Factuel est allé à la rencontre d’Hervé Kempf, chercheur Inserm au laboratoire IMoPA « Ingénierie Moléculaire, Cellulaire et Physiopathologie » (CNRS, Université de Lorraine). Découvrez son parcours, son équipe et son domaine de recherche : les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans la calcification ectopique des tissus, notamment cartilagineux.
Pouvez-vous présenter votre parcours et vos missions actuelles ?
Hervé Kempf : "Depuis tout jeune, je suis passionné par ce qui a trait à la nature, la biologie, la botanique ou la zoologie. Titulaire d’un DEA (Diplôme de troisième cycle, progressivement remplacé par le master) au Collège de France, (mon travail de recherche portait sur le récepteur de l'angiotensine dans l'embryon de poulet), j'ai poursuivi avec une thèse concernant le rôle des peptides vasoactifs (tels que l'angiotensine ou l’endothéline) dans le développement cardiovasculaire et craniofacial, en utilisant l'embryon de poulet comme modèle. Pendant ma thèse, j'ai notamment mis au point une technique d’inactivation pharmacologique de molécules dans l’embryon de poulet aussi efficace qu’un « knock-out » chez la souris (une technique de ciblage génétique permettant l’inactivation d’un gène). Ensuite, je suis parti étudier les étapes précoces du développement cardiovasculaire et du cartilage à Harvard Medical School, à Boston aux États-Unis de 2000 à 2005. C’est en tant que maître de conférence associé au Collège de France que j'ai fait mon retour en France avant d'être recruté à l’INSERM comme Chargé de Recherche pour poursuivre mon travail sur le développement de calcifications vasculaires dans le modèle souris. En 2010, j'ai rejoint une équipe au laboratoire IMoPA à Nancy pour travailler sur les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans la calcification ectopique des tissus, notamment cartilagineux."
Pouvez-vous nous présenter votre équipe ?
Hervé Kempf : "CR Inserm, je suis actuellement responsable de l'équipe 8 du laboratoire IMoPA composée de 9 personnes dont 7 statutaires avec Nathalie PRESLE, Arnaud BIANCHI et Meriem KOUFANY ,respectivement chercheuse, ingénieur de recherche et ingénieure d’étude CNRS, Emilie VÉLOT, Pascale POTTIE, et Cécile GUILLAUME, respectivement Maîtres de Conférence et technicienne à l’Université de Lorraine et enfin deux contractuels en les personnes d’Elodie BAPTISTA, une post-doc financée par un projet européen (European Joint Programme on Rare Diseases EJP-RD) et Romain HUGON doctorant en première année bénéficiaire d’un financement de thèse du CNRS."
Quel est votre domaine de recherche ?
Hervé Kempf : "Mon domaine de recherche concerne notamment les calcifications ectopiques que l’on retrouve dans différentes maladies. Nous nous focalisons dans l’équipe sur deux types de pathologies : une maladie chronique, l’arthrose dans laquelle les processus de calcification du cartilage articulaire sont des mécanismes importants ; et une maladie rare, le syndrome de Keutel, dont les patients développent des calcifications de différents tissus, en particulier les cartilages.
Pour nos recherches, nous utilisons des approches moléculaires, cellulaires, et également des modèles pré-cliniques murins. Par exemple, nous étudions les mécanismes de calcifications ectopiques dans le seul modèle animal résumant le syndrome de Keutel, celui de la souris mutée pour le gène qui code pour la protéine matricielle GLA (MGP). Il nous permet de comprendre le rôle de cette protéine en tant qu’inhibiteur puissant des calcifications. Grâce à ce modèle animal, nous avons ainsi ces dernières années décrit et étudié en détail les calcifications qui touchent les tissus cardiovasculaires, les tissus squelettiques ou encore l’arbre trachéo-bronchique. Alors que ce dernier n’avait jamais été étudié, sa caractérisation récente par notre groupe a permis la mise en évidence d’une calcification ectopique des voies respiratoires qui pourrait expliquer les complications respiratoires (toux, dyspnée et infections) rencontrées par les patients atteints du syndrome de Keutel.
Quelle serait la prochaine étape pour vos recherches ?
Hervé Kempf : "Elle est déjà en cours et est menée principalement par notre chercheuse post-doctorale, Elodie BAPTISTA et notre doctorant Romain HUGON. Il s’agit d'étudier un peu plus en détail les mécanismes à l'origine de cette calcification des voies respiratoires et ses conséquences physiopathologiques sur la fonction épithéliale, en essayant de répondre à des questions comme : est-ce que la calcification affecte la quantité et/ou la qualité de mucus ? Est-ce que cela affecte le battement des cils motiles de l'épithélium et donc la clairance mucociliaire qui est responsable de l’expulsion des microbes vers l'extérieur ?
Que pourrait changer cette découverte pour les patients ?
Avant d’extrapoler les résultats obtenus chez la souris à l’homme, nous souhaitons d’abord affiner la caractérisation de ces calcifications sur notre modèle pré-clinique. Notre collaboration avec un groupe clinique en charge de patients Keutel nous permettra ensuite d’explorer la présence éventuelle de ces calcifications dans la muqueuse trachéale et leur implication dans leurs complications respiratoires. Mais, nous sommes ici sur des perspectives à moyen ou long terme, et il reste beaucoup à découvrir et à réaliser avant d’envisager des études cliniques."