[Retour sur] Retourner au travail après la crise : Comment co-concevoir les nouveaux modes d'organisation ?

 
Publié le 15/10/2021 - Mis à jour le 4/11/2021
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Le 17 juin 2021, Lisa Jeanson, a présenté un Webinaire « Retourner au travail après la crise : Co construire les modes d’organisation de demain » en partenariat avec la DEPAS de l’Université de Lorraine. Lisa Jeanson est docteure en ergonomie cognitive et spécialiste de l’étude de la charge mentale au travail. Elle a fondé le cabinet Coganalyse en 2018 et propose des conseils, formations et recherches pour aider les entreprises à améliorer les conditions de travail et les performances de leurs salariés.

Au total, ce sont 24 participants qui sont venues s’informer et échanger lors de cet évènement interactif auprès de notre experte. A la veille du déconfinement total et de la fin des jauges dans les lieux publics (le 30 juin 2021), il était temps de faire le point sur ces presque 18 mois pas comme les autres. Il en ressort une certitude : il y a aura un « avant » et un « après Covid19 ». En effet, si la crise sanitaire n’a pas totalement remis en question les modes d’organisation « classique », son impact a grandement participé à l’accélération de transformations déjà en cours dans le monde du travail. L’élément le plus marquant de cette évolution est bien évidemment le télétravail. Alors que le 16 Juillet 2002, le premier accord cadre était signé par des partenaires sociaux européens, ce n’est que le 22 septembre 2017, soit 15 ans après, que l’ordonnance Macron définit le télétravail et fixe un cadre sur sa mise en place, les droits et devoirs des employeurs et des salariés ainsi que sur les équipements du télétravailleur. Selon l’article L.1222-9 du Code du travail français : « Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication ». Avant la crise sanitaire, les entreprises et les organismes privés avançaient avec grande prudence sur cette pente glissante qui, il faut bien le dire, remettait totalement en cause les fondements du travail d’hier. Il n’est donc pas étonnant que l’annonce du Président du 18 mars 2020 ait créé une onde de choc auprès des travailleurs français. Cette onde, nous l’avons ressentie d’abord sur la toile puisque le nombre d’utilisateurs des plateformes de collaboration et de communication en ligne a explosé. Par exemple, Zoom est passé de 10 millions d’utilisateurs au 31 décembre 2019, à 200 millions au 31 mars 2020 puis à 300 millions au 22 avril 2020. Comme le révèle une étude de la Harvard Business School, durant la période de confinement, le nombre de mails échangés a augmenté de 12,9% ainsi que le nombre moyen de participants par réunion (+ 13,5 %).

 

« Ces phénomènes ont bien entendu impacté la charge mentale des salariés, et pas seulement celle des femmes », nous précise Lisa Jeanson. La charge mentale est un construit multidimensionnel composé de la charge cognitive, de la charge psychique et de la pression temporelle. La charge cognitive correspond à l’effort objectif et mesurable nécessaire pour réaliser une tâche. Elle est identique pour tous pour une tâche et un niveau d’expertise donné.  La charge psychique est la manière dont on perçoit la charge cognitive, c’est le sentiment de charge. Elle varie selon énormément de critères comme le niveau de fatigue ou de motivation, l’état de santé, etc… La pression temporelle quant à elle, agit comme un curseur qui accentue ou amoindrit le sentiment de charge selon que la personne a plus ou moins de temps pour réaliser une tâche. Or dès le début du confinement, en plus des éléments personnels et professionnels habituels à concilier (gestion de la garde des enfants, des devoirs, du ménage, de l’ambiance au sein de l’équipe de travail, etc…), le ciel des salariés français se voile d’un nuage gris fait d’inquiétudes et d’incertitudes. Balayés entre la peur d’attraper le virus et la frustration de ne pas pouvoir sortir ni profiter « normalement » de plaisirs anodins, les télétravailleurs forcés sont retranchés dans leur salon, souvent envahi par leurs enfants et leur conjoint. De plus, ils voient leurs agendas se remplir de réunions qui s’enchaînent sans pause voire se chevauchent et n’ont que trop rarement de sens. On n’a beau tenter de renouer le lien avec les collègues grâce aux cafés virtuels, ils n’atteignent pas le niveau d’efficacité des réunions informelles autour de la machine à café. Paradoxalement, à la maison les journées raccourcissent, et on se met à travailler non-stop, parfois même la nuit.

Mais alors, comment retourner au travail après la crise ? Faut-il oublier le télétravail et se cantonner au travail sur site, le plus souvent en open space ? « Il faut tirer des leçons de ce que nous avons vécu pour repenser le travail de demain », nous dit Lisa Jeanson. Avec le travail à distance forcé mis en place en urgence lors du confinement, nous avons pris conscience de la valeur du trajet « maison-boulot », mais aussi des réunions « en vrai ». Aujourd’hui, il est temps d’analyser l’activité et les besoins de l’Homme au travail afin d’organiser au mieux les agendas. Vous avez besoin de calme et de concentration ? Faites-en sortes d’être dans un environnement paisible et stable lorsque vous produisez ces tâches. Vous devez trouver des solutions à des problèmes complexes incluant plusieurs personnes ? Privilégiez les réunions en présentiel, si possible sans éléments perturbateurs, durant lesquelles les interactions seront plus fluides et les échanges plus aisés. Savoir de quoi est fait son travail pour adapter l’environnement, c’est ce que font les ergonomes et c’est peut-être ça, au fond, la solution pour co construire le travail hybride de demain.

Pour contacter Lisa Jeanson : lisa.jeanson@coganalyse.com  ou via le site internet de Coganalyse.

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