Les Contes d’Hoffmann ou le Reflet retrouvé de Jacques Offenbach
Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach est annoncé d’emblée comme un opéra fantastique. « Trois femmes dans une même femme » chante le personnage principal – Hoffmann – avant de commencer le récit de ses amours. Cette « même femme » c’est la cantatrice Stella dont il est l’amant. Elle chante Don Giovanni de Mozart sur scène en même temps que se déroule l’action des Contes. Stella, surtout, lui rappelle trois femmes dont il a été épris : Olympia, Antonia et Gulietta. Ces trois idylles vont constituer la trame d’un livret qui répète trois fois la même situation à trois temps de vie différents du personnage principal : Hoffmann. L’opéra s’appuie sur au moins trois Contes de l’écrivain et compositeur romantique Ernest Théodore Amadéus Hoffmann dont Jules Barbier et Michel Carré avait en 1851 tiré une pièce à succès qu’Offenbach connaissait et qu’il voulait mettre en musique. Absorbé par d’autres tâches, il avait renoncé pour y revenir en 1877, trois années avant sa mort. Dès le Prologue des Contes, J.Offenbach et son librettiste, Jules Barbier évoquent les amours d’Hoffmann, un poète, buveur, séducteur proche du Don Giovanni de Mozart dont l’opéra se déroule parallèlement aux Contes. L’œuvre est créée le 10 février 1881, il y a presque 140 ans exactement à l’Opéra-Comique. Mais le jour de la création, le compositeur repose au cimetière du Montparnasse depuis 4 mois. L’opéra est un triomphe mais, ironie du sort, c’est un triomphe posthume. Pied de nez de l’histoire à un musicien qui rêvait de trouver sa place comme compositeur d’opéras parmi ses illustres aînés dont Mozart est le paradigme. Mais à la faveur de cette évocation des amours d’Hoffmann, se révèlent aussi, deux hommes dans le même homme : le compositeur Jacques Offenbach qui met en musique la pièce écrite « Les contes fantastique d’Hoffmann » et l’homme Offenbach dont l’histoire complexe va se fondre avec celle de son personnage Hoffmann. Là se trouve le fantastique. Derrière l’homme à la baguette légère composant à la chaine des opéras-bouffes où la satire le dispute au rire apparaît un homme plus secret, blessé d’avoir comme il l’écrit « été coupé des siens très tôt – son père l’amène à Paris et l’y confie à 14 ans à la communauté juive - obligé de travailler à un âge où les enfants vont à l’école, privé de l’amour de ceux qui sont restés de l’autre côté de la frontière ». Abandon, coupure, désespoir. Hoffmann le poète de l’opéra devient un double d’Offenbach le compositeur qui raconte son enfance et sa jeunesse (Olympia), sa passion dévorante pour la musique (Antonia) et le désabusement morbide (Gulietta). C’est précisément cette dualité entre fiction et souvenirs que nous évoquerons en commentant l’œuvre de Jacques Offenbach.
Jean-Pierre Vidit
Président du Cercle Lyrique de Metz
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