Résumé du projet
Le projet Vécu transgenre : approches psychologiques, sociologiques et juridiques est un projet pluridisciplinaire dont l’ambition est de mobiliser ces trois sciences pour appréhender de manière complète et globale le vécu des personnes opérant une transition d’un genre à l’autre. Si le droit a longtemps limité son approche à la notion de transsexualisme, conditionnant la production d’effets juridiques à une transformation du corps d’ordre biologique, l’assouplissement des conditions de modification de la mention du sexe à l’état civil aboutit à la prise en compte d’une transition plus sociale que biologique et, conséquemment, à la reconnaissance d’un vécu transgenre et non plus seulement transsexuel. Il s’agit de mettre cette évolution législative en perspective avec les approches psychologiques et sociologiques de la question, afin notamment d’évaluer son adéquation avec les attentes sociales sur la question.
Contexte, objectifs, thématiques et enjeux
Ce projet consiste à observer et questionner le processus de transition des personnes transgenre et à déterminer s'il existe des profils psychologiques et sociologiques différents selon les situations (transition du genre masculin vers le genre féminin, tôt dans la vie du sujet ou plus tardivement, transition du genre féminin vers le genre masculin), quelle est l'influence des normes juridiques sur le vécu de cette transition et quelle est leur perception par les sujets.
D’un point de vue psychologique, rappelons qu’étymologiquement "sexe" vient du latin secare qui veut dire couper, diviser, "le sexus étant le partage d’une espèce en mâle et en femelle". Mais la notion de nature s’accommode mal du genre en tant que production de la culture. On croit décrire les catégories de l’être mais on ne fait que décrire les catégories verbales avec lesquelles on pense, pour reprendre la critique de Benveniste (1966) faite à Aristote. Le genre marque donc une distinction entre masculin et féminin dont la différence ne fait pas la réciprocité. Elle indique un écart. C’est ainsi que la question du genre, qu’il soit normé ou dénoncé au niveau politique, interroge toujours les sujets au cas par cas. Cette notion est là en chacun en tant qu’elle éveille la question de ce que nous désirons et de qui nous désirons à la fois sexuellement et amoureusement. Le genre, n’est donc pas présent en tant que détermination mais en tant que questionnement, qui perdure tout au long de la vie et peut parfois constituer un point d’identification des sujets, plus fréquemment à l’adolescence, mais également à l’âge adulte. L’évolution des conditions juridiques d’acquisition de la reconnaissance par la société est dès lors susceptible d’influencer ce questionnement.
En socio-anthropologie, la question des transidentités s’est progressivement détachée des études autour du transsexualisme - plus orientées vers des approches biologiques et médicalisées - afin d’en privilégier les dimensions sociales (Alessandrin, 2018). Les recherches visent à comprendre les réalités vécues tant par les personnes transgenres qui vivent dans un genre différent de celui qui leur a été assigné que par les personnes transsexuelles qui, par la transition médicale, cherchent à obtenir un corps en conformité avec celui du genre recherché (Espineira, 2015). En filigrane les postures des individus interrogent l’idée d’(in)visibilité sociale (avec des stratégies d’aménagement) à travers les dimensions de franchissement (notamment des frontières catégorielles de genre), de dissimulation/révélation et d’accès au "commun" (David et Décédec, 2016) (stratégies d’accès aux biens matériels et symboliques inaccessibles dans la catégorie initiale d'assignation) (Beaubatie, 2019).
Déroulement
Avant de mener une étude à partir d'entretiens individuels, en sollicitant des étudiants et étudiantes de master 1 et 2, il s’agit d’interroger et de confronter entre elles les trois sciences représentées à travers deux workshops, l'un consacré à l'intime et l'autre à l'extime. Une présentation de l’état de la science pour chacune des disciplines précédera des échanges entre les chercheuses et chercheurs en vue de concevoir l’étude qui suivra, en déterminant précisément les éléments qui devront être abordés dans les entretiens individuels.
Ces séminaires auront lieu à Metz, le 28 avril pour le premier, à Nancy, le 15 juin pour le second.
Chacun d’eux réunira les participantes et participants au projet, membres de l’Université de Lorraine, et des intervenants et intervenantes issus d’une autre université spécialiste du sujet.
Public étudiant et universitaire uniquement. Accès libre, sans inscription.