[Rencontre avec] Sophie Dumas-Lavenac, enseignante-chercheuse engagée

 
Publié le 5/03/2024 - Mis à jour le 7/03/2024

Sophie Dumas-Lavenac est maîtresse de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université de Lorraine. En poste à la Faculté de Droit, Économie et Administration de Metz où elle enseigne ; elle est rattachée à l’Institut François Geny pour ses travaux de recherche. Spécialiste de bioéthique, son engagement associatif la conduit en 2024 à s’éloigner de ses thématiques de prédilection pour s’intéresser aux violences faites aux femmes lors d’une journée d’études qui aura lieu symboliquement le 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

La Journée internationale des droits des femmes est une autre occasion de faire un focus sur cet événement à venir en allant à la rencontre de son instigatrice.    

Factuel : Pouvez-vous nous présenter votre parcours et vos thématiques de recherche ? 

J’ai soutenu ma thèse en 2012, à l’Université de Rennes, sur un sujet de bioéthique : « L’acte sur le corps dans l’intérêt médical d’autrui ». Depuis mon recrutement à l’Université de Lorraine en 2014, j’ai continué à travailler en droit des personnes, et j’écris également en droit de la famille.

Ma thématique de recherche principale reste la bioéthique : les dons d’éléments et de produits du corps humain, la procréation médicalement assistée en général, les questions trans’ ou encore la fin de vie.

Il s’agit de questions qui n’ont été que récemment envisagées par le droit, très étroitement liées à l’évolution des techniques mais aussi des considérations morales au sein de la société. Leur appréhension nécessite d’interroger les catégories juridiques ainsi que les contours et le contenu de certains principes. Leur étude donne à voir l’infléchissement de certains principes pourtant perçus comme intangibles, et la montée en puissance d’autres, auparavant considérés comme secondaires.

À titre d’exemple, les débats actuels autour de la légalisation d’une aide active à mourir révèlent une modification de l’équilibre entre, d’une part, la conception française de la dignité humaine, qui permet d’imposer des limites aux individus dans leur rapport à leur propre corps et, d’autre part, la notion d’autonomie personnelle qui, au contraire, légitime les demandes d’intervention sur le corps, rendant l’individu seul juge des atteintes qu’il peut autoriser sur lui-même.

Factuel : Le 25 novembre 2024, vous organisez une journée d’études consacrée aux violences faites aux femmes, un sujet a priori étranger à vos thématiques de recherche habituelles. Pouvez-vous nous en dire plus sur les objectifs de cette journée ?    

La journée d’études que j’organise le 25 novembre prochain consacrée aux violences faites aux femmes n’est pas directement liée à la bioéthique, mais présente ce point commun avec mes objets habituels de recherche de s’inscrire dans une mutation à l’œuvre dans notre société. Elle vise à questionner les règles juridiques existantes pour lutter contre ces violences, et à les mettre en résonance avec la réalité pratique.

Cette question s’impose aujourd’hui, et la prise de conscience collective du caractère systémique de ces violences doit nous pousser, en tant que chercheurs et chercheuses en sciences sociales, à mobiliser nos disciplines pour comprendre ce qui facilite les violences sexistes et sexuelles, avant de pouvoir y apporter des remèdes efficaces.

Il est aussi nécessaire d’observer les réalités concrètes, c’est pourquoi cette journée doit également faire une place importante aux acteurs de terrain dans les secteurs sociaux et médico-sociaux, de la justice, ainsi qu’aux associations de victimes.

Une journée ne suffira évidemment pas ! Comme la journée du 8 mars ou celle du 25 novembre ne suffisent pas. Aussi n’est-il pas question d’avoir une approche exhaustive. Il s’agit, modestement, d’identifier certains mécanismes de résistance, et certains leviers à même de les faire céder.

Cette démarche est également celle du Cha-U, collectif composé de personnels, d’étudiantes et étudiants de l’Université de Lorraine, auquel j’appartiens. Il ne suffit pas de déplorer les insuffisances de l’institution. Face au constat de dispositifs de protection des victimes lacunaires, nous mobilisons nos outils scientifiques, nous confrontons nos expériences et nos réflexions pour être une force de proposition, apporter une critique constructive et ouvrir un dialogue avec notre institution afin d’améliorer ces dispositifs.