Sur les traces des premiers métallurgistes européens. Découvertes archéologiques inédites dans le massif vosgien

 
Publié le 24/01/2022 - Mis à jour le 3/02/2022
Expérimentation archéologique sur du minerai de cuivre (Chalcopyrite) de Château-Lambert : opération de concassage broyage du minerai, prélude au traitement métallurgique (Centre de Recherche en Archéologie Expérimentale du Mont Vaudois). Photographie D. Morin

L’origine et la genèse des premières opérations métallurgiques en Europe constituent un axe prioritaire de recherche développé actuellement par les archéologues. Pourtant, les vestiges d’activités métallurgique antérieurs à l’époque moderne sont rares dans le massif vosgien. Dans le cadre de travaux de recherche récents, un ensemble inédit d’outils macrolithiques a été mis au jour sur le site des mines de La Grande Montagne à Château-Lambert (Haute Saône).

Localisé sur une ligne de crête entre la Lorraine et la Franche-Comté, le sous-sol de ce hameau recèle en effet une vaste exploitation minière de cuivre. Le filon minéralisé, incliné à 40-60°, a été exploité de la cote 685 à la cote 840 où il affleure en ligne de crête soit sur une dénivelée de plus de 200 mètres. La puissance de la formation varie de 0,30 m. à 1,20 m. Attestées au XVe siècle dans les sources, les mines étaient en pleine activité au début du XVIIe siècle. D’après les vestiges et les traces abandonnées dans les galeries, l’activité minière est marquée par des épisodes de reprises plus ou moins importants au cours des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Les travaux se développent sur un allongement de plus de 300 mètres.

En 2021, une opération archéologique programmée a permis de recueillir une série de percuteurs/broyeurs sur galets ainsi que plusieurs tables de broyage massives façonnées à partir de blocs de roche métamorphique. Le matériel de broyage constitue, pour reprendre Leroi-Gourhan, un mode particulier d’action sur la matière, visant à concasser, pulvériser, broyer ; autant de termes induisant une fragmentation voire une réduction en poudre. Cette catégorie d’outils comprend essentiellement les meules, molettes, pilons et mortiers. Les auteurs anglo-saxons englobent généralement dans une classe plus large (ground stone tools) de tels artefacts transformés par des techniques de piquetage, bouchardage, abrasion et polissage. Les outils retrouvés dans ce contexte sont directement liés à l’exploitation et au traitement de la chalcopyrite (minerai de cuivre).

Ces vestiges antérieurs à l’époque moderne et inédits sur le site de La Grande Montagne, confortent les découvertes réalisées dans les galeries à proximité des affleurements. Ils témoignent des premières activités minières et selon toute hypothèse, métallurgiques dans cette vallée enclavée du massif: ils sont à mettre en relation avec d’autres observations réalisées en Europe sur des sites miniers de datation et de configurations similaires comme au Pays de Galles (Great Orme, Parish Mountain) ou encore dans le massif alpin (Mercantour) et en Italie (Bienno) : ces ensembles sont présents sur des sites datés des premiers Ages des métaux.

Cette opération, menée en partenariat avec le Service Régional de l’Archéologie de Bourgogne Franche-Comté, avec l'appui du Conseil Départemental de Haute-Saône, regroupe des scientifiques de plusieurs laboratoires, parmi lesquels le laboratoire Hiscant-MA, l’UMR 5608 TRACES (H. Morin-Hamon), Georessources, et le Centre de Recherche en Archéologie Expérimentale du Mont Vaudois (J. Sainty). Les recherches en cours sont coordonnées par Denis Morin, archéologue au laboratoire Hiscant -MA

Haut-du-Them/Château-Lambert. Outil de percussion/concassage/broyage. Ref. ChL.B10. Restitution du geste de préhension. Dessin Jean Sainty (Centre de Recherche en Archéologie Expérimentale du Mont Vaudois).
Haut-du-Them/Château-Lambert. Outil de concassage/broyage. Ref. ChL.B01 Observation à la loupe binoculaire Surface d’abrasion. Les stries d’abrasion sont parfaitement visibles à la surface du galet. Photographie D. Morin
Haut-du-Them/Château-Lambert. Mine de La Grande Montagne. Relevés topographiques de surface. Photographie D. Morin