[Prix littéraire Léonora Miano] Portraits croisés de Bérénice, membre du jury et Claude, membre de l'organisation du prix

 
Publié le 6/05/2021 - Mis à jour le 26/05/2021

Chaque semaine deux nouveaux portraits à découvrir en lien avec le prix littéraire Frontières Léonora Miano ! Cette semaine, faisons connaissance avec Bérénice Guidat, libraire au sein de la librairie nancéienne "Le Hall du Livre" et Claude Rochette, chargé de production audiovisuelle et multimédia à la Direction du Numérique, sur le campus de Metz.

Factuel : Pourquoi avoir accepté de participer à cette 1ère édition du Prix littéraire- Frontières Léonora Miano ? 

Bérénice Guidat : "Je suis très heureuse de représenter le Hall du Livre pour cette première édition du prix littéraire Frontières Léonora Miano et je remercie l’Université de Lorraine et l’Université de la Grande Région d’avoir associé la librairie à ce beau projet. Porter et accompagner un livre qui nous a touchés, faire découvrir un auteur au public font partie du cœur de métier de libraire et c’est donc avec enthousiasme que je me suis plongée dans la lecture de ces dix romans, afin de soutenir et récompenser une œuvre littéraire de qualité, traitant d’un sujet, par maints aspects, plus que jamais contemporain. La participation du Hall du Livre est également une opportunité de renforcer les liens qui unissent les acteurs culturels et institutionnels qui œuvrent pour le livre, la lecture et la circulation des idées, tant au niveau local que régional."

Claude Rochette : "Avoir créé un tel événement au sein de nos espaces transfrontaliers est une démarche formidable ! Il résonne à mon sens comme la continuité du colloque « Lieux, Géo-littérature et Médiations » et plus particulièrement de la conférence de Michel Lussault que nous avons filmée en décembre 2017 au Luxembourg.  Le concept de « Frontières » est tellement riche et complexe que c’est bien par le biais de la création qu’il devient un des vecteurs provocateurs de relations interculturelles. C’est une évidence. Pour moi, la littérature doit pouvoir bousculer les esprits, nous surprendre, nous transporter hors limites de nos opinions, nous emmener au-delà des frontières, même imaginaires. Alors celles-ci disparaissent comme les lignes de craie blanche tracées sur les ailes d’un albatros. La littérature et ses formes d’écriture nous secoue, nous fait réfléchir sur l’existence de l’Autre, sur notre état d’être là, dans tel espace, à une période précise de notre vie. Malheureusement, il faut du temps pour s’y consacrer, dans notre monde en accélération. La conférence que Léonora Miano a tenue le 2 février 2021 a mis en exergue ce goût pour l’échange culturel et l’existence dans l’Afrique d’aujourd’hui d’un colonialisme complexifié par ses anciens et ses nouveaux acteurs, dans un contexte géopolitique sensible. Alors, une telle manifestation prend tout son sens."

Factuel : Qu'évoque pour vous la thématique de la frontière dans votre quotidien ?

Bérénice Guidat : "Les libraires – tout comme les traducteurs, les éditeurs... –, ont un rôle fondamental de passeurs : passeurs de culture, d’informations, d’émotions... Le livre et la lecture offrent cette formidable chance au lecteur d’ouvrir le champ des possibles, d’élargir l’étendue de ses connaissances, de s’évader... bref, de pouvoir s’affranchir des frontières, réelles ou imaginaires. Et nous avons vu depuis un an maintenant, à quel point le livre et la lecture se sont révélés essentiels alors que les déplacements et les interactions sociales se limitaient à leur portion congrue."

Claude Rochette : "Quotidiennement, la libre circulation dans l’Espace Schengen m’a complètement fait oublier l’existence des frontières. Ailleurs, j’ai connu des frontières plus spectaculaires à franchir, comme il y a moins de dix ans à l’aéroport JFK de New-York où, si vous ne suiviez pas au centimètre près le chemin qui vous menait aux douaniers qui numérisent vos empreintes, l’iris de vos yeux et vous demandent si par hasard vous ne seriez pas un terroriste, on vous rappelle à l’ordre avec fortes vociférations qui se rapprochent plus de l’aboiement que de la douce voix des hôtesses de l’air : « Walk on the red carpet! » Un accueil violent et des plus surprenants ! Là, on commence à comprendre ce que peuvent vivre les migrants."

Factuel : Quel livre a marqué votre vie et pourquoi ?

Bérénice Guidat : "Un seul livre?! Pour une libraire, cette question est un supplice! Tant de livres m’ont accompagnée, bousculée, portée, consolée qu’il me semble difficile, voire réducteur, de ne pouvoir en mentionner plusieurs. Mais puisqu’il ne faut en choisir qu’un... Je garderais Sur la route, de Jack Kerouac. Pour la légende qui entoure l’écriture du livre, pour ce roman culte qui a marqué des générations, pour cette traversée de l’Amérique de part en part; pour la fièvre, l’ivresse, l’impatience qui animent Sal Paradise et Dean Moriarty; pour ce souffle et cet élan qui les poussent toujours plus en avant dans leur quête; pour l’invitation à briser les carcans, à sortir du conformisme... et à repousser les frontières..."

Claude Rochette : "C’est comme demander à Shiva de s’amputer de ses nombreux bras pour n’en garder qu’un seul ou à un amateur de rock de sélectionner dix de ses disques préférés pour les emporter sur une île déserte ! Le choix est cruel. Alors, je vous propose une déambulation Sur la Route des Clochards célestes où Les Souterrains du Métro blanc vous emmènent vers Les Cités de la Nuit écarlate (J. Kerouac, W.S. Burroughs) en empruntant Les Chemins noirs, en suivant Le Chant des pistes, loin de L’Avenue des Géants (S. Tesson, B. Chatwin, M. Dugain) pour rencontrer des Anges mineurs, envoûté par les Songes de Mevlido (A. Volodine) et finalement être ému par La Tristesse des Anges qui tombe Entre Ciel et Terre sur Le Cœur des hommes (J.K. Stefánsson), comme une étrange Neige sur L’Incendie de La Maison au Bout du Monde, en pleine Anarchie au Royaume-Uni (O. Pamuk, T. Vesaas, M. Cunningham, N. Cohn). Et quand je perds mon chemin Sur le Toit du Monde, lors de courtes Balades au Paradis, je le Demande à la Poussière (P. Hopkirk, S. Shepard, J. Fante). Ces ouvrages m’ont bouleversé, bousculé, ému, dérangé, captivé, étonné."

 
 



Bérénice Guidat est libraire au sein de la librairie nancéienne "Le Hall du Livre". Diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris, Bérénice Guidat a travaillé pendant 10 ans dans le monde de la culture et de l’édition, notamment à l’Institut français. Après avoir vécu trois ans en Polynésie, elle est désormais libraire au Hall du Livre, à Nancy. Ses domaines de prédilection: la littérature et l’histoire, avec un petit penchant pour la littérature jeunesse. 

 

 

Claude Rochette est ethnologue, chargé de production audiovisuelle et multimédia au sein de la Sous-direction des usages du numérique. Il participe à l’élaboration de ressources pédagogiques numériques proposées par l’UniGR dans le cadre du projet interuniversitaire Center Border Studies. Son goût pour la musique improvisée et l’écriture littéraire l’amène actuellement à composer un ensemble de nouvelles électroacoustiques et d’installation plastique et sonore inspirées de voyages et de représentations géographiques.

Les livres sélectionnés pour le prix 

RV le samedi 19 juin au Festival "Littérature et Journalisme" de Metz pour la remise du prix aux lauréats !