En écho à l'édition 2023 de la Journée internationale des femmes et des filles de science, Arnaud Fischer propose une conférence intitulée « La marquise du Châtelet : une physicienne des Lumières ».
Elle sera donnée à deux reprises, les samedi 11 février à 14h30 et mercredi 1er mars à 20h, en amphithéâtre nº8 du Campus Sciences et Technologies de Vandœuvre-lès-Nancy.
L'entrée sera gratuite dans la limite des places disponibles ; la réservation électronique à l'adresse arnaud.fischer@univ-lorraine.fr est recommandée.
Le résumé de ce programme est le suivant :
« Issue d’une famille ayant, de longue date, servi le royaume de France, Gabrielle-Émilie le Tonnelier de Breteuil bénéficie d’une éducation inédite pour une adolescente du début du dix-huitième siècle. Mariée à l’âge de 19 ans à un militaire bienveillant et compréhensif, elle plonge sans retenue dans le tourbillon parisien. L’amoureuse fantasque décourage ses amants, feignant le suicide avec le comte de Guébriant, poursuivant sans relâche Maupertuis, son professeur... C’est finalement avec Voltaire qu’elle noue une relation privilégiée. À Cirey-sur-Blaise, sur les terres de son époux absent, elle devient la muse du philosophe, dont elle abrite l’exil.
Dans une époque qui voit la science expérimentale enthousiasmer les salons, la demeure du marquis du Châtelet est dotée d’un cabinet. Acharnée au travail, Émilie l’investit dans le cadre de sa découverte de la mécanique. En compagnie de Voltaire, elle héberge Algarotti, dont le Newtonianisme pour les dames, à l’instar des Entretiens sur le pluralité des mondes, que Fontenelle a rédigés soixante ans plus tôt, prétend initier à la physique celles dont l’instruction n’accorde toujours aucune place à la science – et pour cause : les misogynes croient la puissance génitrice de l’utérus responsable d’une consécutive faiblesse du cerveau féminin !
La tonalité trop légère de l’ouvrage d’Algarotti incite Voltaire à livrer, à travers ses Éléments de la philosophie de Newton, un manifeste plus rigoureux en faveur du savant britannique, dont les intuitions relatives à l’aplatissement terrestre aux pôles sont alors brillamment confirmées. L’écrivain, qui a assisté aux obsèques solennelles de Newton à Londres en 1727, est le premier à relayer l’épisode de la pomme ayant inspiré la théorie de la gravitation, qu’il tient de la nièce du scientifique.
Comme Voltaire, mais sans l’en informer – et, hélas, sans davantage de succès que lui –, Émilie concourt pour un prix de l’Académie royale des sciences, qui récompense la meilleure dissertation sur la nature et la propagation du feu. Forte de ce premier pas dans le monde scientifique, elle propose ensuite, via ses Institutions de physique, un manuel tentant de réconcilier les idées de Descartes, de Newton et de Leibniz.
À l’issue de longues années de bonheur commun à Cirey, Émilie et Voltaire finissent par s’éloigner : volontiers courtisan, l’écrivain préfère les marques d’estime du roi Frédéric II de Prusse aux accès passionnés mais parfois tyranniques de celle dont il se lasse d’éponger les dettes de jeu, mais dont il reste le grand ami. Passionnée de théâtre et d’opéra, convaincue de l’échappatoire que l’étude représente pour qui souhaite se consoler de la désillusion amoureuse, la Marquise distille, au fil de son Discours sur le bonheur, quelques conseils pour adoucir l’existence.
Tandis qu’elle s’attelle, à près de quarante ans, à ce qui restera, durant plus de deux siècles, l’unique traduction française des Principes mathématiques de la philosophie naturelle de Newton, Émilie, invitée par Stanislas, rencontre, à Lunéville, le lieutenant Saint-Lambert, dont elle se retrouve enceinte. Sans avoir pu terminer le commentaire qu’elle avait entrepris du chef-d’œuvre qu’elle vient de traduire, elle meurt quelques jours après l’accouchement. Aidé du mathématicien Clairaut, Voltaire se chargera de faire publier, à titre posthume, les derniers travaux de l’une des plus étonnantes physiciennes de son temps, injustement desservie par les portraits assassins qu’ont inspirés la jalousie de ses contemporaines ou la partialité des écrivains du dix-neuvième siècle ».