Doctorant à l’Institut Jean Lamour, Jean-Loïs Bello est rentré fin mars 2020 d’un séjour de recherche à la New York University (NYU), en pleine crise de COVID-19. Il y a travaillé aux côtés d’Andrew Kent, docteur honoris causa de l’Université de Lorraine.
Qu’est-ce qui vous a amené à séjourner aux Etats-Unis pendant votre thèse ?
Je fais une thèse dans l’équipe de Stéphane Mangin, sous la direction de Michel Hehn, sur le retournement de l’aimantation dans des multi-couches minces de matériaux ferri-magnétiques. Ce domaine de la spintronique a des applications en matière de stockage de l’information.
Notre équipe travaille depuis longtemps avec le laboratoire d’Andrew Kent, le Center for Quantum Phenomena (CQP) à New York. Le CQP a en commun avec l’IJL d’avoir déménagé il y a 3 ans dans un nouveau bâtiment, notamment pour héberger un tube sous ultravide. Ce dernier est plus petit que celui de l’IJL (10 mètres environ) mais dispose de techniques similaires et a été construit par la même entreprise française, Vinci Technologies.
Certaines mesures que je dois effectuer sur des échantillons dans le cadre de ma thèse ne peuvent pas être faites à l’IJL. Le CQP, lui, dispose de l’équipement nécessaire. Il s’agit d’envoyer sur les échantillons des pulses électriques ultra-courts de l’ordre de la nanoseconde, voire en-dessous. Il était prévu que j’y séjourne un an, de fin septembre 2019 à fin mai 2020.
Comment se sont organisés la vie et le travail sur place ?
Je suis parti avec un visa d’étudiant en échange et j’ai eu la chance d’être exonéré des frais d’inscription à la NYU, qui est une université privée, l’une des plus chères au monde, située en plein cœur de Manhattan sur Broadway avenue. J’ai trouvé un logement en colocation à Brooklyn grâce à un groupe Facebook et j’ai reçu une indemnité de la NYU pour le financer.
J’ai travaillé en binôme avec Yassine Quessab, un post-doctorant qui a fait sa thèse à l’IJL et est diplômé de Mines Nancy. Nous avons mis au point ensemble un microscope Kerr, qui manquait à l’équipe d’Andrew Kent. J’ai également développé un logiciel pour faire de l’imagerie à partir des micrographies obtenues avec ce microscope.
En novembre, je me suis rendu à Las Vegas pour le congrès annuel Magnetism and Magnetic Materials (MMM) et j’y ai donné une conférence sur mes travaux de thèse.
Puis nous avons démarré les mesures électriques sur le retournement de l’aimantation. On a eu des résultats prometteurs auxquels on ne s’attendait pas forcément ; on commençait à avoir assez d’informations pour écrire un article scientifique… Et c’est à ce moment-là qu’on a commencé à parler de cas de COVID-19 dans la banlieue de New York. On était début mars.
Comment les choses se sont-elles passées pour vous après la révélation des cas de COVID-19 à NYC ?
Le 12 mars, l’université est passée en cours à distance et le laboratoire m’a informé qu’il fallait se préparer à ne plus venir et à passer en télétravail le plus vite possible. J’y suis allé pour la dernière fois le 13 mars. Dans la foulée tout a commencé à fermer. L’arrêt de toutes les activités non essentielles a été décrété le 20 mars dans l’Etat de New York.
Andrew Kent a dû faire un plan de fermeture du laboratoire avec les noms de quelques personnes qui pouvaient se rendre sur place.
Grâce au portail Ariane, je recevais des mails de l’ambassade. Elle me conseillait de rentrer au plus vite car les vols se raréfiaient. J’étais également en contact avec mon responsable d’équipe en France, qui avait la consigne de l’université de faire rentrer les étudiants en France.
Il ne restait que 3 vols par semaine et j’ai pu prendre un vol direct le 26 mars. Il était impossible de trouver des masques en ville, mais j'ai réussi à en avoir par le CQP pour pouvoir faire le voyage.
J’ai ramené une partie de mes échantillons et j’ai laissé ceux en cours de mesure sur place, car nous allons continuer à travailler ensemble à distance.