tarification progressive de l’eau, fausse bonne idée ?

La tarification de l’eau constitue un levier pour plus de sobriété. Elle est décidée par les collectivités et varie selon les contraintes propres à chaque territoire. 

La tarification progressive de l’eau a été permise par la loi Brottes de 2013. Celle-ci permet notamment de moduler la tarification, par palier, en fonction de la consommation : plus vous consommez, plus vous payez.  

Alexandre Mayol a pu étudier et évaluer l’expérience de la Ville de Dunkerque, qui est la première grande ville de France à avoir mis en place un système de tarification progressive de l’eau. Si le système permet bien une baisse globale de la consommation d’eau des ménages, le chercheur met en avant l’inégalité d’un système qui pénalise les gros consommateurs d’eau, parmi lesquels les familles nombreuses.

Par ailleurs, cette baisse de consommation soulève la question du financement de la rénovation. « Il y tendanciellement une baisse de la consommation d’eau. Ce qui pose aussi un problème économique […] moins on consomme, moins il y a de recettes pour les opérateurs. Dans ces cas-là comment finance-t-on la rénovation ? »

La répercussion de cette rénovation des infrastructures doit donc être prise en compte dans la fixation du prix de l’eau pour les consommateurs indépendamment de leur consommation réelle. En effet, il faut que les usagers comprennent que l’eau est une ressource commune et partagée, et que tous doivent être mis à contribution de manière partagée.

Mise en garde contre les conflits d’usages

Quoi qu’il en soit, la hausse des prix de l’eau sur le long terme est incontournable et ne doit pas concerner les seuls particuliers. Alexandre Mayol rappelle en effet que les ménages ne représentent que 20% de la consommation annuelle en eau, tandis que l’agriculture en représente 50% et l’industrie 30%. Or, cette mise à contribution partagée doit concerner tout le monde. Les revendications de priorité d’usage, les coûts de transaction politiques et l’attractivité des territoires ne sauraient peser face à un investissement indispensable pour l’avenir.

 

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