Dans le cadre de l'opération « 2018-2019, année de la chimie, de l'école à l'université », Arnaud Fischer vous propose une conférence intitulée « La classification de Mendeleïev - Un regard différent sur un chef-d'œuvre ». Elle sera donnée le vendredi 26 avril 2019 à 20h, en amphithéâtre nº8 du campus Sciences et Technologies de Vandœuvre-lès-Nancy.
L'entrée sera gratuite dans la limite des places disponibles, la réservation étant recommandée à l'adresse « arnaud.fischer@univ-lorraine.fr ».
Résumé du programme : Ébauchée vingt-huit ans avant la découverte de l’électron, la classification périodique des éléments a peu de choses en commun avec l’actuelle description universitaire, noyée dans les principes d’une physique des particules d’un autre temps, qui en est faite aux jeunes futur(e)s scientifiques. Entre règle de Hund et diagramme dit « de Klechkowski », que reste-t-il du caractère extraordinairement visionnaire du tableau esquissé par le grand chimiste russe, qui est allé jusqu’à s’offrir le luxe de prédire les propriétés d’éléments hypothétiques, de corriger des valeurs de masses atomiques ou d’inverser les positions relatives d’éléments, à une époque où l’atome était encore cru indivisible ? Qui s’interroge aujourd’hui sur les raisons d’une classification ? Se rappelle-t-on seulement à quelle époque les éléments ont été découverts et de quelle manière ? À y regarder de plus près, le grand édifice de la chimie – qui fait écho aux tentatives de classifications ayant déjà émergé à l’époque classique dans d’autres disciplines – résume à lui seul vingt-cinq siècles d’investigations acharnées concernant la constitution de la matière. Il offre une riche rétrospective allant des théories grecques à leurs applications alchimiques, des révolutions de la pneumatique des Lumières aux nouvelles bases jetées par Dalton. Si, avant 1869, les précurseurs dans l’organisation des éléments connus en un ensemble cohérent n’ont pas manqué, c’est pourtant bien à Mendeleïev que revient le mérite de choix plus audacieux encore, remarquablement entérinés par le développement de la chimie moderne. Réconciliation improbable des notions antiques d’élément et d’atome, la classification périodique est également une pierre d’angle de la problématique du symbole en chimie. Omniprésente dans le formidable tableau, la suggestion pertinente de Berzelius de représenter chaque élément par une ou deux lettres devient une invitation au voyage tant géographique que chronologique et surtout étymologique. Pour le chimiste actuel qui ne s’émeut plus du nom des substances qu’il manipule et en a souvent oublié les origines, la symbolisation des éléments se révèle pleine de surprises : villes, nations et continents y rivalisent avec les grandes figures de la science ; l’astronomie y répond à la métallurgie ; les tensions franco-germaniques du dix-neuvième siècle y côtoient la mythologie gréco-romaine, tandis que certains éléments ne doivent leur nom qu’à leurs propriétés. Le temps d’un regard en direction du passé, rendons hommage à un chef-d’œuvre que nous prenons si rarement le temps de contempler, sans doute pour l’avoir trop relégué au rang d’élément de décor dans les salles de classes et les laboratoires.