L'étude des chartes : un travail d'enquête

 
Publié le 13/04/2015
ChLor 107 (AD Meuse, 4 H 83, n° 1)

La journée d’études sur les Actes des laïques/actes des ecclésiastiques : la production de l’écrit documentaire dans l’espace lotharingien, organisée par l’Atelier diplomatique du Centre de recherche universitaire lorrain d’histoire (CRULH), était basée sur l’exploitation de la base de données des chartes originales de 1121 à 1220, projet mené par Christelle Balouzat-Loubet et Jean-Baptiste Renault.

Il y a plusieurs manières d’étudier le passé. La journée d’études Actes des laïques/actes des ecclésiastiques : la production de l’écrit documentaire dans l’espace lotharingien proposait de s’attacher aux caractères externes des chartes* rassemblées dans la base Chartes originales (1121-1220) conservées en France, c’est-à-dire à leur aspect visuel : format du manuscrit, style de calligraphie, mise en page, technique d'apposition du sceau.

Cette base, mise à disposition du public en 2013, est l'héritière d'un long travail de recherche. En 1966, Jean Schneider, médiéviste nancéien, lance le recensement des chartes lorraines. Le travail n’est bien entendu pas informatisé et les moyens disponibles sont rudimentaires, mais ils fournissent une base d’exploration de ce patrimoine. Il s’agit de recenser, réunir, classer et photographier les différents documents existants.
Il faut attendre les années 1990 pour envisager la construction d'une base de données informatique. Un premier outil, recensant les chartes originales antérieures à 1121 conservées en France, est mis en ligne en 2010. Il regroupe 5 000 actes pour l’ensemble du territoire français.

C’est dans la continuité de ce travail que se situe la base Chartes originales (1121-1220) conservées en France. Sa constitution relève du travail d’enquêteur : au sein des archives départementales, il s’agit de repérer les anciennes chartes, de les prendre en photo et de les expertiser : sont-elles authentiques, des faux, ou des copies ? Il faut aussi les transcrire, ce qui, pour un œil de néophyte, relève de l'exploit, tant la calligraphie utilisée se démarque de nos habitudes. Jean-Baptiste Renault ne s'effraie pas et associe la transcription à

« un jeu de devinette. Pour l’époque prise en compte dans notre base, ce n’est pas extrêmement compliqué si on a suivi des enseignements de paléographie. Par contre, ça se corse à partir du XIIIe siècle, où on écrit plus vite, du coup, c’est plus difficile à déchiffrer. Sans parler de certains Actes sur papyrus  de l’époque mérovingienne que seuls 5 ou 6 spécialistes sont capables d'analyser. »

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ces documents ne sont pas dédiés aux seuls historiens. La vocation originelle de la première base était  même d'être utilisée dans la recherche linguistique.

« Ces chartes permettent d'étudier l'évolution du vocabulaire, et ainsi de dater les différentes évolutions du latin. Et plus largement des pratiques : on voit ainsi apparaître vers 1230-1240 les premiers actes en langue vernaculaire. Nous n'avons malheureusement que peu de temps pour ce type d'études..., regrette Jean-Baptiste Renault. La base recense 700 chartes, mais il nous en reste encore autant à intégrer. »

Avec l'espoir, un peu utopique au vu de l'ampleur des travaux, de finaliser la base pour 2016, année anniversaire des 60 ans du projet.

 

> Consulter la base Chartes originales (1121-1220) conservées en France

La base Chartes originales (1121-1220) conservées en France est réalisée par l’Atelier diplomatique du CRUHL en partenariat avec l’IRHT (Institut de recherche et d’histoire des textes) du CNRS, qui en assure la mise en ligne sur son portail TELMA (Traitement électronique des manuscrits et des archives).

 

* Les chartes sont des actes administratifs enregistrant diverses transactions, des donations aux abbayes, des ventes et des échanges...