Ingénieur de recherche CNRS dans l’équipe Microstructures et contraintes de l’Institut Jean Lamour (IJL), Benoît Denand fait partie des Talents CNRS 2022 et recevra à l’automne une médaille de cristal. Et c’est bien normal pour lui qui a conçu un four transportable sur ligne synchrotron afin d’étudier les changements de structure cristalline d’alliages métalliques.
Quel a été votre parcours ?
Originaire d’Epinay-sur-Seine, je suis diplômé de Sup Galilée, l’école d’ingénieurs de l’Université Paris 13, après avoir obtenu un DUT Mesures Physiques de l’Université Paris 8. J’ai fait mes premières armes chez Alstom, en Suisse, où j’ai travaillé sur la protection des tubes de refroidissement contre la corrosion et l’oxydation pour les centrales thermiques. Puis j’ai réussi un concours d’ingénieur d’études du CNRS et je suis arrivé en 2005 au Laboratoire de Science et Génie des Matériaux et de Métallurgie à Nancy. Le LSG2M a été intégré à l’IJL en 2009. J’y étais responsable d’une plateforme d'essais dédiée à la métallurgie, constituée de huit équipements (dilatomètres et machines thermomécaniques). J’ai travaillé sous la supervision d’Elisabeth Gautier, directrice de recherche CNRS, spécialiste de la métallurgie, qui m’a impliqué dès le début dans des projets de recherche. C’est grâce à elle que j’ai fait ma première mission sur synchrotron à l’ESRF, à Grenoble. Je suis devenu ingénieur de recherche en 2019, année pendant laquelle j’ai commencé à travailler sur une thèse de doctorat.
Quelles sont vos fonctions actuelles ?
A mes débuts, j’étais essentiellement en charge du parc instrumental, je réalisais la maintenance et les essais, je formais des étudiants et je participais aux projets de recherche de mon équipe. Aujourd’hui je suis directement impliqué dans les projets de recherche ; je gère des projets et je rédige des articles scientifiques. Cette évolution vers la recherche s’est opérée graduellement, grâce notamment au projet PROMITI financé par la Fondation de Recherche pour l’Aéronautique et l’Espace (FRAE), qui proposait une approche multi-échelles des propriétés et des microstructures d’alliages de titane β-métastable. Dans ce projet, j’ai eu en charge l’étude expérimentale de la formation des microstructures et des propriétés mécaniques résultantes de l’alliage de titane Ti17. J’ai présenté ces résultats au cours de ma 1ère conférence internationale en 2011. Un autre collègue, Jean-Pierre Sarteaux, m’a transmis le goût pour le développement instrumental, avec cette volonté de toujours chercher à améliorer l’existant. Le fait d’allier les deux dimensions – recherche et technique – me permet de concevoir des équipements qui vont servir la recherche. Actuellement, je travaille notamment sur deux projets financés par l’Agence Nationale de la recherche (ANR). Dans le cadre du projet ALTITUDE (Nouvel alliage de titane haute température pour applications aéronautiques de demain), je suis pilote de la tâche relations microstructures/propriétés. Au sein du projet ECUME (Interactions courants électriques et évolutions microstructurales), je réalise un doctorat dans le cadre de mes activités. Je collabore aussi avec d’autres laboratoires académiques comme avec le Centre des Matériaux (CDM) d’Evry, en partenariat avec SAFRAN, sur l’étude microstructurale d’un alliage Ti2AlNb. Dans ce contexte, j’ai encadré deux stagiaires de Master et ce travail va donner lieu à un article scientifique. J’ai par ailleurs collaboré avec le laboratoire SIMAP (Science et Ingénierie des Matériaux et Procédés), lors d’une session sur le synchrotron DESY en Allemagne sur les cinétiques de transformations de phases d’aciers à gradients de composition chimique. Cela a été valorisé dans deux articles scientifiques. Cette collaboration se poursuit avec notamment une licence d’exploitation de brevet, un projet France Relance et un projet européen qui viennent de démarrer. Je suis aussi impliqué dans le Projet DIAMS (Conception par intelligence artificielle et données à haut débit d’alliages avancés et de concepts métallurgiques innovants pour applications structurales) dans le cadre du PEPR DIADEME (Dispositifs intégrés pour l’accélération du déploiement de matériaux émergents). Il s’agit de l’un des quatre premiers Programmes et Equipements Prioritaires de Recherche (PEPR) exploratoires du PIA4. Dans le projet DIAMS, l’un des axes concerne la métallurgie combinatoire où il s’agit de générer rapidement des bases de données expérimentales conséquentes et fiables avec peu d’essais. Dans le cadre de ce projet, je travaillerai au développement de nouveaux appareillages adaptés aux sources synchrotron.
Quel aspect de votre travail est récompensé à travers cette médaille ?
J’ai conçu et réalisé un four transportable sur ligne synchrotron, qui a fait l’objet d’une publication de brevet international en 2019. Il existe sur le marché des moyens pour réaliser des traitements thermiques sur des alliages métalliques, mais il leur manque des spécificités (rotation de l’échantillon en continu, mesure de résistivité électrique, homogénéité thermique, etc.) permettant d’aborder certaines thématiques scientifiques émergentes. Développer cet appareil au plus près des besoins de la recherche et en le rendant le plus versatile possible a permis des avancées importantes. Je n’ai donc cessé de le faire évoluer depuis sa première utilisation à l’ESRF en 2014 afin de répondre au mieux aux objectifs posés.
Pouvez-vous nous parler de la thèse sur laquelle vous travaillez ?
Dès mon entrée au CNRS, j’avais envie d’aller vers la recherche. Le fait de côtoyer de nombreux doctorants m’a donné envie de faire une thèse. C’est resté dans un coin de ma tête jusqu’à ce qu’on me propose un sujet. C’est Benoît Apollaire, professeur dans mon équipe, qui m’a proposé de faire une thèse dans le cadre du projet ANR ECUME. On a commencé à y réfléchir en 2019 et je suis inscrit à l’Ecole Doctorale Chimie Mécanique Matériaux Physique (C2MP) de l’Université de Lorraine depuis septembre 2021. Mon sujet porte sur l’étude quantitative des cinétiques de transformations de phases par résistivité électrique de deux alliages de titane. La résistivité électrique est une méthode indirecte qui permet de suivre les changements de structure cristalline. Le but de ce travail est donc de pouvoir quantifier les fractions de phases formées par résistivité électrique dans ces alliages sous sollicitation thermique. Ces travaux sont co-encadrés par Yann Le Bouar, directeur de recherche CNRS au LEM – ONERA. C’est un challenge purement personnel que j’avais envie de relever depuis des années. Cela m’apporte des méthodes de travail et d’investigation beaucoup plus poussées et me donne encore plus de rigueur. A l’heure actuelle, j’ai quasiment réalisé toute la partie expérimentale de ma thèse ; il me reste l’aspect modélisation, puis il y aura la rédaction et la valorisation, avec une conférence prévue lors du Congrès Matériaux 2022, à Lille. Si tout se passe bien, je devrais soutenir fin 2023 !