[Prix littéraire Léonora Miano] Portraits croisés : Anne-Marie, membre du comité de sélection, et Cécile, membre du jury

 
Publié le 14/04/2021 - Mis à jour le 20/04/2021

Chaque semaine deux nouveaux portraits à découvrir en lien avec le prix littéraire Frontières Léonora Miano ! Cette semaine, faisons connaissance avec Anne-Marie Carlier, libraire à la librairie "Autour du Monde" de Metz et membre du comité de sélection et Cécile De Coccola, conservatrice à la Bibliothèque du Saulcy à Metz, à l'Université de Lorraine et membre du jury.

Factuel : Pourquoi avoir accepté de participer à cette 1ère édition du Prix littéraire-Frontières Léonora Miano ?

Anne-Marie Carlier : "En tant que lectrice et libraire, j’ai toujours plus que l’embarras du choix pour savoir quel livre ouvrir et lire ou reposer, me laissant guider toujours par mes envies, par le nom d’un auteur, d’un éditeur, d’une phrase lue. Participer à la présélection pour ce prix, c’était changer mes habitudes ! Cette fois-ci il fallait allier envies et cette contrainte interrogeant ce terme de frontière, puiser chez différents éditeurs, langues… faire rimer subjectivité et objectivité. Passionnant !"
 
Cécile De Coccola : "J’ai appris par ma direction (Direction de la Documentation et de l'Edition) que Carole Bisénius recherchait des membres du jury pour ce tout nouveau prix. Je n’ai pas hésité longtemps avant de proposer ma participation. Plusieurs éléments m’ont très rapidement convaincue de l’intérêt de participer en tant que membre du jury à cette 1ère édition du Prix littéraire-Frontières Léonora Miano lancé par l'Université de Lorraine & l'Université de la Grande Région. J'ai été bercée toute mon enfance et une partie de ma jeunesse par les émissions de France Inter. Je me souviens très bien avoir entendu alors les appels à participation au Prix du Livre Inter et avoir songé qu’un jour moi aussi... 25 ans passent et l’opportunité se présente dans mon établissement ! Excitation mêlée à une certaine fierté de travailler pour une université qui propose son propre prix littéraire, je voulais être de l’aventure ! J'ai dit oui !"
 

Factuel : Qu'évoque pour vous la thématique de la frontière dans votre quotidien ? 

Anne-Marie Carlier : "Une enfance passée en Espagne m’a très vite fait découvrir ce terme de frontière, dans la géographie, dans les langues et habitudes ou tout simplement dans les accents avec les Pyrénées comme ligne de démarcation ! Ce sont alors des vies différentes qui se déplient comme l’on déplie des paysages. La littérature fait le reste ! C’est elle qui me fait rencontrer bien d’autres frontières. La frontière est ligne de friction, d’inconnu, d’altérité, elle partage des mondes mais aussi le réel et l’imaginaire, le monde d’ici et d’ailleurs… et interroge tous les domaines de la pensée. Vivifiant !"
 
Cécile De Coccola : "Dans mon quotidien la frontière m’évoque les étudiants et chercheurs étrangers que nous accueillons chaque année, ce que je perçois comme une immense richesse tant pour la communauté étudiante que pour les personnels UL. Me déplaçant beaucoup à pied, elle évoque aussi pour moi les migrants que je croise en ville. Je me demande de quoi leur lendemain sera fait. A chaque fois ils m’inspirent un certain désarroi et une forte admiration pour leur détermination et leur courage. Frontières géographiques, frontières sociales. Dans les multiples strates de ma vie sociale, au milieu de brassages humains permanents, je ressens aussi toutes ces parois invisibles entre populations vulnérables et actifs courant après le temps. Ce prix est ainsi l’occasion pour moi de me réinterroger sur ce qui nous relie et nous cloisonne les uns par rapport aux autres en dehors de la sphère familiale et du foyer."

 

Factuel : Quel livre a marqué votre vie et pourquoi ?

Anne-Marie Carlier : "La saga de Youza de Youozas Baltouchis traduit magnifiquement du lituanien et russe par Denise Yoccoz-Neugnot. Pocket. Première édition Alinéa. Un livre incroyable à bien des égards. Seul titre de l’auteur disponible en français, l’aventure de sa publication commence avec la traduction. L’auteur mis au courant de la version en cours, on ne sait comment, avait interpellé la traductrice pour qu’elle ne se contente pas du roman russe, version expurgée et censurée. Elle a donc navigué entre deux langues, et même plus, puisque pour rendre la richesse du vocabulaire rural, elle s’est plongée dans les différents patois, nous fournissant même un lexique en fin d’ouvrage. Incroyable aussi ce personnage de Youza. Ce pourrait être son histoire, Youza quittant son village suite à un chagrin d’amour, pour aller vivre au cœur des marais. Seul, il cherche à fuir tout contact, et pourtant l’histoire du XIX siècle ne cesse de le rattraper. Une saisissante réflexion sur la solitude…"
 
Cécile De Coccola : :"Il m’est impossible de ne choisir qu’un seul livre ! Je choisis une autrice. Elle a marqué ma vie lorsque j’étais jeune femme, c’est Edith Wharton.
Ses romans et nouvelles représentent pour moi un bijou absolu aux multiples facettes alliant style ultra ciselé et sens esthétique époustouflant, regard acéré sur la société américaine, et lucidité parfois redoutable sur les rapports hommes-femmes excluant néanmoins toute forme d’amertume. J’ai eu l’intime conviction à l’époque d’avoir rencontré une âme-sœur fictionnelle."
 
 



Anne-Marie Carlier se dit « ouvrière du livre depuis 30 ans ». Elle a été libraire dans plusieurs villes françaises (Vienne, Besançon, Niort) avant de tomber sous le charme de Metz et d’y installer en 2015 sa propre librairie, « Autour du Monde », initiant de nombreuses rencontres entre auteurs et lecteurs.

 

 

 

Cécile Quilliard – de Coccola est responsable de la Mission Observatoire des Usages à la Direction de la Documentation et de l’Edition de l’Université de Lorraine. Conservatrice des bibliothèques en chef, elle a navigué ses vingt dernières années d’Est en Est avec un petit crochet à l’Ouest. Elle a d’abord travaillé 10 ans à l’Université Paul-Verlaine Metz puis s’est rapprochée de ses attaches bretonnes (Rennes 2, Caen) pour revenir en Lorraine fonder une nouvelle famille en 2013.

 

Les livres sélectionnés pour le prix 

RV le samedi 19 juin au Festival "Littérature et Journalisme" de Metz pour la remise du prix aux lauréats !