Urbanloop : le transport à la demande autonome lancé pour les JO 2024

 
Publié le 5/06/2024 - Mis à jour le 6/06/2024
Des capsules de deux passagers, disponibles à la demande, pour équiper en transports les zones de moyenne densité. Cette idée iconoclaste, dont la première ligne sera lancée pour les Jeux Olympiques 2024, est développée en coopération avec plusieurs laboratoires sous tutelle du CNRS et de l'Université de Lorraine.
 
Un nouveau mode de transport qui pourrait changer les habitudes de centaines de villes en France. C’est le projet fou d’Urbanloop, une société lorraine, pur produit de la région Grand Est. « Nous avons lancé un projet étudiant à l’École nationale supérieure d’électricité et de mécanique (Ensem) en 2017, alors que j’y étais le directeur des études, explique Jean-Philippe Mangeot, désormais CEO de la société. Le but était de résoudre le problème du transport dans les zones de moyenne densité, là où est émis le plus de gaz à effet de serre. »
 
Quand il n’y a pas de tramway et encore moins de métro, les rares bus ont souvent des intervalles de 10 à 20 minutes. Une fréquence qui incite finalement trop de monde à prendre la voiture. « C’est ce que l’on appelle le discriminant modal de l’usager qui agit selon plusieurs critères. Le premier est le temps de trajet, puis la fiabilité, le confort et la sécurité, le prix et enfin l’impact sur l’environnement, explique-t-il. Notre approche nouvelle, qui remettait en cause le principe du transport en commun, a été de fractionner le flux en petits éléments pour améliorer cette fréquence. Au lieu de mettre tous les sièges dans la même boîte, nous les avons répartis dans plusieurs petites boites. »
 

Du projet étudiant aux laboratoires de recherche

Conçues pour seulement deux passagers, ces capsules autonomes circulent donc sur des rails entre plusieurs stations. Les voies de ces dernières étant dérivées du flux principal, elles peuvent donc y attendre les usagers sans le perturber, à la manière d’une station de taxis. Les voyageurs peuvent aller directement à la station de leur choix, sans aucun arrêt ; un vrai transport à la demande. Une idée simple et brillante sur le papier, mais qui a pris plusieurs années de développement, d’une première simulation informatique à une maquette grandeur nature de 300 m dans le jardin de l’Ensem à Vandœuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle).
 
Car les défis technologiques sont multiples et inédits pour un mode de transport aussi innovant. « Il faut savoir gérer plusieurs capsules sur les voies, éviter les effets d’accordéon tels qu’ils existent dans les bouchons automobiles, mais aussi s’adapter à l’environnement, la pluie, les montées, les descentes, etc. », détaille Jérémie Kreiss, maître de conférences à l’Ensem et au Centre de recherche en automatique de Nancy (CRAN – CNRS/Université de Lorraine). Le projet répond à des enjeux si importants pour Urbanloop et le secteur des transports en général qu’il a été financé par l’Agence nationale de la recherche.
 

« Pour un chercheur, c’est un rêve »

Abdelkader Lahmadi est maître de conférences au Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications (Loria – CNRS/Université de Lorraine/Inria/CentraleSupelec), c’est lui qui pilote depuis février 2024 le projet ANR COMMITS1. « Urbanloop SAS, le CRAN, le Loria, mais aussi le Cnam travaillent main dans la main pour faire sauter les verrous scientifiques nécessaires à rendre le système encore plus fiable et capable d’absorber une charge d’échelle », se réjouit-il. Pour cela, une intelligence artificielle prédictive devra gérer l’ordonnancement pour envoyer les capsules vides vers les stations les plus fréquentées. Mais il faudra donc aussi contrôler leur circulation à très large échelle, avec à terme des milliers de capsules sur une même boucle : « Dans le futur, le système logiciel devra être capable de les gérer en temps réel et en toute autonomie, les ordonner, les contrôler, leur vitesse, le passage aux intersections ou encore l’arrêt en cas d’obstacles ».
 
Un projet qui enthousiasme son responsable : « Nous aurons accès à une plateforme expérimentale pour tester les algorithmes, une chose pas facilement accessible dans la recherche, surtout sur un système nouveau avec des contraintes très fortes. Pour un chercheur, c’est un rêve ». « Au début le projet était prématuré pour lancer des grandes activités de recherche, mais maintenant que l’activité industrielle est lancée, c’est un plaisir de travailler en partenariat avec les chercheurs qui ont cru au projet très en amont », se félicite quant à lui Jean-Philippe Mangeot.
 
Les équipes pourront également accéder à une importante masse de données issues de l’exploitation de deux lignes en cours de construction : celle de Saint-Quentin-en-Yvelines qui desservira un site des Jeux olympiques dès cet été et celle, plus longue, de Nancy qui sera mise en service en 2027. Avec à la clé, la conception d’une nouvelle génération d’Urbanloop capable de desservir des territoires de plus en plus vastes.
 
[1] Projet ANR baptisé COMMITS pour « COnverged coMMunication, control and scheduling Infrastructure for multi pods-based Transport Systems »
 
© CNRS InnovationJean-Sébastien Zanchi